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Finances - 11 milliards d'économies : encore dans le flou, les élus locaux espèrent peser sur les arbitrages

Manifestement, on est encore dans le flou. Et ça n'est peut-être pas seulement une question de communication trop imprécise. Il est bien possible que les arbitrages gouvernementaux ne soient pas encore faits. En quoi vont consister les 11 milliards d'euros d'"économies" qui, selon l'allocution de Manuel Valls du 16 avril, vont être demandés aux collectivités ? Le jour même, on pouvait s'interroger (voir ci-contre notre article du 16 avril) : fallait-il comprendre 11 milliards de ressources ou de dépenses ? Et s'agissant des ressources, parlait-on uniquement de dotations ?
Or deux jours plus tard, même les associations d'élus locaux n'en savaient guère plus, ne pouvaient qu'élaborer divers scénarios… et jugeaient "impératif que le gouvernement précise ses intentions".
Ainsi, dans un communiqué commun diffusé ce 18 avril, l'Association des maires de France (AMF), l'Association des maires de grandes villes (AMGVF) et l'Association des communautés urbaines (Acuf) parlent elles aussi simplement d'une "contribution des collectivités de 11 milliards à l’effort de réduction du déficit public sur trois ans". Rappelant la diminution de 1,5 milliard des dotations déjà en oeuvre en 2014, elles évoquent toutefois "l'hypothèse d'un scénario noir", à savoir l'hypothèse selon laquelle on assisterait à une baisse supplémentaire des dotations de 11 milliards sur trois ans : dans ce cas, les collectivités auraient 12,5 milliards d’euros de ressources en moins en 2017 par rapport à 2013 ce qui, calculent-elles, pourrait représenter jusqu’à 28 milliards d’euros de pertes cumulées (selon les variantes, ces pertes cumulées pourraient être de 21… ou de 30 milliards).
Il ne s'agit, donc, que du scénario extrême, sachant que le dossier diffusé par Matignon le 16 avril semble indiquer que les "économies" pourraient aussi être en partie recherchées par des mesures visant à limiter les dépenses. "Mais en tout cas, le projet de loi de finances pour 2015 ira sans doute beaucoup plus loin que la diminution des dotations de 1,5 milliard déjà prévue", indique-t-on à l'AMF. Or "alors que la diminution des concours financiers en 2014 a déjà provoqué un recul historique de leur épargne brute, comment les collectivités pourraient-elles absorber sur trois ans une nouvelle diminution ?" clament en choeur les trois associations d'élus.

Une question de poids

C'est précisément parce que les choses ne semblent pas encore vraiment fixées que celles-ci espèrent "peser" sur le calibrage que fera finalement Matignon. Pour cela, leur message est clair : la situation risque non seulement de devenir intenable pour les collectivités… mais aussi désastreuse pour l'investissement public et donc pour la relance et pour l'emploi. Sans oublier la dimension sociale : "Avec cette baisse amplifiée, les communes et les intercommunalités devront arbitrer entre les services rendus à la population et une diminution massive de leurs investissements. Ce sont les lieux et les populations les plus fragiles qui seront les premières victimes de cette 'austérité locale'".
Peser sur le montant global de la probable nouvelle baisse des dotations… et commencer d'ores et déjà à peser sur la répartition de la baisse, afin que le plus lourd ne soit pas nécessairement porté par le bloc local. L’AMF, l’AMGVF et l’Acuf rappellent ainsi que "c’est le bloc communal qui a subi la baisse la plus forte de ses ressources, de 840 millions d’euros, en 2014".
Il s'agit, enfin, de peser sur tout ce qui pourrait alléger les dépenses subies ou, tout au moins, limiter les nouvelles charges : "L'Etat doit cesser de transférer aux collectivités de nouvelles charges pendant cette période, et remettre à plat toutes les politiques publiques nationales et européennes qui ont un impact sur leurs finances." L'AMF brandit d'ores et déjà un bon exemple : celui de la réforme des rythmes scolaires, dont le coût pour les collectivités est évalué par l'association à "environ 900 millions d'euros" alors que le fonds d'aide provisoire a été doté de 250 millions en 2013 et de 370 millions cette année.
Les trois associations réclament en tout cas "de toute urgence la tenue d’une instance de négociation sur les finances locales". Car ce qui a choqué les élus, c'est aussi la forme qu'ont prises les récentes annonces gouvernementales : c'est le fait que celles-ci viennent brutalement contredire le "pacte de confiance et de responsabilité" signé en juillet dernier avec Jean-Marc Ayrault (or "un pacte, c'est fait pour être respecté") et le fait que tout cela soit arrivé "sans concertation".