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Formation professionnelle - Afpa : les régions agitent la menace d'un recours au Conseil d'Etat

Alors que la concertation autour de la réforme de la formation professionnelle va commencer, le futur de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) n'est pas encore réglé. Et les demandes des régions de repousser d'un an le transfert définitif de ses missions aux collectivités ont été refusées par le gouvernement. Mais cette fois-ci, les régions ont décidé d'agir : elles vont intenter un recours au Conseil d'Etat par la voix de l'Association des régions de France (ARF). Le prétexte : la loi du 22 juillet 1983 impose que tout transfert de compétences s'accompagne de la mise à disposition des biens meubles et immeubles de l'Etat. Or, dans le cas de l'Afpa, seules les compétences sont transférées, l'Etat souhaitant vendre les sites à des acteurs privés. "On a un outil qui marche bien, on veut le démanteler, tout cela est grotesque", a déploré Alain Rousset, président du conseil régional d'Aquitaine et président de l'ARF. Objectif de la démarche : obtenir un délai supplémentaire d'un an, soit 2010, pour le transfert définitif des missions de l'Afpa aux régions, et récupérer le traitement des bâtiments et le dispositif d'orientation. "Ce qu'on demande est extraordinairement raisonnable : un temps d'adaptation d'un an", a ainsi expliqué Alain Rousset. "Le temps pour analyser ce qui peut relever du marché dans ce que fait l'Afpa, et ce qui doit rester dans la subvention", a ajouté François Bonneau, président du conseil régional du Centre, membre de la commission formation professionnelle, emploi et apprentissage de l'ARF et membre du bureau de l'Afpa. Et les régions sont prêtes à aller jusqu'au bout. "On a convenu qu'on alerterait tous les maires et entreprises des lieux où est installée l'Afpa, explique encore Alain Rousset, si nécessaire, nous organiserons en septembre une conférence des élus, chefs d'entreprises, artisans, et organisations professionnelles sur le sujet."

"On est prêt à aller jusqu'au rapport de force"

Jusqu'à présent, les régions ont dû faire face à des réponses négatives à répétition de la part du gouvernement. Suivant un mouvement initié et coordonné par l'ARF, dix-sept régions, dont le Limousin, la Picardie, la Franche-Comté ou encore l'Ile-de-France, ont autorisé leur président à signer avec l'Etat et l'Afpa un avenant prolongeant jusqu'au 31 décembre 2010 la convention tripartite signée le 29 novembre 2006. Mais rien n'y a fait. Le président de la région Auvergne, René Souchon, qui a interrogé le ministère de l'Intérieur sur la question, et plus particulièrement sur la possibilité de reconnaître l'Afpa comme un service d'intérêt général (SIG), a ainsi reçu une réponse claire et nette de la part du secrétaire d'Etat à l'Intérieur et aux Collectivités territoriales, Alain Marleix : "A compter du 1er janvier 2009, les compétences exercées par l'Etat ainsi que les crédits correspondants relèveront de la seule responsabilité des collectivités territoriales qui devront, dans les relations qu'elles souhaiteront nouer avec l'Afpa, s'inscrire dans le cadre juridique applicable aux achats de prestations de formation." Plus récemment, un courrier, datant du 1er juillet, envoyé aux préfets de région par Françoise Bouygard, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle au ministère de l'Economie, explique qu'un guide pratique de l'achat public de prestations de formation professionnelle a été transmis au président de l'ARF le 7 mai dernier. Un guide qui contient "les outils méthodologiques adéquats qui vont permettre aux régions d'organiser dès maintenant et pour une effectivité au 1er janvier 2009 leur commande de prestations de formation dans la plus grande sécurité juridique possible". Le courrier poursuit : "Considérant ces outils connus des régions, les conventions tripartites conclues n'auront plus d'existence légale au 1er janvier 2009." Bref, une fin de non recevoir de la part du gouvernement. Et les représentants de l'association, qui devaient rencontrer les membres du cabinet de Christine Lagarde, mercredi après-midi, s'attendaient à une nouvelle réponse négative. "On n'attend plus rien du gouvernement, précise René Souchon, mais on est prêt à aller jusqu'au rapport de force s'il le faut."

Emilie Zapalski

 

Le droit européen pris pour arbitre

"L'Etat français semble ignorer que si la formation professionnelle est une activité économique, cette activité est non soumise à l'obligation d'appel d'offres par le droit communautaire." C'est ce qu'estime la fédération des Urof (unions régionales des organismes de formation) qui, dans un communiqué du 15 juillet, réagit à la réponse du secrétaire d'Etat à l'Intérieur faite au président du conseil régional d'Auvergne au sujet des commandes passées par les régions à l'Afpa. Dans son courrier du 30 mai, Alain Marleix rappelait qu'à partir du 1er janvier 2009, les collectivités territoriales allaient devoir "s'inscrire dans le cadre juridique applicable aux achats de prestations de formation qui sont soumis aux règles de la mise en concurrence définies par le droit communautaire et le Code des marchés publics". Il alertait ainsi la région des risques que comporterait au regard du droit européen l'octroi de subventions à l'Afpa, au-delà de la période transitoire.
Mais la fédération des Urof considère que le gouvernement aurait pu "informer que depuis novembre 2007, la formation professionnelle peut bénéficier des dispositions SIEG (services intérêt économique général, NDLR) du traité qui soulignent la primauté de l'accomplissement des missions d'intérêt général sur l'application des règles strictes du marché".
En revanche, la fédération demande aux régions de ne pas détourner la "légitime revendication sur les services sociaux d'intérêt général" de leur objet. Il s'agit bien, selon elle, "de permettre la définition des meilleures règles d'une mission d'intérêt général au périmètre à définir" et non de défendre "un opérateur aussi prestigieux soit-il". "Le vrai risque juridique serait que les régions octroient un statut particulier à l'Afpa sans se soucier de la cohérence de leur système global de commande, sans viser à construire le système public régional de la formation professionnelle". "Ceci se retournerait inévitablement contre l'Afpa et à terme contre les régions", conclut la fédération des Urof.

M.T.