Action cœur de ville : "La dynamique se poursuit à bon rythme"
ENTRETIEN CROISÉ. Dominique Consille est la nouvelle directrice des programmes Action cœur de ville (ACV) et Petites villes de demain (PVD) au sein de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Après une longue carrière au service de l'État dans différents ministères et plusieurs postes dans les territoires (secrétaire générale en Aveyron, directrice du Travail dans les Ardennes…), elle a été sous-préfète de l'arrondissement de Boulogne-sur-Mer avant de rejoindre l'ANCT. À l'occasion des prochaines Rencontres Coeur de ville, les 9 et 10 octobre, à Avignon, elle revient avec Frédéric Gibert, responsable du programme ACV au sein de la Banque des Territoires, sur les grands enjeux qui guident la nouvelle phase qui vient de s'ouvrir jusqu'en 2026.
Localtis - À mi-mandat, les maires du programme Action cœur de ville demandent une accélération. Que leur répondez-vous, alors qu'ils ont eu à subir l'impact de la crise sanitaire et qu'à présent le contexte économique se tend ?
Dominique Consille - Le programme a démarré en 2018 et en 2021, le président de la République a annoncé sa prolongation. Celle-ci s’est engagée en 2023, en lien avec nos partenaires et il n'y a pas eu d'interruption dans le déploiement, malgré les difficultés conjoncturelles liées à la situation économique. Sur la trajectoire financière globale, nous en sommes à 6,207 milliards d'euros engagés par rapport à l'objectif de 10 milliards prévu à fin 2026. La dynamique se poursuit donc à bon rythme, avec, comme souvent, des villes où les projets se concrétisent un peu plus rapidement que dans d’autres. En 2023, la phase de signature des avenants va nous permettre de prolonger le dispositif. Mais pendant cette phase, les projets continuent à être accompagnés, sans interruption.
Frédéric Gibert - Je confirme qu'il n'y a pas de temps mort. À la Banque des Territoires, nous avons un taux de financement de prêts qui correspond à celui de 2022, le niveau d'investissement portés par les opérateurs privés est en nette hausse : + 50% en nombre et en montants de projets par rapport à 2022…
Dominique Consille - À ce jour, le montant total de l'État sur ses différentes dotations est de 671, 5 millions d'euros. Je souhaite que les villes ACV, dont le projet de territoire est désormais validé et engagé, puissent bénéficier de la mobilisation du fonds vert, puisque ces villes portent des projets matures qui ont fait l’objet d’échanges avec les partenaires du programme : l'inflation, la hausse des taux et du coût des travaux notamment. Après le fort rebond qui a succédé à la crise sanitaire, tout cela pèse bien sûr. Et les maires doivent trouver des solutions dans le contexte économique plus contraint, mais la démarche ACV doit les aider à finaliser les projets et à trouver les financements.
Quels vont être les enjeux de cette phase 2 ?
Dominique Consille - La phase 2 concernera la période 2023-2026. Nous allons devoir faire face à des défis majeurs, notamment l’adaptation au changement climatique, qui est inscrite de manière transversale dans les orientations du programme ACV 2. Nous avons trois priorités : conforter l'offre de services, continuer d'agir pour revitaliser les centres-villes - cela reste la philosophie majeure du programme - et accélérer. Dans ACV 2, nous avons ajouté deux orientations possibles : les quartiers de gare et les entrées de ville. Le sujet est d'actualité avec le lancement du programme national sur la transformation des zones commerciales. Si les élus décident de s'inscrire dans ces nouvelles priorités dans leur projet de territoire, il faudra faire évoluer les conventions ORT (opérations de revitalisation de territoire, ndlr) pour retravailler sur la requalification des entrées de ville par exemple, dans un objectif de sobriété foncière. Mais tout cela ne doit pas conduire à des actions qui ne seraient pas compatibles avec la revitalisation du centre-ville.
Frédéric Gibert - Côté Banque des Territoires, on constate la volonté des collectivités d'appréhender le sujet des quartiers de gare, avec une grande diversité de situations (gare et parvis, environnement de la gare, habitat, friche autour de la gare…). On voit aussi beaucoup de collectivités élargir le périmètre des ORT sur les communes voisines pour le traitement des entrées de ville. C'est le cas de l'avenant de Troyes, par exemple, qui va s'étendre sur le secteur de Sainte-Savine où sont situés les magasins d'usine.
Là où nous sommes surpris, c'est sur l'axe transversal : l'aspect transition écologique. Alors que nous voyons partout des projets, notamment sur la rénovation énergétique, assez peu de villes se projettent sur des stratégies construites. Une autre surprise : c'est que dans tous les événements auxquels nous participons depuis le début de l'année, notamment les congrès d'associations d'élus, l'un des sujets majeurs est celui de la santé. Or nous ne le voyons absolument pas ressortir dans les avenants. Les collectivités ne se sont pas approprié le sujet, du moins elles ne le traduisent pas encore dans les actes.
Dominique Consille - La santé est en effet une préoccupation majeure des Français. Mais peut-être qu'une partie des réponses ne concernent pas les aménagements urbains ou les projets immobiliers, mais plutôt l’organisation de l'offre de service. À ce sujet, les maisons de santé pluridisciplinaires ont démontré leur pertinence.
Prévue fin 2023, la date de signature des avenants approche. Où en êtes-vous ?
Dominique Consille - Cette date n'est pas un couperet Si le comité régional des financeurs ne peut se réunir dans les délais requis pour examiner l'avenant, si la ville ACV a besoin d’abord de valider la démarche au sein de son EPCI, cela ne pose pas de difficulté. Dans une région comme le Grand Est, la collectivité régionale accompagne les villes ACV, ce qui nécessite de prendre le temps d’examiner les projets dans les instances délibératives de la région. On comprend dans ce cas que le calendrier est très serré. Il n'y a pas d'inquiétude à avoir, nous saurons faire preuve de souplesse.
D'autres régions sont-elles dans cette situation ?
Dominique Consille - Plusieurs régions ont imaginé des dispositifs de revitalisation avant, ou en accompagnement du programme ACV. Plutôt que de financer des actions isolées, elles souhaitent s'inscrire dans une démarche partenariale et accompagner un projet de territoire global. Parfois les régions cofinancent un projet ou plusieurs projets inscrits au plan d’actions dans une ville ACV, mais sans avoir forcément signé la convention cadre. Il est important de mobiliser l’ensemble des financeurs autour des projets de territoire portés par les élus et nous y sommes très favorables.
Frédéric Gibert - Les situations sont assez diverses. Des régions financent des projets, d'autres signent des contrats de développement, comme l'Occitanie, la Bretagne, voire des contrats territoriaux comme les Hauts-de-France, qui fonctionnent plus ou moins conjointement avec ACV. Certaines ont clairement des stratégies de financement des projets. Le Centre-Val de Loire, par exemple, finance le déficit d'opérations.
Dominique Consille - C'est une démarche vertueuse. L’innovation majeure du programme ACV, c'est de partir d'un projet de territoire soutenu par l'ensemble des partenaires.
En lançant le dispositif "entrées de ville", en février 2023, la ministre Dominique Faure a évoqué une liste de 45 communes ACV volontaires. La Banque des Territoires compte en soutenir une trentaine. Comment tout cela s'articule-t-il ?
Dominique Consille - La porte n'est pas fermée et la liste des 45 communes pourra évoluer. L’initiative appartient aux collectivités : si elles souhaitent travailler sur les entrées de ville, nous déterminerons avec nos partenaires les réponses en termes d'ingénierie les plus pertinentes.
Frédéric Gibert - La Banque des Territoires intervient en accompagnement ponctuel : diagnostics commerciaux, inventaire foncier… Mais, en effet, nous sommes aussi en train de mettre en place un dispositif de sites pilotes. L'idée est d'intervenir auprès d'une trentaine de villes qui ont des projets ambitieux, pour leur proposer un accompagnement plus resserré dans le cadre de conventions pluriannuelles et apporter une réponse de long terme. Nous partons sur une enveloppe de 150.000 euros par site pilote.
Dans le même temps, comme cela a déjà été dit, le gouvernement vient de lancer un appel à projets de requalification des zones commerciales. Les villes ACV peuvent y répondre comme les autres. L'important est que nous allions tous dans le même sens.
Comment s'assurer que ces requalifications de zones commerciales ne nuisent pas aux efforts qui sont fait depuis 2018 pour revitaliser les centres-villes ?
Dominique Consille - Dans chaque territoire ACV, il y a un chef de projet dont la mission essentielle est de travailler à la revitalisation du centre-ville, sous l’autorité des élus. C'est le fondement même du programme. Ce travail se fait dans le cadre du comité de projets locaux avec les partenaires, en suivant les orientations fixées par le comité de pilotage national. Les services de l'État et les partenaires tels que la Banque des Territoires restent mobilisés et disponibles pour accompagner les projets afin d’éviter qu’un projet situé en entrée de ville ne viennent contrecarrer la revitalisation du centre-ville. C'est la priorité de tous.
Frédéric Gibert - Avec les entrées de ville, nous sommes dans le cadre d'une évolution urbaine reposant sur une diversification fonctionnelle, c'est-à-dire en y apportant de l'habitat, de l'activité économique... Ce sont des zones aujourd'hui très peu denses. Dans le cadre du ZAN, ce sont des gisements de foncier disponible qu'il va falloir faire évoluer. On parle donc plus d'évolution de la ville, de renaturation, et pas de densification commerciale qui viendrait contrarier les efforts faits en centre-ville.
Dominique Consille - Il y a en effet une grande diversité de zones commerciales, des zones tendues et d’autres en difficulté. Il va être important de les requalifier pour avoir une diversité d'usage, en favorisant les espaces verts, en utilisant le foncier pour construire des logements si le besoin est avéré, apporter des services adaptés à la population, ou en reliant ces zones au centre-ville.
Dix villes pourraient rejoindre le programme ACVDix villes supplémentaires pourraient rejoindre le programme Action coeur de ville, portant le total à 244. C'est ce qui a été évoqué lors d'un comité exécutif qui s'est réuni le 2 octobre. Cette réunion des partenaires a aussi permis de faire le point sur l'état d'avancement de la phase 2. Quelque 140 avenants aux conventions ont été validés à ce jour par les comités régionaux des financeurs. Ils doivent à présent être signés par les collectivités. |