Virgile Caillet (Union sport et cycle) : "Cet été, beaucoup de piscines ont fermé et ne rouvriront pas"

Quelques jours après la publication de l'étude Sport dans la ville 2023, réalisée par le Conseil national des villes actives et sportives et l'Union sport et cycle – qui fédère les entreprises des filières sport, loisirs et cycles –, le délégué général de cette dernière, Virgile Caillet, revient pour Localtis sur les principaux enseignements de l'enquête en termes de politiques sportives et confie ses inquiétudes sur l'avenir des piscines en délégation de service public.

Localtis : Dans votre étude Sport dans la ville 2023, vous jugez la commande publique en matière d'équipements sportifs "plutôt bien orientée" avec 5,3 milliards d'euros au premier trimestre 2023. Pourtant, si les chiffres sont à la hausse par rapport à la période 2020-2022, ils sont inférieurs aux années 2017-2019. Pourquoi ce satisfecit ?

Virgile Caillet : On s'attache plus aux tendances qu'aux chiffres intrinsèques, notamment parce qu'avec l'augmentation du seuil sous lequel on ne passe plus par un appel d'offres [la dispense de procédure de publicité et de mise en concurrence préalables pour les marchés publics de travaux est passée pour la période 2020-2024 de 25.000 à 100.000 euros H.T., ndlr], il y a un certain nombre de marchés qu'on ne capte plus dans nos statistiques. On revient donc sur une trajectoire assez comparable au cycle municipal précédent, où l'on avait observé une montée en puissance de la commande publique à partir de 2017. Le marché est donc dynamique depuis deux ans après le crash lié au covid. Il est, de plus, un peu boosté par le plan 5.000 terrains de sport, dispositif qui va d'ailleurs perdurer et l'on s'en réjouit. Si certains regrettent son manque d'ambition, nous trouvons qu'il a un effet levier considérable qui inscrit toutes les collectivités dans une bonne dynamique

À propos de commande publique d'équipements sportifs, quelle est la tendance en termes de typologie ?

Indiscutablement, il y a une montée en puissance – qui reste proportionnelle à ce qu'ils représentent dans la population – de toutes les nouvelles pratiques que sont les pumptracks [pistes de BMX, ndlr], skate-parks, l'escalade et le padel. C'est encore relativement faible, car on partait de très bas, mais cela monte en puissance. Par ailleurs, il y a un sujet pour savoir si nous sommes, en termes de commande publique, sur du neuf ou de la réhabilitation. Nous avons en effet un parc d'équipements extrêmement vieillissant et énergivore. L'enjeu est donc sa réhabilitation.

Les terrains de basket 3x3 ou de padel ne représentent respectivement que 4% et 6% des demandes d'équipements exprimées par les Français. Or, ces équipements figurent parmi les plus financés par le plan 5.000 terrains de sport. Est-ce compatible avec la demande de la population ?

Évidemment, ces chiffres paraissent bas, mais c'est parce qu'on part d'encore plus bas. Il est logique que les piscines ou les aires de jeux pour enfants apparaissent bien plus haut si on interroge l'ensemble des Français. En revanche, la demande progresse sur les trois dernières années, et pour les terrains de basket 3x3, la demande est de 10% chez les 18-24 ans.

Si la demande pour certains équipements est encore basse, qui occupe le haut de la liste ?

Je constate beaucoup de demandes d'équipements en extérieur et en accès libre, de proximité. Il y a une certaine logique puisque, globalement, les Français nous disent qu'ils pratiquent de façon plus indépendante. Les pistes cyclables et les piscines restent les marqueurs forts de ces dernières années. Il y a d'ailleurs beaucoup de piscines fermées. On a l'impression qu'on a enterré le sujet du coût de l'énergie, or il est tout aussi prégnant [qu'en septembre 2022, ndlr]. Il y a actuellement des renouvellements de contrats et on observe des augmentations très significatives. Nous avons des signaux d'alerte du côté des délégataires de service public (DSP).

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que font remonter les délégataires que vous comptez parmi vos adhérents ?

Nous observons des augmentations considérables dans les coûts de gestion. Quand on multiplie le coût de l'énergie pas cinq, que l'on considère le poids de l'énergie dans le modèle économique ainsi que la marge qu'on peut réaliser sur chaque entrée en piscine et le peu d'élasticité du prix, le modèle économique est à requestionner. La seule voie est de réhabiliter fondamentalement un certain nombre de piscines, ce qui passe par des investissements. Nos délégataires sont très inquiets et ce qu'ils semblent nous dire – et il faudrait le vérifier – c'est que, sans qu'on s'en soit aperçu cet été, beaucoup de piscines ont fermé et ne rouvriront pas.

Autre équipement emblématique : les pistes cyclables représentent 30% des demandes d'équipements, contre 29% en 2019. N'est-ce pas paradoxal alors que de nouvelles pistes sont inaugurées tous les jours et que cette demande devrait donc apparaître comme mieux satisfaite ?

Ce n'est pas un paradoxe parce que de plus en plus de Français utilisent leurs vélos. En deux ans, on a augmenté de 32% les actes de réparation sur les vélos, ce qui est énorme. Les gens ressortent de leurs garages des vélos et les font réparer. Il y a une montée en puissance de la conscience cyclable.

Votre étude montre que l'on est passé de 57% de personnes satisfaites ou très satisfaites de la politique sportive de leurs communes en 2020 et 2022 à seulement 43% en 2023. Comment l'expliquez-vous ?

Nous avons été très surpris par ce décrochage. C'est un peu difficile de trouver les bonnes explications car, en raison du plan 5.000 terrains de sport, le résultat est presque contre-intuitif, les villes ayant plutôt été dynamiques en matière d'équipements et de politiques sportives. Nous y voyons cependant deux raisons. Globalement, il y a une forme d'insatisfaction de la politique en général, et lorsqu'on interroge les Français sur les politiques publiques, ils se montrent globalement insatisfaits. C'est une sorte d'effet de halo un peu négatif. Le deuxième élément est qu'en 2022 on a connu des périodes déstabilisantes en ce qui concerne les équipements sportifs : on ferme et on rouvre les piscines, on a des problématiques de coûts énergétiques, on ferme les gymnases, on réduit la température, etc. On s'est retrouvé avec des effets de yoyo et on peut imaginer que cela a été une source d'insatisfaction pour les usagers de ces équipements.