Zéro artificialisation nette : l'Ademe livre son mode d'emploi
L'Agence de la transition écologique a publié 22 fiches présentant des exemples d’actions mises en œuvre par les territoires engagés dans son expérimentation "Objectif ZAN" ainsi qu'un nouvel avis qui aborde les enjeux liés à la réduction de l’artificialisation des sols et la trajectoire pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette en mettant en lumière les "externalités positives" qui en découlent.
Alors que le Sénat examinera en séance publique les 18 et 19 février prochains la proposition de loi de Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc tendant à assouplir une nouvelle fois la trajectoire de réduction de l'artificialisation des sols issue de la loi Climat et Résilience (lire notre article), l'Ademe a publié ce 9 janvier deux documents qui plaident en faveur du maintien de l'objectif zéro artificialisation nette (ZAN) en 2050.
"Objectif ZAN" : retour d'expérience de 22 territoires
Le premier compile une série de fiches présentant des exemples d’actions mises en œuvre par les 22 territoires engagés dans son expérimentation "Objectif ZAN". Depuis 2021, l'Agence accompagne ces territoires volontaires et représentatifs de la diversité des enjeux et des milieux - urbains, ruraux, littoraux, de montagne. On trouve parmi eux des départements (Essonne, Loire-Atlantique), des communautés urbaines (Creusot-Monceau), des métropoles (Nice-Côte d'Azur, Rennes Métropole), des villes (Lons-le-Saunier, Ris-Orangis…), des communautés de communes et d'agglomération, des syndicats mixtes, etc. Ils sont suivis dans la mise en place de solutions adaptées à leurs problématiques locales via la mise à disposition de ressources techniques et méthodologiques fournies par l’Ademe elle-même et ses partenaires, notamment CDC Biodiversité, la SCET, et le Cerema.
"Les objectifs de cette expérimentation sont multiples, rappelle l'Ademe : tester des stratégies de sobriété foncière et d’aménagement du territoire permettant de limiter l’artificialisation des sols ; promouvoir la renaturation des sols déjà artificialisés ; sensibiliser les élus locaux et les citoyens aux enjeux du ZAN, à travers des actions concrètes, des ateliers thématiques et des échanges entre les territoires participants ; permettre une dynamique d’échanges et favoriser les retours d’expérience."
Sobriété foncière avant tout
Pour atteindre le ZAN à l'horizon 2050, l’Ademe estime qu’il faudrait, à terme, diviser par 10 le rythme d’artificialisation actuel. Autre postulat mis en avant, "la renaturation et la réhabilitation des friches vont redonner des marges de manœuvre pour bâtir". "La sobriété foncière est la condition sine qua non pour atteindre les objectifs de ZAN et de préservation des sols dans la mesure où 'il faut éviter avant de compenser'", souligne l'Agence qui voit dans la sobriété foncière "un ensemble d’actions ayant pour objectif de mieux utiliser les espaces déjà urbanisés". "Il s’agit d’abord d’aller à la chasse aux gaspillages de mètres carrés et ainsi d’accroître l’intensité de l’utilisation des bâtiments existants, plutôt que d’en construire plus", précise-t-elle. Ce qui implique "une démarche d’évitement" et "questionne les besoins en infrastructures et les usages". Elle présente aussi "de nombreuses externalités positives et attractives pour les citoyens et les collectivités", fait valoir l'Ademe. "En plus de contribuer à soutenir une souveraineté alimentaire, elle favorise la qualité urbaine et limite la facture énergétique en recréant une proximité aux services et à l’emploi, en encourageant la mobilité active, etc.", argue-t-elle.
Les territoires participant à l’expérimentation ont notamment mis en œuvre des stratégies de densification dans des zones déjà urbanisées, telles que les zones d’activité économique, les friches industrielles et les quartiers résidentiels existants. L’identification des gisements fonciers disponibles, comme les friches urbaines, a également été une priorité, afin de limiter l’impact sur les sols non artificialisés.
Renaturation du sol : une solution limitée dans l'espace et le temps
Autre levier jugé "indispensable" pour atteindre les objectifs : la renaturation du sol. On entend par là une action "de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé", rappelle l'Ademe qui y voit "une véritable opportunité pour rendre les territoires plus attractifs, plus résilients et plus désirables". "Elle peut assurer la connectivité des espaces naturels et développer de nouvelles zones de nature en ville, offrant ainsi des espaces favorisant la santé et le bien-être des citoyens", met-elle en avant.
"Néanmoins, elle ne constitue pas à elle seule une solution car elle est limitée dans l’espace et le temps, relativise-t-elle. Elle ne doit pas être vue comme l’unique opportunité de 'réversibilité' de la destruction de certains sols car, pour espérer retrouver un sol primaire avec toutes ses fonctions, il faut plusieurs centaines à milliers d’années."
Les territoires engagés dans l’expérimentation ont mis en place des initiatives de désimperméabilisation et de renaturation des sols dans des centres urbains et ruraux. Certains d'entre eux ont procédé à des études pour évaluer le degré de pollution des sols et identifier les zones prioritaires pour la renaturation.
Changements déjà à l'oeuvre
Dans son avis intitulé "La sobriété foncière pour atteindre le ZAN, un atout pour les territoires", l’Ademe érige la sobriété foncière en "clé de voûte" de l’action publique sur les questions d’aménagement, en requestionnant notamment le modèle économique et fiscal de l’aménagement, en conciliant développement économique et amélioration du cadre de vie des habitants, tout en limitant fortement l’artificialisation des sols avec une approche territorialisée.
Selon elle, "les solutions existent et les changements sont déjà à l’œuvre : intégrer la multifonctionnalité des sols dans la planification territoriale, intensifier les usages et mieux utiliser le 'déjà là'". Il convient donc d’"agir dès maintenant à toutes les échelles et avec toutes les parties prenantes, les collectivités territoriales en premier lieu, les acteurs économiques, notamment promoteurs immobiliers et aménageurs et les citoyens", soutient-elle.
Revoir les modèles de développement
Pour repenser le modèle d’aménagement du territoire, "il faut sortir du modèle d’étalement urbain qui domine depuis des décennies et qui repose sur une consommation des sols naturels qui ne peut plus se poursuivre", développe-t-elle. Elle recommande ainsi aux collectivités d'intégrer la sobriété foncière dans leurs documents d’urbanisme (PLUi, Scot), et de privilégier des modèles de développement basés sur la requalification urbaine, la reconversion des friches et la transformation de bâtiments existants.
Elle appelle aussi à favoriser les projets de renaturation en les intégrant dans les stratégies territoriales, notamment via la création de zones préférentielles pour la renaturation. "Il est essentiel de réhabiliter les sols, notamment en les désimperméabilisant et en favorisant leur reconversion en espaces verts et naturels, souligne-t-elle encore. La création d’une trame verte et bleue, par exemple, peut jouer un rôle crucial pour la connectivité des écosystèmes et la lutte contre les effets du changement climatique."
Enfin, elle invite à "adopter une approche territorialisée", "sur-mesure", "en tenant compte des spécificités locales". "Chaque territoire doit établir une trajectoire propre vers l’objectif ZAN, en fonction de ses ressources, de ses besoins et de ses dynamiques démographiques et économiques." Une préconisation qui va dans le sens de ce que réclament la plupart des élus et que l'on retrouve dans le rapport de la mission sénatoriale à l'origine de la nouvelle proposition de loi.