Handicap / Personnes âgées - Aides techniques pour la dépendance : l'Igas juge le secteur en déshérence
Aux côtés des aides humaines, les aides techniques sont naturellement un élément de la prise en charge du handicap ou de la dépendance. Le terme recouvre d'ailleurs un ensemble très vaste et très disparate d'outils, qui vont du fauteuil roulant à la loupe de lecture, en passant par les audioprothèses, les sièges de douche, les cannes, les téléagrandisseurs... La prestation du handicap (PCH) finance des aides techniques pour plus de la moitié des allocataires et une très grande majorité des bénéficiaires de l'APA a recours à au moins une aide technique (82% chez les GIR 1 et 2 et 73% chez les GIR 3 et 4).
Un constat très sévère
Sur ce domaine assez peu exploré, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) rend public un rapport sur "l'évaluation de la prise en charge des aides techniques pour les personnes âgées dépendantes et les personnes handicapées". C'est peu dire que le constat est sévère ! L'Igas pointe ainsi "un pilotage défaillant couplé à des financements éparpillés, des délais de prise en charge longs et des informations limitées données aux usagers".
Les rapporteurs voient plusieurs explications à cette situation. Tout d'abord, la distinction, dans la prise en charge des aides techniques, entre maladie, handicap et vieillesse est pratiquement unique en Europe et crée "une complexité considérable dans la mise en œuvre, des délais de prise en charge particulièrement longs et des inégalités de traitement marquées entre des utilisateurs ayant pourtant un besoin comparable de compensation". Ensuite, l'Etat s'intéresse peu à un secteur important pour les personnes concernées mais à faible impact budgétaire : environ 1% des dépenses de PCH vont au financement des aides techniques et l'ensemble s'élève, en combinant les autres sources de financement, à moins de 30 millions d'euros par an. Si l'on intègre les aides techniques dans l'ensemble plus vaste des dispositif inscrits sur la "liste des produits et prestations de santé" (LPPR) - qui inclut surtout des aides techniques liées à la post-hospitalisation - le montant augmente fortement (624 millions d'euros), mais ne représente toujours que 0,3% de l'Ondam (objectif national des dépenses d'assurance maladie).
La conséquence est qu'"aucune des directions d'administration centrale compétentes (DSS, DGCS, DGCCRF DGCIS) ni aucun de leurs opérateurs (CNSA, CNAMTS) ne revendique le pilotage de ce dispositif dont l'absence de maîtrise des prix et la complexité administrative de mise en œuvre sont des problèmes avant tout pour les départements, les mutuelles et les usagers". Pour l'Igas, cette situation est d'autant plus préoccupante "que le recours à des compétences spécialisées pour la prescription des aides et pour la prescription des produits reste rare".
Professionnaliser les prescripteurs
En dépit ou à cause de cette absence de gouvernance, le système français est à la fois très libéral dans le choix des aides techniques et "fortement solvabilisé, sans qu'aucun dispositif fiable ne permette de s'assurer de la maîtrise des coûts et de la qualité du service rendu par les aides". Pour les personnes handicapées, le reste à charge est de 12% en moyenne.
Afin de sortir de cet imbroglio, l'Igas préconise un net renforcement du rôle de l'assurance maladie dans le pilotage et le financement du dispositif, compte tenu de son implication dans la prise en charge des LPPR. Cette préconisation se double d'une cinquantaine de propositions plus spécifiques, comme la création d'un référent "aides techniques" dans chaque équipe médicosociale, l'expérimentation de labels, l'élaboration de référentiels avec des prix indicatifs, l'encadrement de la publicité... Le rapport recommande aussi de "mieux encadrer" la formation des prix et la liberté de choix des utilisateurs, "pour agir aussi bien sur l'offre que sur la demande et ainsi réguler le marché et mieux solvabiliser les usagers". Enfin, l'Igas demande le renforcement de la professionnalisation des prescripteurs, en étendant le recours aux compétences en ergothérapie au sein ou auprès des équipes pluridisciplinaires d'évaluation APA et PCH, afin de mieux identifier les besoins des personnes.