PLF 2010 - Ville et logement : 7,8 milliards pour une mission avec "des incertitudes financières majeures"

Après l'Assemblée nationale, le 17 novembre, le Sénat a adopté à son tour en première lecture, le 8 décembre, le projet de loi de finances pour 2010. Les crédits de la mission "Ville et logement" ont ainsi été votés à hauteur de 7,698 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 7,805 milliards en crédits de paiement (CP). Cette enveloppe se répartit en quatre programmes (en CP) : 1,101 milliard d'euros pour la prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables, 5,369 milliards pour l'aide à l'accès au logement, 629 millions pour le développement et l'amélioration de l'offre de logement et 704 millions pour la politique de la ville.
Si l'adoption des crédits n'a pas soulevé de difficulté particulière, les moyens affectés à la mission n'ont pas vraiment convaincu tous les sénateurs. Les crédits budgétaires affectés à la mission pour 2010 progressent pourtant de 3,5% en autorisations d'engagement et de 4,5% en crédits de paiement, avec toutefois des écarts importants (+8,6% pour le programme "aide à l'accès au logement", mais -10,9% pour le programme "politique de la ville"). De même, les dépenses fiscales liées à la mission (qui n'apparaissent pas dans les crédits budgétaires ci-dessus) s'élèvent à plus de 11 milliards d'euros, en progression de 8% (voir notre article ci-contre du 16 novembre 2009).
Les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques - Pierre André, sénateur (UMP) de l'Aisne, et Thierry Repentin, sénateur (PS) de la Savoie et également président de l'Union sociale pour l'habitat (USH) -  et celui de la commission des affaires sociales - Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur (UC) du Pas-de-Calais - s'en sont tenus à une approche plutôt descriptive. Mais Philippe Dallier, sénateur (UMP) de la Seine-Saint-Denis et rapporteur spécial des crédits de la mission, porte un jugement nettement moins nuancé. Il observe ainsi que "la mission ne satisfait pas correctement à l'objectif de lisibilité des politiques publiques", en ne donnant qu'"une vue partielle des moyens de l'Etat", faute d'intégrer les dépenses fiscales. Le rapporteur pointe également "des réformes qui tardent à se mettre en place", allusion aux retards dans la mise en place de la garantie universelle des risques locatifs (GRL) et au prélèvement sur les ressources financières inutilisées des organismes HLM, "qui sont toujours en attente de décrets d'application".
Autre motif d'inquiétude soulevé par le rapporteur : l'"équilibre fragile" de l'Anah et de l'Anru. Dans le cas de l'année 2008 - dernier exercice clos -, le rapport relève que l'Anah a décidé, dès le 18 novembre 2008, d'arrêter les prises en charge de dépenses pour l'année en cours et que l'agence a clos l'exercice avec une trésorerie représentant seulement huit jours de dépenses. Pour l'année à venir, le rapport considère que "la fixation des capacités annuelles d'engagement de l'Anah pour 2010 devra impérativement tenir compte des engagements déjà souscrits et de leur soutenabilité financière pour les trois prochaines années", en prenant en considération le fait que l'agence bénéficie, sur 2009 et 2010, des crédits exceptionnels du plan de relance. Pour l'Anru, le rapport met en avant un redoutable effet de ciseaux, à partir de 2009, entre les besoins de trésorerie et la trésorerie effectivement disponible. Considérant que "le mécanisme de financement mis en oeuvre depuis 2009 n'est pas soutenable à moyen et long termes", le rapporteur spécial préconise que l'année 2010 soit mise à profit pour "pour élaborer un schéma réaliste de financement des interventions de l'Anru et de l'Anah, susceptible de succéder au système temporaire mis en place par la loi de mobilisation pour le logement et permettant de sortir d'une logique consistant à repousser régulièrement les échéances de règlement des dettes accumulées".
Le rapport est plus positif sur les crédits de deux des quatre programmes de la mission : "développement et amélioration de l'offre de logements" et "politique de la ville". Il est en revanche nettement plus mitigé sur le programme "prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables" - pour lequel le rapporteur pointe la "sous-budgétisation persistante" des dépenses du Parsa (plan d'action renforcé pour les sans-abri) - et pour le programme "aide à l'accès au logement", dont la dotation ne règle pas le problème récurrent de la dette de l'Etat. Le défaut de financement de l'Etat à l'égard du Fnal (Fonds national d'aide au logement) serait ainsi de 585 millions d'euros à la fin de 2009. 
 

Jean-Noël Escudié / PCA