Accès aux soins : des ressources pour comprendre et agir

Publiées ces dernières semaines, des données permettent de mieux qualifier les difficultés d’accès aux soins des territoires, notamment à l’échelle communale. Quant aux solutions, la FHF appelle à des mesures financières en faveur de l’hôpital public, des chercheurs plaident pour favoriser la formation de médecins et les remplacements en ruralité et la Fabrique territoires santé invite les collectivités à adopter une approche territorialisée de la santé. 

"Une personne sur cinq déclare ne pas avoir consulté de médecin en 2023", nous informe la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees, ministères sociaux), dans son baromètre 2023 d’opinion sur la santé, la protection sociale et les inégalités sociales. "Plus les enquêtés sont jeunes, moins ils consultent un médecin : un quart des 18-34 ans n’a pas consulté de médecins", explique la Drees. Et cette donnée varie bien évidemment selon le territoire : dans les territoires ruraux, les enquêtés "sont près de 30% à déclarer ne pas avoir consulté de médecin, contre 20% dans les unités urbaines de moins de 100.000 habitants et 15 % dans les unités urbaines plus peuplées".   

Des communes cumulent faible accessibilité aux soins, forts désavantages socio-économiques et baisse de l’offre 

La Fédération hospitalière de France (FHF) alertait en mars dernier sur l’accentuation du non-recours aux soins et des retards de prise en charge (voir notre article). L’inégale répartition de l’offre sanitaire et médicosociale est plus que jamais une réalité, avaient de leur côté alerté l’Association des maires de France (AMF) et la Mutualité française en novembre 2023 (voir notre article). Sur ces écarts entre territoires, l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) a récemment publié une "typologie communale de l’accessibilité aux soins de premier recours". 

"Dans un contexte de raréfaction et de répartition inégale des médecins généralistes sur le territoire", l’Irdes considère que les "soins de premier recours" comprennent le médecin généraliste et un ensemble de professionnels et de services que sont les infirmiers, les kinésithérapeutes, les pharmacies, les laboratoires et radiologues et les services d'urgence. Les communes sont classées "selon leur niveau d'accessibilité, son évolution récente et les besoins potentiels de soins". Et il apparaît que deux classes de communes, rurales principalement, "cumulent faible accessibilité aux soins, forts désavantages socio-économiques, et, pour l’une, baisse de l’offre de soins". Dans deux classes intermédiaires, de communes rurales ou périurbaines, l’accessibilité est meilleure pour certains services seulement. Enfin, les trois dernières classes sont celles des communes les plus favorisées, celles notamment des centres urbains des métropoles et du pourtour méditerranéen. 

Ruralité : "Y avoir vécu, étudié, ou remplacé" favorise l’installation 

Considérant que "la situation budgétaire de l’hôpital public n’a jamais été aussi dégradée", la Fédération hospitalière de France a appelé, le 24 juillet 2024 dans un communiqué, à "[rectifier] le sous-objectif consacré aux établissements de santé de l’Ondam 2024 par 1,3 milliard d’euros supplémentaires" et à "prioriser l’hôpital public" dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). La FHF appelle aussi "à mettre en œuvre sans délai les mesures attendues de longue date en faveur du grand âge", en particulier la loi de programmation et la création des 50.000 postes en Ehpad d’ici 2030. 

Quant à la répartition des médecins sur le territoire, "l’installation d’un médecin généraliste en zone rurale est favorisée par au moins l’un de ces facteurs : y avoir vécu, étudié, ou remplacé", signalent des médecins chercheurs de l’université de Rennes dans un article de juin 2024 publié dans le média The Conversation. Ils invitent les décideurs à se saisir de telles données pour mettre en place ou accentuer des solutions qui, selon eux, fonctionnent (enseignements décentralisés dans des villes périphériques, stages universitaires dans des territoires ruraux, remplacements de généralistes d’au moins trois mois favorisés par exemple par la mise à disposition d’un hébergement). 

Face à ces défis, le rôle que peuvent jouer les collectivités en matière de santé est loin d’être limité aux efforts déployés – et aux résultats aléatoires - pour attirer de nouveaux médecins. C’est ce que défend la Fabrique territoires santé (extension de la Plateforme nationale de ressources Ateliers santé ville), dont le groupe de travail "Santé et ruralité" a récemment publié sept fiches pour sensibiliser les élus et leurs équipes à une approche territorialisée de la santé. Ces fiches portent sur l’action des collectivités d’un point de vue général, la prévention en milieu rural, la participation des habitants, la santé mentale, la santé environnementale, l’alimentation et la santé des jeunes.