Agences postales, loyers impayés des gendarmeries… le gouvernement en opération déminage
Maintien de la dotation de l'Etat à La Poste pour sa mission d'aménagement du territoire, paiement des loyers en retard pour les gendarmeries, renoncement du transfert obligatoire de la compétence eau aux intercommunalités... En pleine tourmente budgétaire, le gouvernement donne des gages aux maires ruraux.
Alors que le projet de budget pour 2025 met le monde des collectivités en ébullition, le gouvernement cherche à cajoler les élus ruraux après une série de mauvais signaux : l'annonce du PDG de La Poste, lors du congrès des maires ruraux fin septembre, d'une coupe de 50 millions d'euros dans la contribution de l'Etat au contrat de présence postale territoriale et les révélations sur les loyers impayés des gendarmeries. Lors des questions au gouvernement, au Sénat et à l'Assemblée, mercredi, les deux sujets n'ont pas manqué de revenir sur la table.
S'agissant des gendarmeries, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, s'est exprimé pour la première fois devant ses anciens collègues du Sénat pour dire "qu'il était impossible de laisser les bailleurs sociaux et les collectivités territoriales sans réponse". "J'ai donc décidé d'honorer la parole de l'État", a assuré le ministre, interrogé par la sénatrice LR Lauriane Josende, élue des Pyrénées-Orientales, le département à l'origine de cette information.
Une "loi de gestion" sur les loyers en retard
"Nous le ferons en deux temps : les grandes collectivités et les gros bailleurs, qui ont de la trésorerie, seront payés en fin d'année ; les plus petits, qui n'en ont pas, seront payés très rapidement", a explicité le locataire de la place Beauvau. Il a précisé avoir "trouvé ce problème" en prenant ses fonctions : "La gendarmerie nationale n'avait plus de crédits pour payer aux collectivités territoriales les loyers des casernes. Les crédits ont sans doute été sous-évalués au départ. Les dépenses liées aux événements en Nouvelle-Calédonie et à la sécurisation des Jeux olympiques ont aussi joué." La veille, depuis la salle des pas perdus de l'Assemblée, le ministre avait déjà indiqué qu'une "loi de gestion" allait permettre de "réalimenter les comptes et de payer les retards de loyers" afin que tout puisse rentrer dans l’ordre "à la fin de l’année". Interrogé par AEF info, l'entourage du ministre de l'Intérieur précise que cette loi amenée à être votée en décembre permettra de "payer les loyers de septembre, octobre et novembre. Puis, en janvier, ceux de décembre et janvier". Selon la même source, l'ordre de ne pas payer les loyers avait été donné par l’ancien ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, début septembre.
Outre les Pyrénées-Orientales, plusieurs autres départements sont concernés par ces retards de loyers - l’Yonne, l’Eure, le Vaucluse, en Seine-Maritime, la Savoie, en Indre-et-Loire, ou encore la Loire-Atlantique -, avait révélé France Bleu, en début de semaine, indiquant par exemple que la municipalité de Cabestany, dans les Pyrénées-Orientales, accusait un retard de loyers de 236.388 euros.
Maintien "à la virgule près" de la dotation de l'Etat à La Poste
De son côté, le ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie Antoine Armand a confirmé, mercredi, à l'Assemblée, que l'Etat maintiendrait ses dotations à La Poste. "Ma réponse sera très directe : le projet de budget que nous vous présenterons ne changera pas une virgule au montant que l’État verse à La Poste pour sa mission de distribution du courrier et de service universel postal", a-t-il déclaré, en réponse à une interpellation de Laurent Croizier (Les Démocrates, Doubs). Même si le service universel postal (à savoir la collecte et la distribution du courrier 6 jours sur 7 sur l'ensemble du territoire), n'était pas à proprement parler l'objet du litige, puisqu'il s'agissait d'une autre mission de service public de La Poste, à savoir sa contribution à l'aménagement du territoire, avec le maintien du réseau de 17.000 points de contacts (comme la loi l'y oblige). La dotation de l'Etat vient compenser une partie du surcoût que représente cette présence dans les territoires isolés (notamment par le biais d'agences postales communales ou de points relais chez les commerçants) et fait l'objet d'un contrat passé entre l'Association des maires de France (AMF), l'Etat et La Poste (voir notre article du 15 février 2023). C'est elle qui était visée par le coup de rabot de 50 millions d'euros prévu par l'ancien gouvernement. "Je veux redire ici que le gouvernement ne sera pas à l’origine d’une réduction de l’accès à ces services publics de proximité", a affirmé le ministre. "Je sais enfin votre attachement, monsieur le député, aux services publics, et l’attachement des Français aux 17.000 points de présence postale. En tant qu’élu d’un territoire rural et montagnard, j’y suis moi-même viscéralement attaché : vous pouvez donc compter à la fois sur l’engagement du gouvernement et sur mon engagement personnel", a-t-il ajouté. "Les dotations versées à la Poste et l’Anru seront également abondées en débat de 50 millions d'euros chacune, afin de préserver notre maillage territorial et d’accompagner les territoires les plus fragiles", est venu préciser, jeudi, le ministre chargé du Budget et des Comptes publics Laurent Saint-Martin, lors de la présentation à la presse du projet de loi de finances pour 2025.
Les maires ruraux ont eu un troisième motif de satisfaction mercredi : contre toute attente, le Premier ministre a annoncé aux sénateurs sa volonté de revenir sur le caractère obligatoire du transfert de la compétence eau et assainissement aux intercommunalités à partir de 2026 (voir notre article du jour). Une ancienne revendication de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), brandie encore il y a quelques jours, lors de son congrès.