Amorce appelle les déchèteries à fermer leurs portes aux déchets du bâtiment
Alors que l’entrée en vigueur de la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les déchets du bâtiment a été une nouvelle fois reportée – au 1er mai prochain –, Amorce appelle l’État au respect de la loi et les collectivités à fermer leurs portes à ces déchets "si la situation perdure". Ce qui sera assurément le cas, puisque de nombreux éléments font encore défaut pour que la filière soit en ordre de marche, comme le souligne la Fédération française du bâtiment, qui dénonce une "mise en œuvre chaotique". Le comité de conciliation regroupant les représentants des collectivités territoriales, qui doit se tenir le 26 janvier prochain, promet d’être animé.
"Quatorze ans après la loi Grenelle, qui prévoyait déjà la création d’un dispositif de collecte sélective des déchets du bâtiment, sept ans après la loi Transition énergétique pour la croissance verte, qui prévoyait la création d’un réseau de collecte […] par les distributeurs de matériaux, et après déjà deux reports de la mise en œuvre d’une filière à responsabilité élargie du producteur (REP) sur les matériaux de construction [PMCB], prévue par la loi Agec, la mise en place opérationnelle de la filière des produits et matériaux de construction du bâtiment accuse un nouveau retard !", s'insurge l’association Amorce dans un communiqué diffusé ce 17 janvier.
Un trimestre de retard de plus
Amorce relève que "l’organisme coordonnateur de la filière n’est toujours pas agréé", que "le contrat-type que devront signer les collectivités n’est pas prêt" et que "le réseau de collecte n’est pas opérationnel". Pis, elle déplore que Bercy ait "informé que les PME qui ne seraient pas en conformité avec la réglementation à partir du 1er janvier 2023 ne seraient pas sanctionnées" (lors des assises du BTP du 22 septembre dernier, voir notre article du 18 octobre) et, "plus encore", que le ministère de la Transition écologique ait "accepté le nouveau scénario de démarrage proposé [le 19 décembre, ndlr] par les éco-organismes [Ecomaison, Ecominéro, Valdélia et Valobat], exemptant ainsi les metteurs en marché d’éco-contribution jusqu’à fin avril".
Appliquer la loi, sinon...
La conséquence de ce report est simple : les déchèteries publiques – ou les dépôts sauvages ! – vont continuer de recevoir le flux de déchets, qu’Amorce estime à quelque 5,7 millions de tonnes par an. "Les collectivités, et indirectement le contribuable local, ne peuvent plus être la variable d’ajustement", affirme, une nouvelle fois (voir nos articles du 27 janvier 2022 et du 2 juin 2021) Gilles Vincent, qui préside l’association. Mais cette fois, cette dernière n’entend pas faire le dos rond. Elle demande la rétroactivité du versement dû aux collectivités sur les tonnes qu’elles collectent sélectivement depuis le 1er janvier et appelle l’État à mettre en œuvre les sanctions prévues par le cahier des charges. "La loi s’impose, elle doit être appliquée. Si cette situation perdure, nous appelons les collectivités à fixer une date de restriction d’accès à leurs déchèteries aux professionnels du bâtiment, ainsi qu’à réorienter les particuliers apportant des déchets du bâtiment vers les magasins distributeurs concernés par la reprise, sans frais et sans obligation d’achat, conformément au cadre légal", exhorte même Gilles Vincent.
Mise en œuvre chaotique
Côté Fédération française du bâtiment (FFB), on estime que le décalage de 9 mois entre la publication des barèmes – rendus publics le 10 octobre dernier – et leur application "relève du bon sens dans un contexte chaotique de mise en place de cette filière REP". Auditionné par le Sénat le 30 novembre dernier, Franck Perraud, président du conseil des professions de la FFB, avait fait part de "l’inquiétude des professionnels quant aux modalités précises du dispositif" et souligné la nécessité de connaître au plus tôt les tarifs des éco-organismes afin que les artisans et entrepreneurs puissent répercuter le montant des écocontributions dans les prix des devis établis plusieurs mois à l’avance. "Dans un contexte de hausse des prix des matériaux, il est crucial que les barèmes de l’année N+1 soient publiés au plus tard le 31 mars de l’année N, d’autant plus qu’une très forte évolution du montant des écocontributions est prévue dès 2024", précise la FFB dans un communiqué du 21 décembre. Elle relevait elle aussi que "plusieurs points essentiels au bon fonctionnement de la filière sont encore attendus, en particulier : la définition des règles de tri pour bénéficier de la gratuité de reprise ; la publication des points de collecte partenaires de la REP en 2023 ; la création de l’organisme coordonnateur de la filière et les précisions sur la définition du producteur". Et de conclure : "Si la taxation est certaine, la mise en œuvre de la REP, elle, reste bien trop floue !"
Lente dissipation du brouillard
De son côté, dans un communiqué du 19 décembre, l’éco-organisme Valobat fait valoir que "le dossier de demande d’agrément de l’organisme coordonnateur (Ocab) a été déposé le 16 décembre 2022 auprès des pouvoirs publics comme prévu règlementairement". Il précise que "le dossier devrait être soumis à l’avis de la Cifrep [commission inter-filières REP, ndlr] courant janvier 2023 pour une publication de l’arrêté d’agrément ensuite". Valobat proposait de constituer le comité technique opérationnel sans attendre cet agrément, afin que ses membres puissent lancer mi-janvier la concertation – qui "devra s’achever au plus tard fin février". Elle porte notamment sur les modalités de concertation et de mise en œuvre du maillage dans les territoires. "Les éco-organismes ont l’ambition de contractualiser avec 500 points de collecte de ces déchets d’ici fin mars 2023, en s’appuyant sur la distribution et les déchèteries professionnelles. Enfin, d’ici la fin de l’année 2023, l’objectif est d’atteindre le déploiement de 2.000 points d’apport volontaires auprès de la distribution et près de 500 déchetteries professionnelles", indiquait le ministère de la Transition écologique le 23 décembre dernier. "Cette concertation débutera dans l’optique d’une proposition transmise pour accord à l’autorité administrative au plus tard le 16 août 2023, conformément aux textes réglementaires", précisait l’éco-organisme.
Comité de conciliation le 26 janvier
Valobat indiquait également que le "comité de conciliation regroupant les représentants des collectivités territoriales (Association des maires de France, Régions de France, Intercommunalités de France, Amorce et le Cercle national du recyclage) sera réuni dès le début janvier 2023 pour échanger sur les scénarios de collecte des déchets de PMCB au sein du SPGD [service public de gestion des déchets], le contrat-type collectivités et le barème de soutiens financiers associé, et la proposition de modalités permettant la répartition des obligations de collecte des éco-organismes au sein du SPGD". D’après nos informations, cette réunion n’a pas encore eu lieu. Elle devrait se tenir le 26 janvier prochain. Valobat pronostiquait une remise du contrat-type collectivités un mois après l’agrément de l’Ocab, "soit mi-février, selon l’hypothèse d’un agrément notifié à l’Ocab mi-janvier".
Seizièmes rencontres Amorce / Éco-organismes
Signalons qu’Amorce organisera le 24 janvier prochain à Paris ses seizièmes rencontres avec les éco-organismes, qui promettent d’être animées. Elles auront pour thème le financement des filières REP. Un atelier est notamment prévu sur la filière PMCB, avec pour titre "A-t-elle les moyens de ses ambitions ?". Poser la question, est-ce déjà y répondre ?