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Aide aux collectivités : Jean-René Cazeneuve recherche un "équilibre"

Si l'Etat doit venir au secours des collectivités dont les finances sont fragilisées par la crise, il ne peut éponger l'intégralité de leurs pertes financières, a estimé mercredi 20 mai le député Jean-René Cazeneuve (LaREM) en charge d'une mission sur les finances locales. Il a aussi appelé à "un plan de relance ambitieux avec les territoires".

La majorité décidera de mesures pour venir en aide aux collectivités territoriales dont les finances sont affectées par la crise du Covid-19, a assuré mercredi 20 mai le député (LaREM) Jean-René Cazeneuve. Mais en prévenant que l'Etat ne pourra pas compenser l'intégralité de leurs pertes.
"C'est la règle de cette majorité que d'aider et d'accompagner les collectivités territoriales : elle l'a montré, elle est vraiment dans cet état d'esprit", a-t-il déclaré lors d'une audition à distance organisée par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Après la crise financière de 2008, l'Etat avait seulement décidé d'accorder une avance sur le remboursement de la TVA aux collectivités territoriales, a dit le député, qui a été chargé par le Premier ministre d'évaluer les conséquences de l'épidémie de Covid-19 sur les finances des collectivités locales (voir notre article du 28 avril 2020). Aujourd'hui, l'Etat ne peut pas rester sans réponse en direction de celles-ci, a-t-il estimé. En effet, l'Etat "se doit d'apporter un minimum de solidarité aux collectivités qui sont les plus affectées par cette crise". Par ailleurs, si la capacité d'autofinancement du secteur local est amoindrie, sa capacité d'investissement, décisive pour la relance, le sera tout autant, a analysé celui qui préside la délégation aux collectivités territoriales initiée par l'Assemblée nationale.

Les collectivités "peuvent s'endetter" pour la relance

Toutefois, "la compensation intégrale poussée par quelques élus ne me paraît pas raisonnable", a-t-il jugé. Si l'Etat se porte garant à l'euro près de tout ce que coûtera cette crise pour les collectivités territoriales, "on va endetter l'Etat", alors que ce dernier "n'est pas en forme olympique d'un point de vue finances", a expliqué le député du Gers. Il a aussi considéré que si les collectivités prennent des décisions financières pour venir en aide aux acteurs locaux (par exemple par des exonérations fiscales ou de redevances), elles doivent en assumer les conséquences budgétaires. De même, Jean-René Cazeneuve a rejeté la proposition formulée par les principales associations d'élus locaux et la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales qui consisterait à "nationaliser la dette 'Covid' des collectivités locales par l'Etat". Il faut "faire attention à cette idée qu'une dette nationale, ce serait une dette miraculeuse", car "il faudra bien qu'un jour quelqu'un la rembourse", a-t-il dit.
"La santé financière des collectivités territoriales est bien meilleure à l'entrée de cette crise qu'il y a trois ans et qu'à l'entrée de la crise de 2008", a diagnostiqué le député. Leur trésorerie, qui a atteint 44 milliards d'euros au début de l'année, "peut leur permettre d'encaisser une partie du choc". En outre, "les collectivités étant faiblement endettées", elles peuvent s'endetter plus "pour la relance" de l'activité économique.

Relance : "partir des territoires"

Jean-René Cazeneuve a plaidé pour "un plan de relance ambitieux avec les territoires". "Il faut absolument partir des territoires, ce sont les territoires qui sont les plus réactifs, qui connaissent les projets et qui sont capables de les engager le plus rapidement possible", a-t-il insisté. Mais pour que les collectivités puissent participer à la relance, il faudra maintenir leur capacité d'autofinancement, a-t-il ajouté.
Le député formulera des propositions de "court terme" dans les prochaines semaines, afin d'alimenter le troisième projet de loi de finances rectificative qui sera présenté en juin (probablement le 10). Il dégagera ensuite des mesures "plus structurelles" en vue du projet de budget pour 2021. Dressant justement des perspectives à long terme, il a jugé que la situation des départements ne "paraît pas tenable". En période de difficultés économiques, les recettes de ces collectivités liées à l'activité (CVAE, DMTO) chutent, alors que les dépenses sociales bondissent. "Cela ne tient pas la route", a lancé Jean-René Cazeneuve. Des déclarations qui confortent le constat de l'Assemblée des départements de France (ADF).

Les départements comptent sur des "marges de manœuvre"

L'ADF, dont le président Dominique Bussereau s'est à plusieurs reprises exprimé là-dessus, a en effet une nouvelle fois alerté ce lundi 25 mai sur les perspectives financières problématiques des départements. Si la taxe foncière devrait afficher "une relative stabilité" (sauf que cette ressource doit être retirée aux départements dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale pour être remplacée par de la TVA de facto sensible à la conjoncture…), les droits de mutation devraient connaître une baisse d'au moins 30% dès 2020 et le produit de CVAE chuter en 2021 et 2022. L'ADF liste donc les "marges de manœuvre supplémentaires" qui lui semblent nécessaires. Il faudrait déjà, estime-t-elle, commencer par établir un "dispositif d’évaluation partagé avec l’Etat" pour "objectiver les dépenses exceptionnelles et les pertes de recettes". Comme les associations du bloc local, elle espère un "assouplissement des règles budgétaires et comptables afin de permettre l’identification, la comptabilisation distincte et une possibilité de financement par l’emprunt des dépenses liées à la crise". Elle compte sur des avances remboursables de DMTO et sur une redéfinition, dans la loi de finances pour 2021, des modalités de péréquation de des mêmes DMTO. Dans le même temps, elle souhaite que les interventions économiques des départements venant en complément des dispositifs pilotés par l'Etat et les régions soient "sécurisées" durant la crise, l'enjeu étant selon elle notamment de "freiner au maximum l’évolution des dépenses sociales" (on sait que ce point pose problème, le gouvernement tenant à ce que les départements s'abstiennent d'intervenir dans le champ des aides aux entreprises, une instruction en ce sens ayant même été adressée aux préfets – voir notre article du 14 mai). L'ADF demande enfin "l'abandon définitif" de la remise en cause des impôts de production… et un "moratoire" sur la réforme de la fiscalité locale.