Agriculture / Numérique - Agriculture connectée : la filière bretonne bourgeonne
L'incursion des outils numériques dans la filière agricole ne cesse de s'accroître et les collectivités ont un rôle à jouer pour accompagner la mutation. La région Bretagne pilote AgreTIC, un projet pionnier en la matière, pour croiser les forces de ses écosystèmes numérique et agricole. Le salon international des productions animales de Rennes, autrement nommé Space, a été l'occasion, mi-septembre, de constater la vigueur de cette hybridation de filière, qui vise à rehausser la compétitivité régionale, tout en étant susceptible d'améliorer la qualité de vie des exploitants agricoles.
L'acteur public, entremetteur de filières
Le projet AgreTIC est né en 2011, d'un constat partagé du conseil régional et de l'Etat : alors que la filière numérique pèse pour 50.000 emplois en Bretagne et que l'agriculture associée à l'agroalimentaire en représente près de 150.000, ces deux mondes ne se parlent pas. "La région a senti que ce croisement de filières avait du sens, notamment parce que les agriculteurs sont très technophiles, à rebours des idées reçues", note Jean-Paul Simier, directeur Agriculture et Agroalimentaire de Bretagne Développement Innovation (BDI). L'agence de la région a joué les intermédiaires, en organisant notamment des journées techniques ; "la matinée est dédiée à une expression des besoins de la part du monde agricole, l'après-midi permet de présenter des briques technologiques", précise Guillaume Briend, chef de projet AgreTIC. Au cours de ces cinq années, 48 projets ont été accompagnés par BDI et un seul n'a pas débouché sur une commercialisation. Les chambres de l'agriculture et les départements appuyant AgreTIC, les projets retenus bénéficient du support des centres d'expérimentation locaux, et sont testés sur des exploitations pilotes. Ils rejoignent donc les besoins du terrain, tels que cet accéléromètre qui, une fois posé sur les queues des vaches, permet de repérer les vêlages ; il avait connu un succès important dès sa mise sur le marché en 2013.
Un pari à tenir pour l'attractivité économique
De tels projets améliorent la qualité de vie des éleveurs, en leur épargnant des tâches parfois chronophages et ingrates. Mais il s'agit en premier lieu de favoriser l'attractivité du tissu économique régional dans le cadre d'une concurrence globalisée. "Les multinationales de l'agriculture ne vont pas nous attendre pour faire de l'internet des objets et du big data ; or, nous avons un réseau de 250 équipementiers agricoles, et une centaine d'autres œuvrant dans l'agroalimentaire ; ce sont à eux qu'il faut procurer des briques technologiques, pour leur permettre de rester compétitifs", précise Jean-Paul Simier. Pour exemple, le projet DomoPig, financé à hauteur de 500.000 euros par la région, a permis de faire converger neuf équipementiers bretons vers un protocole de communication standard de leurs objets connectés, permettant ainsi de piloter sur une même interface toutes les données d'une exploitation porcine. Un savoir-faire précieux pour des PME très tournées vers l'export, et ce jusqu'au Kazakhstan.
A l'échelle de la région, une telle initiative bénéficie aussi d'un fort volontarisme politique, là où certains élus eux-mêmes sont des agriculteurs technophiles convaincus. Une dynamique qui pourrait profiter à la Bretagne dans les années à venir : lors de l'édition 2016 de la conférence de Cork, Phil Hogan, commissaire européen à l'agriculture, avait appelé à réduire la fracture numérique des espaces ruraux (voir notre article du 12 septembre 2016 ci-contre) et à encourager le développement de l'agriculture connectée. Le nouveau cycle de la PAC devrait aussi pousser vers cette direction.