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Transports - Anniversaire de la Fnaut : quarante années d'écoute des usagers

Tenace et indépendante. Deux adjectifs qui caractérisent le positionnement de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut). Pour marquer le coup de ses quarante ans, elle a fait un point rétrospectif le 9 novembre sur ses actions et les perspectives dans un secteur en profond changement.

"Indépendante et farouchement même, puisque nous nous faisons une règle de ne toucher aucune aide d'entreprise, condition sine qua non pour percevoir les subventions des ministères dont nous dépendons et qui nous font vivre", a introduit ce 9 novembre Bruno Gazeau pour rappeler l'éthique de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) dont il est président. Le pilier et vice-président de l'association, Jean Sivardière, ajoute : "Financièrement cela ne va pas fort mais ce n'est pas la première fois. Nous explorons de nouvelles pistes, en avons proposé certaines qui n'ont pas été reprises dans la dernière version du projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) bientôt présentée en conseil des ministres. Mais restons confiants dans l'avenir car nous sommes aujourd'hui reconnus comme 'la seule voix des usagers des transports'."
 Un constat : parmi la quinzaine d'associations de consommateurs agréées par l'État, la Fnaut est la moins aidée avec une maigre subvention de quelques dizaines de milliers d'euros, bien moins que ses homologues non spécialisées issues du mouvement familial (voir ce document sénatorial émis durant la présentation du projet de loi de finances 2018). En tant qu'association de défense de l'environnement local et groupe de réflexion sur la politique générale des transports, elle défend les usagers - qui sont "fatigués d'être ignorés et sur qui la LOM risque à nouveau de faire l'impasse" -, fonctionne de façon collégiale en s'appuyant sur un réseau d'une dizaine de fédérations régionales, mène des actions contentieuses (recours devant le conseil d'État pour la LGV Poitiers-Limoges), publie des enquêtes et organise des congrès et colloques (un à la rentrée 2019 sur les déplacements dans les villes moyennes "très impactées par l'urbanisme commercial et l'étalement urbain").

Une précieuse liberté de ton

Fière de "ne pas avoir peur de dire ce qu'elle pense", elle dispose d'une vision d'ensemble en tant que fédération aimantant une centaine d'associations locales concernées "par la problématique consumériste et environnementale des transports" et rassemblant, si l'on inclut celles liées au vélo, environ 80.000 adhérents. Hostile à l'idée d'un transport public gratuit mais favorable au péage urbain, favorable à l'extension de nouvelles lignes LGV mais vigoureusement opposée au projet du canal Seine-Nord Europe, qu'elle juge d'avance "ruineux et sans effets" : ses positions sont diverses et relativement critiques à l'encontre des "innovations présentées comme des solutions miracles, par exemple le tramway sur pneus qui a échoué à Nancy et Caen ou le câble urbain qui n'est adapté qu'à des niches".
 L'association bataille régulièrement pour le développement de sites propres pour les transports collectifs de surface (tramway, bus à haut niveau de service ou BHNS) et contre les niches fiscales dont bénéficient le transport aérien et le transport routier de fret. Elle croit et insiste sur la pertinence des techniques traditionnelles - tramway, train électrique, vélo, combiné rail/route - et a obtenu de beaux succès. Sur son tableau de trophées figurent l'annulation de projets inadaptés de minimétros VAL (à Strasbourg et Bordeaux) ou de rocades autoroutières (à Grenoble, terre de naissance de l'association). Ou encore le retour de tramways qu'elle a appuyé dans des villes comme Nantes, Lyon, Orléans, Reims ou Bordeaux. Mais aussi l'émergence de l'intermodalité, la défense des autoroutes ferroviaires, l'exploitation des lignes ferroviaires régionales en délégation de service public (DSP), etc.

Du scepticisme face aux nouvelles mobilités

"Nous dénonçons aussi de longue date l'implantation de gares TGV en rase campagne (exurbanisées) et sans connexion possible avec le TER et les transports de proximité. Nous sommes particulièrement intéressés aux transports dans les petites et moyennes villes. Et avons toujours défendu les petites lignes ferroviaires et dénoncé les projets inutiles et nocifs pour l'environnement", ajoute Jean Sivardière. Autre cheval de bataille, l'insécurité routière, qui doit être "appréhendée comme un problème spécifique et un aspect de la politique des transports".
 Quitte à se mettre à dos certains acteurs, sa position est critique vis-à-vis des nouvelles mobilités - le covoiturage a selon elle "une portée limitée" - et la voiture électrique, "cet exemple typique des illusions technologiques qui fascinent les décideurs mais ne fait que déplacer la pollution et dont l'usage généralisé ne réduirait pas la congestion urbaine". Sollicitée par diverses instances expertes et par les médias - "il ne se passe pas une journée sans qu'on nous appelle" -, elle l'est sur des enjeux qui l'éloignent de son cœur de métier comme le transport aérien ou, suite à l'effondrement du pont à Gênes, sur l'état en France des infrastructures routières.
 "Nous nous appuyons sur des observations concrètes, non sur des considérations idéologiques, avons dû acquérir de nouvelles compétences face à la complexification du secteur et faisons réaliser des études. Ce besoin d'expertise est important, les décideurs ont de plus en plus besoin d'être éclairés. Et nous de muscler nos compétences sur des sujets nouveaux comme l'ouverture des données, le véhicule autonome", conclut Jean Sivardière.