Zones à faibles émissions-mobilité : le gouvernement veut "de la pédagogie pour faire face à la démagogie"

Alors qu’une proposition de loi visant la suppression des zones à faibles émissions – mobilité (ZFE-m) va être examinée à l’Assemblée nationale ce 12 janvier, l’entourage du ministre de la Transition écologique s’emploie à "faire de la pédagogie pour lutter contre la démagogie". Reste que l’exercice n’est pas aisé, et que la tentation est grande de renvoyer la balle aux collectivités.

En ce début d’année particulièrement tendu sur le plan social, le dossier des ZFE-m – qui n’est pas sans rappeler les traits de l’écotaxe – continue d’alimenter les craintes du gouvernement (voir notre article du 25 octobre dernier). Non sans raison. Le 12 janvier, l’Assemblée nationale examinera en séance publique la proposition de loi déposée par le Rassemblement national visant rien de moins qu’à supprimer ces zones. Et ce 10 janvier, se tenait au Sénat un débat, sollicité par le groupe Les Républicains, sur leur instauration.  

"Reposer clairement le débat"

Dans l’entourage du ministre de la Transition écologique, on s’emploie donc à faire baisser la tension, en misant sur "la pédagogie pour contrer la démagogie". L’on prend d’abord bien soin de distinguer "le RN et LFI, qui veulent la suppression pure et simple du dispositif", de LR ou des maires et présidents de métropole, "qui se posent seulement la question de sa mise en œuvre". Et l’on souligne le fait que "d’anciens élus LR, comme Christian Estrosi ou Jean-Luc Moudenc, tendent la main pour la mise en œuvre de ce dispositif". Le président de Toulouse Métropole devrait d’ailleurs se voir prochainement confier l’un des trois groupes de travail annoncés lors de la première réunion du "comité des ZFE-m" du 25 octobre dernier (voir notre article précité).

"L’enjeu du premier semestre est de reposer clairement le débat", indique-t-on. D’abord en rappelant "l’origine de ces zones, instaurées pour préserver la santé des Français". "Ces espaces ont pour but la réduction de la pollution atmosphérique en ville", rappelle ainsi le site du constructeur automobile Renault. Mais aussi en ne manquant pas de différencier "ce que l’État impose de ce qui est du ressort des collectivités", et ce, non sans mettre en avant que ces dernières disposent "de grandes marges de manœuvre" dans la mise en œuvre de ces zones. Un pilatisme que n’avait pas manqué de dénoncer Sylvain Laval, maire de Saint-Martin-le-Vinoux (38), lors de la présentation des 25 propositions de l’Association des maires de France en matière de mobilités. L’État "ne saurait se contenter de fixer un cadre puis de s’en laver les mains, en demandant aux collectivités de se débrouiller pour l’appliquer", dénonçait-il alors (voir notre article du 7 octobre 2022). 

(Dangereuse) chasse à la fake news

L’entourage de Christophe Béchu entend également lancer la chasse à la fake news : "L’exposé des motifs de la proposition de loi du RN indique que dès le 1er janvier 2025, les véhicules dotés des vignettes Crit’Air 5, 4 et 3, qui représentent 40% du parc automobile actuel, ne pourront accéder à plus d’une quarantaine d’agglomérations. C’est totalement faux". Et d’expliquer qu’ "il existe aujourd’hui 3 couches d’obligations. Première couche, l’obligation pesant sur 43 agglomérations de plus de 150.000 habitants de mettre en place une ZFE-m d’ici 2025, la seule contrainte posée supplémentaire étant que cette zone couvre au moins 50% de la population de l’intercommunalité. En dehors de cela, l’État n’impose rien. Deuxième couche, l’obligation, issue de la loi LOM, de mettre en place une ZFE-m dès maintenant pour dix métropoles*. La encore, les collectivités disposent des mêmes marges de manœuvre. La troisième couche concerne les agglomérations qui dépassent les seuils européens d’émission, notamment d’oxyde d’azote – il n’y a aujourd’hui pas de dépassement pour les particules fines. Pour ces dernières, il est effectivement prévu un calendrier précis d’interdiction des automobiles : les Crit’air 5 en 2023, les Crit’air 4 en 2024 et les Crit’air 3 en 2025. S’il est difficile de faire des prévisions, seules Paris, Lyon et Marseille devraient rester en dépassement d’ici 2025. On est donc très loin de la quarantaine d’agglomérations", assure-t-on.

Reste que, pour l’heure, plusieurs collectivités ont bien prévu l’interdiction dans leur ZFE-m des véhicules Crit’air 3 à compter de 2025, voire même avant. Il en est par exemple ainsi de l’Eurométropole de Strasbourg, de la métropole du Grand Lyon, de Grenoble Alpes Métropole, de la métropole de Toulouse (au 1er janvier 2024 pour les Crit’air 3 essence immatriculés entre 1997 et 2005 et diesel immatriculés entre 2006 et 2010), de la métropole Montpellier Méditerranée, de la communauté urbaine du Grand Reims (dès 2024) ou encore de la métropole Aix Marseille Provence (dès septembre 2024).

Dérogations…

Dans l’entourage du ministre, on s’attache également à rappeler les autres mesures prises pour faciliter la mise en œuvre des ZFE-m.

Comme, paradoxalement, le décret "dérogations" prévu par la loi Climat et publié le 24 décembre dernier (voir notre article du 2 janvier). Il est rappelé qu’il dispose deux voies "d’échapper" aux ZFE-m : d’une part, "si la qualité de l’air est vraiment bonne" –, autrement dit répond aux seuils de l’OMS, plus bas que les seuils européens – "pendant 3 années sur les 5 dernières années" ; et, d’autre part, "si la collectivité démontre qu’elle va mettre en place des mesures équivalentes en termes de qualité de l’air aux ZFE-m". Les collectivités ont jusqu’à la mi-2023 pour faire leur demande. "Une dizaine devrait bénéficier de la première voie", pronostique-t-on. Aucune n’a encore sollicité la seconde, "très difficile à démontrer", est-il admis.

Ou comme "les bonus, primes à la conversion, éco-prêt à taux zéro… qui ont tous été bien inscrits dans la loi et les décrets", indique l’entourage du ministre. Le dernier texte en date, relatif aux aides à l'acquisition ou à la location de véhicules peu polluants, a été publié au Journal officiel du 31 décembre (lire notre encadré).

" Monsieur ZFE", ZFE maritime et autres

Par ailleurs, l’entourage du ministre indique que le "Monsieur ZFE" annoncé lors du comité d’octobre dernier devrait être nommé "d’ici la fin du mois". Le travail sur la création de ZFE maritimes serait lui "en cours", mais l’on précise "qu’une des pistes serait de travailler avec les collectivités volontaires", ce qui laisse entendre qu’on n’en est encore qu’aux balbutiements. Le développement des appareils de contrôle sanction automatisés est lui aussi en cours de développement. Il faudra patienter jusqu’au 2e semestre 2024 pour leur mise en place. Les collectivités devront en faire l’acquisition. Elles pourront solliciter le Fonds vert à cette fin, et le produit des amendes collectées leur sera rétrocédé. En revanche, "il n’y a pas de projet de réforme de la vignette Crit’air à ce stade. Cette réforme est notamment préconisée par l’AMF (voir notre article précité).

*Métropole de Lyon, Grenoble-Alpes-Métropole, métropole du Grand Paris, métropole d’Aix-Marseille-Provence, métropole Nice-Côte d’Azur, métropole Toulon-Provence-Méditerranée, Toulouse Métropole, Montpellier-Méditerranée Métropole, Eurométropole de Strasbourg et métropole Rouen-Normandie

 

De nouvelles modalités de mise en œuvre des aides à l'acquisition de véhicules peu polluants

Un décret publié au Journal officiel du 31 décembre 2022 a modifié à compter de ce 1er janvier les modalités de mise en œuvre des aides à l'acquisition de véhicules peu polluants. Dans sa notice, le ministère souligne que ce texte :

- augmente le montant maximal du bonus écologique applicable aux voitures particulières et aux camionnettes pour les ménages des cinq premiers déciles de revenus (revenu fiscal de référence par part est inférieur ou égal à 14.089 euros). Pour l'achat de véhicules de type voiture particulière, le montant de l'aide est fixé à 27% du coût d'acquisition toutes taxes comprises, augmenté le cas échéant du coût de la batterie si celle-ci est prise en location (40% pour une camionnette). Elle est de 5.000 euros maximum pour un particulier (7.000 euros pour les bas revenus) et de 3.000 euros pour une personne morale (pour les camionnettes : 6.000 euros pour un particulier – et 8.000 euros pour les bas revenus – et 4.000 euros pour une personne morale) ;

- augmente celui de la prime à la conversion et de la prime au rétrofit pour l'achat ou la transformation d'une voiture particulière ou d'une camionnette pour les ménages des deux premiers déciles de revenus (revenu fiscal de référence par part inférieur ou égal à 6.358 euros) et les ménages des cinq premiers déciles de revenus gros rouleurs pour le travail (distance domicile/travail supérieure à 30 km ou plus de 12.000 km par an pour le travail) ;

- porte les montants maximaux du bonus "jeux olympiques et paralympiques" (JOP) pour les taxis transportant des personnes à mobilité réduite et utilisateurs de fauteuils roulants franciliens à respectivement 15.000 euros pour un véhicule Crit'Air 1 et 22.000 euros pour un véhicule électrique. Il étend également son périmètre d'application aux collectivités accueillant des épreuves des JOP 2024, soit la communauté d'agglomération Châteauroux Métropole, les métropoles de Bordeaux, de Lyon, d'Aix-Marseille-Provence, de Nantes, de Nice Côte d'Azur et Saint-Étienne et la métropole européenne de Lille ;

- ou encore supprime la condition d'attribution d'une aide ayant le même objet par une collectivité locale pour l'octroi d'une surprime ZFE, et porte son montant jusqu'à 3.000 euros en cas d'attribution d'une aide locale d'au moins 2.000 euros. 

Néanmoins, il précise que ce texte, dans le même temps :

- supprime la prime à la conversion et la prime au rétrofit pour les ménages des deux derniers déciles de revenus (revenu fiscal de référence par part supérieur à 22.983 euros) ;

- supprime le bonus écologique et la prime à la conversion pour les voitures particulières dont le prix d'acquisition est supérieur à 47.000 euros ou dont la masse en ordre de marche est supérieure à 2,4 tonnes ;

- diminue de 1.000 euros le barème du bonus écologique pour les voitures particulières dont le prix d'acquisition est inférieur à 47.000 euros et les camionnettes, sauf pour les ménages des cinq premiers déciles de revenus ;

- limite à 1 tous les trois ans le nombre de bonus écologiques pouvant être respectivement octroyés à une personne physique pour l'acquisition d'une voiture particulière, d'une camionnette, ou d'un véhicule à moteur à deux ou trois roues ou quadricycle à moteur neufs ;

- supprime le bonus écologique pour les véhicules lourds, à l'exception des véhicules de catégories M2 et N2 bénéficiant d'une dérogation de poids ;

- ou encore supprime la prime au rétrofit électrique pour les véhicules lourds, à l'exception des petits trains routiers touristiques et des véhicules de catégories M2 et N2 bénéficiant d'une dérogation de poids.

Références : décret n° 2022-1761 du 30 décembre 2022 relatif aux aides à l'acquisition ou à la location de véhicules peu polluants, JO du 31 décembre, texte n° 112

 

 

 

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