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Achats socialement et écologiquement responsables : élargir le périmètre des collectivités tenues d’adopter un schéma

Dans le rapport fourni qu’elles viennent de remettre au gouvernement, la sénatrice Nadège Havet et la députée Sophie Beaudouin-Hubière formulent 46 propositions pour renforcer le volume et la portée des achats publics socialement et écologiquement responsables. Il s’agit selon elles d’accélérer la mise en œuvre des dispositions figurant dans la loi Climat et Résilience, la date butoir de 2026 étant jugée trop tardive. Dès lors qu’elles atteignent un volume annuel de 50 millions d’euros d’achats, contre 100 millions actuellement, les collectivités devraient adopter un schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables, selon ces parlementaires.

Un rapport parlementaire sur la commande publique a été remis le 20 octobre 2021 à Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’Industrie, et Olivia Grégoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable. Lancée en février dernier par le Premier ministre, la mission visait à "rendre la commande publique plus responsable sur le plan social et environnemental, et plus accessible aux petites et moyennes entreprises". "À l’occasion de la remise officielle du rapport, Agnès Pannier-Runacher a également annoncé la pérennisation de l’expérimentation dite ‘achats innovants’, portant à 100.000 euros le seuil de publicité et de mise en concurrence pour les achats innovants, sous réserve de l’accord du Conseil d’État qui sera saisi sur cette question", font savoir les deux membres du gouvernement dans un communiqué. Dans leur rapport, la sénatrice Nadège Havet (Finistère, RDPI) et la députée Sophie Beaudouin-Hubière (Haute-Vienne, LREM) observent toutefois que la caractérisation d’un "achat innovant" est aujourd’hui "complexe et décourage nombre de collectivités", cela "malgré la publication d’un guide de la DAJ [Direction des affaires juridiques, ministère de l’Économie, ndlr] sur ce sujet". Elles appellent donc à une simplification de cette caractérisation.  

Accélérer sur la mise en œuvre des nouvelles obligations

Les deux parlementaires reviennent sur les récentes évolutions du droit de la commande publique, des évolutions qui permettent selon elles de "mieux prendre en compte les enjeux environnementaux" dans les marchés. Approuvée par arrêté le 1er avril 2021, la nouvelle version des cahiers de clauses administratives générales (CCAG) impose que "les documents particuliers du marché précisent les obligations environnementales qui pèseront sur le titulaire du marché". Quant au nouveau plan national des achats durables (PNAD) 2021-2025 (voir notre article du 21 juin 2021), il prévoit que "100% des marchés notifiés au cours de l’année 2025 devront comprendre au moins une considération environnementale, dans l’objet du marché, une de ses clauses ou un critère d’attribution".

Concernant les apports de la loi Climat et résilience (voir notre article du 21 septembre 2021), la mission parlementaire préconise que les mesures de l’article 35 soient d’une part "mises en œuvre le plus rapidement possible, bien avant 2026 qui est la date butoir prévue dans la loi, et d’autre part, qu’elles fassent par la suite l’objet d’un suivi régulier". La députée et la sénatrice plaident également pour un élargissement du périmètre des Schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser). Actuellement, les collectivités sont tenues d’adopter un Spaser lorsque leur volume annuel d’achats excède le seuil de 100 millions d’euros, ce qui concernerait 160 collectivités, selon une estimation du Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire (voir l’encadré à notre article du 22 octobre 2021). Les deux parlementaires recommandent d’"élargir le périmètre des Spaser, soit en abaissant à 50 millions d’euros le seuil de volume d'achats au-delà duquel ils sont obligatoires, soit en déterminant de manière correspondante la taille des collectivités territoriales et de leurs groupements qui y sont soumis".  

Améliorer le suivi des données et le pilotage du plan national des achats durables

Nadège Havet et Sophie Beaudouin-Hubière constatent par ailleurs que "le morcellement du recueil des données ne permet pas de mettre en place un suivi approfondi des politiques publiques relatives à la commande publique". Les parlementaires citent le travail de l’Observatoire de la commande publique, ainsi que le baromètre annuel réalisé par Intercommunalités de France (ex-ADCF). Leur proposition est de s’appuyer sur l’observatoire économique de la commande publique (OECP) placé auprès du ministre chargé de l'Économie, observatoire dont la DAJ assure le secrétariat, "pour qu’il soit le lieu de référence où sont centralisées les données d’analyse statistiques sur la commande publique sous la responsabilité d’un délégué interministériel en charge de la commande publique directement rattaché au premier ministre". Figurent par la suite une analyse des différentes instances de suivi et d’animation de la commande publique et des pistes d’amélioration en la matière.   

Au total, le rapport comporte 46 propositions, qui portent notamment sur le pilotage du PNAD, l’adoption de mesures incitatives en faveur de l’achat durable et l’incitation à la mutualisation des achats via des centrales d’achats, des groupements d’achats ou des services communs. Les parlementaires recommandent aussi d’"encourager les échanges préalables entre les acheteurs et les entreprises dans le cadre des sourçages et [de] faire voter chaque année des plans d’achats par les collectivités territoriales". La dernière partie du rapport porte enfin sur l’évolution des grilles d’évaluation des offres, pour une meilleure prise en compte des dimensions environnementales et sociales. À l’appui de méthodes en cours de diffusion, les collectivités sont invitées à appréhender le "coût complet" de leurs achats, en considérant l’ensemble des externalités de la commande publique et le cycle de vie des produits et services.