15 millions d'euros supplémentaires en 2019 pour les lignes aériennes d'aménagement du territoire
La ministre des Transports a plaidé, mercredi 3 octobre, pour une "politique de relance raisonnée" des petites lignes aériennes, en promettant un coup de pouce de 15 millions d'euros en 2019. Elle invite aussi les régions à "expérimenter" la compétence aéroportuaire...
La ministre des Transports Elisabeth Borne devrait conforter sa côte de popularité auprès des régions. "Je porte une politique raisonnée de relance des liaisons (aériennes) d’aménagement du territoire", a-t-elle affirmé, mercredi 3 octobre, en ouverture d’un colloque intitulé "Aéroports et territoires" organisé dans le cadre des Assises nationales du transport aérien lancées au printemps dernier. Et d’annoncer une enveloppe de "15 millions d’euros supplémentaires dès 2019" en soutien à ces lignes, soit un "budget multiplié par 4". "Cet effort de l’Etat implique que les régions et les collectivités concernées fassent connaître leurs priorités", a-t-elle ajouté. "Dans les semaines qui viennent", la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) fera connaître les projets de liaison où l’Etat pourra apporter son soutien pour la période 2019-2022.
Ces lignes sont un enjeu important pour le "désenclavement" de ces territoires, a-t-elle insisté, à l’unisson de Jacques Mézard, le ministre de la Cohésion des territoires pour qui elles contribuent à "l’équilibre territorial". Grâce à ces lignes, "un million de concitoyens bénéficient d’une desserte dans les territoires qui sont les plus enclavés" car dépourvus de train ou d’autoroute, a t-il dit. Un message qui vise les critiques récurrentes sur le trop grand nombre d’aéroports en France. Dans un rapport de janvier 2017 sur le maillage aéroportuaire du territoire français, le Commissariat général à l’égalité des territoires montrait que ce sont les aéroports régionaux qui ont tiré l’augmentation du trafic toutes ces dernières années (leur part dans les flux internationaux sont passées de 48 à 68% entre 1994 et 2014). Une croissance tirée notamment par les compagnies à bas coûts. Pour Elisabeth Borne, la question du maillage ne doit pas être abordée avec "dogmatisme".
Des vocations différentes
Les aéroports régionaux sont "un outil économique, social et d’attractivité indispensable", a souligné le président de la région Nouvelle-Aquitaine Alain Rousset, responsable du thème "Performance au service des territoires" de ces assises (l’un des cinq thèmes retenus). Pour Gérard Lahellec, vice-président chargé des transports et des mobilités à la région Bretagne, "les aéroports ont des vocations différentes". Ainsi celui de Dinard est-il fortement lié à Sabena Technics qui emploie 550 salariés dans le domaine de la maintenance aéronautique. Quant à Quimper, c’est l’aéroport breton "dans la situation la plus précaire, la plus complexe mais aussi le plus utile au territoire qu’il dessert". "Il pleut là où c’est déjà mouillé (…) Le critère exclusif du marché ne doit pas être l’élément à partir duquel on renonce à desservir le territoire", a mis en garde l’élu.
Elisabeth Borne - qui avait inauguré ces assises en annonçant le 20 mars une réduction de la taxe sur les aéroports (soit une économie de 50 millions d’euros pour les compagnies) - a dit vouloir "conforter la péréquation de taxe d’aéroport" qui permet de maintenir les aéroports de faible trafic. Elle appelle aussi à une simplification des règles administratives européennes sur les aides d’Etat "pour couvrir les déficits d’exploitations des aéroports dont le trafic est de moins de 200.000 passagers par an" et "éviter le long processus des notifications préalables à la Commission européenne".
"Hostilité crasse" à la privatisation
Pour Elisabeth Borne, les régions sont à même d’optimiser le maillage de ces aéroports. Elle les a ainsi invitées à expérimenter "la compétence d'autorité délégante d'aéroports qui ne sont pas d'intérêt national", comme le leur permet la loi Notre de 2014, qui fournit un cadre d’ensemble avec le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet). Un appel qui intervient au moment où nombre de régions planchent déjà sur leur stratégie aéroportuaire (Normandie, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Grand Est…). La ministre souhaite leur "réserver des enveloppes de droits de trafic pour leurs dessertes".
"Soit la région est pilote sans le département et l’agglomération soit on trouve un accord avec un chef de file", a argué Alain Rousset, appelant à un "vrai partenariat territorial".
Il s’est prononcé pour que les régions puissent prendre le relai de l’Etat, objectif "pas inatteignable", selon lui. Le président de Nouvelle-Aquitaine en a profité pour déclarer son fort attachement à une "gestion résolument publique" des aéroports régionaux, alors que Jacques Mézard a plaidé, lui, pour une "gestion différenciée". En pleine privatisation d'ADP avec le projet de loi Pacte en cours de discussion, le président de la Nouvelle-Aquitaine a ainsi manifesté son "hostilité crasse à l’égard de la privatisation des aéroports". Privatisation qui engendre, d’après lui, "une perte de compétence des pouvoirs publics, une perte d’ingénierie pour un coût plus élevé". "Après l’exemple des autoroutes, je ne crois pas qu’on va reproduire de bêtise aussi flagrante." "Les Chinois sont en train de jumeler toutes les activités stratégiques d’Airbus à Toulouse, c’est grotesque", a-t-il encore fustigé. En revanche, Alain Rousset a souhaité conforter la gestion des chambres de commerce et d’industrie (CCI) qui font l’objet d’un vaste chantier de recomposition de leurs missions.