Commande publique - Annulation d'un marché de conception-réalisation : pas d'incidence sur la prime prévue
Dans un arrêt du 23 octobre 2013, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur la question du versement d'une prime à un candidat admis à concourir dans un marché de conception-réalisation suite à l'annulation de la procédure de passation du marché auquel elle se rattache.
Dans les faits, l'hôpital du François en Martinique avait lancé une consultation pour l'attribution d'un marché de conception-réalisation pour la reconstruction de l'hôpital. Le marché de conception-réalisation est un marché de travaux présentant la particularité de confier à un groupement d'entreprises ou à un seul opérateur économique une mission portant à la fois sur l'établissement d'études et l'exécution des opérations. L'article 69 du Code des marchés publics en détaille le régime juridique et prévoit que les candidats admis à concourir par le pouvoir adjudicateur doivent réaliser en amont des études de conception déterminées et définies par le règlement de la consultation, sur lesquelles se prononce ensuite un jury. Pour rémunérer ces prestations, le règlement de la consultation prévoit le versement de primes aux candidats retenus.
Dans l'affaire en cause, le litige concernait le versement de cette prime à un cabinet d'architectes, candidat au marché, suite à l'annulation de la procédure de passation dudit marché. Par une ordonnance du 22 décembre 2007, le juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France avait en effet annulé la procédure de passation du marché de conception-réalisation au motif que le délai de validité des offres indiqué dans le règlement de la consultation ne correspondait pas à celui mentionné dans l'avis d'appel public à la concurrence.
Le cabinet d'architectes saisit alors le tribunal administratif de Fort-de-France et réclame le paiement de la prime prévue par le règlement de la consultation. Rejetée par le tribunal administratif, cette requête ne trouve pas non plus d'écho favorable devant la cour administrative d'appel de Bordeaux (voir notre article ci-contre du 4 septembre 2012). Le Conseil d'Etat est alors saisi par le cabinet d'architectes.
Un candidat admis à concourir par la personne publique dans un marché de conception-réalisation peut-il réclamer le versement de la prime prévue dans le règlement de la consultation lorsque ledit marché est annulé ?
La Haute Juridiction développe un raisonnement a contrario et apporte une réponse positive au problème soulevé. En effet, elle estime que "le pouvoir adjudicateur et les candidats sélectionnés par un jury pour exécuter les prestations visant à l'attribution d'un marché de conception-réalisation sont, indépendamment de l'attribution de ce marché, engagés dans un contrat ayant pour objet la remise de prestations conformes aux documents de la consultation". Le marché annulé est donc "sans incidence sur la validité de l'engagement contractuel relatif au versement de la prime". Ainsi, l'annulation de l'un n'entraîne pas automatiquement l'annulation de l'autre. Le contrat prévoyant le versement d'une prime au candidat par l'acheteur public est donc indépendant du marché public de conception-réalisation auquel il se rattache. Le Conseil d'Etat condamne l'hôpital du François au versement de la prime prévue au cabinet d'architectes lésé.
L' Apasp
Référence : Conseil d'Etat, 23 octobre 2013, n° 362437
