Habitat - Aliénation des terrains de l'Etat pour le logement social : après la circulaire, le décret
Dans une lettre circulaire du 2 avril, Jean-Marc Ayrault demandait aux préfets de se tenir prêts, "sans attendre", à la mise en place du dispositif de cession de terrains de l'Etat pour y construire du logement social. Le Premier ministre annonçait aussi la publication prochaine du cadre réglementaire correspondant.
C'est aujourd'hui chose faite avec le décret du 15 avril 2013 relatif aux conditions d'aliénation des terrains du domaine privé de l'Etat en vue de la réalisation de programmes de construction de logements sociaux et fixant la composition et le fonctionnement de la Commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier. Après avoir rappelé la règle générale fixée par la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public pour le logement (voir notre article ci-contre du 25 janvier 2013), le décret apporte de nombreuses précisions.
Catégorie et zone, les clés de la décote
Le texte détaille notamment le mécanisme de la décote, dont le montant est la résultante de plusieurs facteurs. Le premier tient à la nature de l'opération projetée sur le terrain cédé par l'Etat. Le décret prévoit ainsi trois catégories de logements. La catégorie 1 correspond aux logements locatifs financés en prêt locatif aidé d'intégration (PLAI), les structures d'hébergement temporaire ou d'urgence aidées par l'Etat, les aires permanentes d'accueil des gens du voyage, les résidences sociales conventionnées, ainsi que les places des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). La catégorie 2 comprend les logements locatifs ou les résidences de logement pour étudiants financés en prêt locatif à usage social (PLUS), tandis que la catégorie 3 regroupe les logements locatifs ou les résidences de logement pour étudiants financés en prêt locatif social (PLS), les logements occupés par les titulaires de contrats de location-accession et ceux faisant l'objet de certaines opérations d'accession.
Ce premier critère se combine avec un second, plus traditionnel puisqu'il s'agit du zonage utilisé pour la plupart des aides au logement. Le croisement entre ces deux données permet de connaître la fourchette de la décote à pratiquer. Ainsi, pour la réalisation de logements de catégorie 3 en zone C, la décote pourra aller de 0% à 25%. Pour la réalisation de logements de catégorie 1 en zone A ou B1, elle pourra aller de 0% à 100%. Sur les neuf positions possibles, ce cas de figure est d'ailleurs le seul où la gratuité du terrain est envisageable. Un situation assez différente - rigueur budgétaire oblige - des premières esquisses du dispositif, qui mettait surtout en avant la gratuité des cessions.
Migraines en perspective
Mais le calcul ne s'arrête pas là. En effet, "pour chaque catégorie de logements, le taux de décote est pondéré par le rapport entre la surface de plancher affectée à la catégorie de logements considérée et la surface totale de plancher du programme de construction auquel est destiné le terrain aliéné. Le taux ainsi pondéré est ensuite appliqué à la valeur vénale du terrain pour obtenir le montant de la décote accordée par catégorie de logements". Dernière étape : "Le montant total de la décote accordée sur la valeur vénale du terrain aliéné est égal à la somme des montants de décote consentis par catégorie de logements [une opération peut regrouper plusieurs types de logements, Ndlr]. Le taux global de cette décote est alors égal au rapport entre le montant total de la décote et le montant de la valeur vénale du terrain".
Le décret du 15 avril 2013 précise qu'avant d'inscrire un bien foncier de l'Etat sur la liste de terrains aliénables, le préfet recueille, dans un délai de deux mois, les avis du comité régional de l'habitat, du maire de la commune et du président de l'EPCI concernés.
Coup de pouce aux équipements publics
Le décret donne aussi la liste des équipements publics, destinés en tout ou partie aux occupants des futurs logements, pour lesquels la part du programme les concernant bénéficie d'un décote de droit. Il s'agit en l'occurrence des équipements de la petite enfance et de l'enseignement scolaire, ainsi que des équipements à caractère social, sportif ou culturel. La décote sur la part du programme dont l'objet est la construction de ces équipements s'applique exclusivement sur la fraction du programme réalisée dans l'intérêt des occupants des logements appartenant aux catégories 1 à 3, ce qui suppose d'avoir une vision précise de la zone de chalandise et de l'usage de ces équipements... Cette décote liée aux équipements s'ajoute au montant total et augmente ainsi le taux global de décote.
Le décret fixe également le contenu du dossier que la candidat à l'aliénation d'un terrain de l'Etat doit transmettre au préfet. A partir de ces documents, le calcul de la décote incombe au directeur départemental des finances publiques. En revanche, l'acte d'aliénation - dont le décret précise les éléments à y faire figurer - est signé par le préfet du département.
Quatre parlementaires et deux élus locaux dans la Commission nationale
La dernière partie du décret est consacrée à l'organisation et au fonctionnement de la Commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier. Forte de 20 membres, celle-ci comprend notamment deux députés et deux sénateurs, ainsi que deux élus locaux, désignés respectivement par le président de l'Association des maires de France (AMF) et par celui de l'Association des communautés de France (ADCF).
Cette commission est notamment chargée de suivre le dispositif de mobilisation du foncier public en faveur du logement, de "s'assurer que la stratégie adoptée par l'Etat et les établissements publics concernés est de nature à favoriser la cession de biens appartenant à leur domaine privé au profit de la construction de logements sociaux" et d'élaborer un rapport annuel au Parlement. Elle peut également, à son initiative ou à la demande des ministres concernés, "examiner toute question relative à la mobilisation du foncier public en faveur du développement de l'offre de logement et à la cession d'immeubles domaniaux en vue de la réalisation de programmes de logement social".