Citoyens - Voile intégral : le Conseil d'Etat suggère une interdiction partielle dans les services publics
Aucun fondement juridique ne permet d'interdire "de manière incontestable" le port du voile intégral, a conclu le Conseil d'Etat dans un avis rendu le 30 mars au Premier ministre. François Fillon avait demandé fin janvier au juge administratif suprême de se prononcer sur la possibilité juridique d'une interdiction du voile intégral.
Une interdiction générale du seul voile intégral pourrait être déclarée inconstitutionnelle ou contraire aux conventions internationales, répondent les juges du Palais royal, qui, en particulier, écartent "résolument" le principe de laïcité comme fondement d'une éventuelle interdiction. En outre, ils font remarquer qu'"une interdiction limitée au voile intégral serait fragile au regard du principe de non-discrimination".
Par conséquent, le Conseil d'Etat suggère d'aborder la question du voile sous l'angle plus large de la dissimulation du visage dans l'espace public, qu'elle soit le résultat du port du voile ou de toute autre tenue (cagoule, masque, etc.). Cette approche offrirait de solides fondements à une interdiction au regard du double impératif de sécurité publique et de lutte contre la fraude. De ce fait, suggère le Conseil d'Etat, "il pourrait être envisagé de confier au préfet un pouvoir de police spéciale […] susceptible d’être exercé en tout lieu ouvert au public, dès lors que la sauvegarde de l’ordre public l’exige, en fonction des circonstances locales". Les maires resteraient libres d'utiliser leurs pouvoirs de police actuels "sous réserve de respecter les exigences posées par la jurisprudence".
Le pouvoir de police spéciale conféré au préfet aurait aussi vocation à s'appliquer à certains lieux privés comme les banques, les bijouteries, ou en certaines circonstances comme les rencontres sportives ou les conférences internationales.
En plus, dans tous les lieux nécessitant des vérifications relatives à l'identité ou à l'âge, l'usager devrait se présenter à visage découvert. Les lieux concernés seraient notamment les tribunaux, les bureaux de vote, les mairies pour les cérémonies de mariage et démarches relatives à l'état civil ou encore la sortie de l'école lors de la remise des enfants. En cas de manquement à ces obligations, les contrevenants seraient enjoints de se soumettre à un entretien avec le représentant d'un organisme de médiation, comme une association de défense des droits des femmes. Les personnes dont il serait prouvé qu'elles imposent dans leur entourage le port du voile intégral seraient passibles d'une peine délictuelle.
En France, moins de 2.000 femmes – sur cinq à six millions de musulmans – porteraient le voile intégral et un certain nombre agiraient de leur propre volonté, souligne le juge du Palais royal. "Nombre d'Etats ont encadré le port du voile intégral ou la dissimulation du visage", observe-t-il encore. Rares ont été ceux qui ont opté pour une interdiction générale – il ne cite que la Tunisie et Singapour. "Aucun Etat comparable à la France" n'a choisi cette solution. La veille de la communication de l'étude du Conseil d'Etat, le Premier ministre avait appelé de ses vœux une loi qui "aille le plus loin possible sur la voie de l'interdiction générale" du voile intégral. Cette position est majoritaire chez les députés de droite.
Thomas Beurey / Projets publics