Pau : renouer avec la "ville jardin" pour restaurer l’attractivité du centre-ville
Alors que la pandémie n’avait pas encore sévi, la ville de Pau a misé sur le vert pour restaurer l’attractivité de son cœur de ville. Restaurer la "ville jardin", promouvoir les mobilités décarbonées et une ville apaisée, telles ont été les lignes de force mises en œuvre dans le cadre du programme Action cœur de ville, qu’exposent Claire Buat, chef de projet ACV au sein de la communauté d’agglomération Pau Béarn Pyréenées, à l'occasion des prochaines rencontres Coeur de ville qui se déroulaient à Avignon ces 9 et 10 octobre. Un pari gagnant, puisque habitants, commerces et actifs ont retrouvé le chemin du centre-ville. "Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux, que des palais romains le front audacieux", chantait le poète.
Localtis - La ville de Pau a d’emblée fait partie de l’aventure Action cœur de ville. Qu’est-ce qui a motivé votre candidature ?
Claire Buat - François Bayrou venait d’être élu maire de Pau en 2014 et avait notamment fait campagne sur la redynamisation du centre-ville, en considérant que si ce dernier retrouvait des couleurs, cela rayonnerait sur l’ensemble de l’agglomération et du bassin de vie. Plusieurs projets étaient donc déjà dans les cartons, comme la réhabilitation des halles, menacées de fermeture pour des raisons de sécurité, la rénovation de l’habitat ou encore la mise en circulation d’un bus en site propre. Par ailleurs, Pau avait été l’une des villes retenues dans le cadre du programme "Centres-villes de demain" initiée en 2016 par la Caisse des Dépôts. Le programme Action cœur de ville constituant une suite logique, notre candidature était assez naturelle.
Quelle était l’ambition ?
Elle était grande, puisque notre programme ne comportait pas moins de 114 actions. L’un des plus riches, avec ceux de villes comme Dieppe, Chambéry ou Angoulême. Le centre-ville était en déprise, avec de nombreuses habitations et commerces vacants. Les bâtiments, les équipements publics se dégradaient, le centre-ville se paupérisait. S’il disposait d’atouts certains, ils n’étaient guère mis en valeur. C’était singulièrement le cas des promenades, parcs et jardins, nombreux dans la ville. C’est un héritage historique. Pau est une "ville jardin" depuis la Renaissance. À l’époque d’Henri IV, les jardins du château étaient réputés être les plus beaux d’Europe. Ce mouvement s’est notamment poursuivi au XIXe siècle, période au cours de laquelle la ville, réputée pour son climat doux, attira l’aristocratie anglaise, qui y créa beaucoup d’espaces verts et y bâtit de nombreuses villas dotées d’importants parcs et jardins. L’idée était donc de mettre en valeur cet atout, de capitaliser sur cette douceur de vivre, en réhabilitant des parcs et en créant des jardins de proximité, en les reliant par des promenades, etc.
Toujours avec cette volonté d’une ville oxygénée et apaisée, l’accent a également été mis sur les mobilités durables : en lançant le bus à l’hydrogène et plus largement en restructurant le réseau de bus et en augmentant ses cadencements, en favorisant l’intermodalité – notamment avec le pôle d’échanges multimodal de la gare –, en réduisant la vitesse, en aménageant des pistes cyclables… Une politique ambitieuse est particulièrement conduite pour promouvoir le vélo, avec des services de location de courte et de longue durée, avec des aides à l’achat de vélo électriques, etc. Combinée à la réhabilitation des logements, mais aussi à la création d’espaces de vie sociale qui faisaient défaut – via la réhabilitation d’équipements publics –, tout cela a permis d’attirer à nouveau les familles, les commerces et les entreprises en centre-ville, et de réduire ainsi la vacance. Il nous importait de retrouver des habitants dans le cœur de ville, mais aussi des actifs. Là aussi, c’est un succès. France 3 a quitté la périphérie pour se réimplanter sur la place centrale, une partie de l’administration judiciaire a pris place dans une ancienne friche du centre-ville et un bailleur social s’apprête à y réhabiliter des locaux pour s’y installer et y regrouper ses services.
Avec le recul, quels ont été les principaux apports du programme Action cœur de ville ?
D’emblée, je dirais la mobilisation des partenaires et de leurs financements. D’une part, ceux de l’État, qui ont été conséquents, confortant de nombreux projets : le centre culturel du Foirail, l’îlot Carreau, la réhabilitation du parc Beaumont, celle des halles, le pôle d’échanges multimodal de la gare… D’autre part, les prêts de la Banque des Territoires, notamment pour la réhabilitation des halles ou le réseau Fébus. Cela nous a permis de mener des actions sur plusieurs fronts, ce qui n’aurait pas été possible autrement. Cela a également induit un effet de levier important, notamment dans l’habitat, avec les fonds de l’Anah mais surtout d’Action logement. Là encore, on n’aurait jamais pu conduire autant d’opérations en si peu de temps. Or cette action tous azimuts est nécessaire, car dans ce domaine tout se tient : le logement, le commerce et plus largement l’activité économique, les transports, la renaturation… Il faut actionner tous les leviers en même temps. Par exemple, cela passe aussi par la lutte contre l’insécurité et la préservation de la tranquillité publique, par la propreté, etc. En amont d’Action cœur de ville, nous avons effacé les tags, trouvé des solutions de logement pour les sans-domicile fixe, etc.
En permettant la création d’un poste dédié, Action cœur de ville a également permis d’instaurer, ou à tout le moins de renforcer cette transversalité au sein des services. Cela a permis de faciliter le partage d’informations – et donc de mutualiser ou de combiner des actions –, de capitaliser sur les expériences des uns et des autres, permettant de dupliquer ce qui a bien fonctionné ou, à l’inverse, de ne pas reproduire les mêmes erreurs.
Le bilan paraît donc positif. Quelles sont aujourd’hui les marges de progression ?
Le bilan est effectivement plus que positif, même s’il est encore tôt pour en tirer un définitif. Le centre-ville change vite ! C’est d’ailleurs le retour que font les visiteurs auprès de l’office du tourisme : "Qu’est-ce que ça a changé, Pau", entend-on régulièrement. S’agissant des marges de progression, nous souhaitons, durant la phase 2 d’Action cœur de ville, développer encore plus la part de la nature en ville, poursuivre la réhabilitation de l’habitat et expérimenter de nouveaux aménagements dans la perspective de la neutralité carbone que le territoire souhaite atteindre en 2040 !