Archives

Réforme territoriale / Education - Vers une vingtaine d'académies dans une France aux 13 régions

Treize régions. Une vingtaine d'académies. L'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche a posé, dans un rapport remis en avril au Premier ministre, les grands principes qui doivent selon elle guider la future carte des académies dans le cadre de la réforme de l'organisation territoriale de l'Etat. Selon une simulation, il s'en suivrait une carte de 21 académies contre 26 actuellement. Les cinq fusions ne seraient effectives qu'à l'automne 2018.

"Il serait extrêmement réducteur et contre-productif de limiter la question posée à celle de savoir si demain il y aura trente ou treize recteurs." La question posée, c'est celle de Manuel Valls dans sa lettre du 18 septembre 2014 (*) : "Quelle évolution de l'Etat territorial pour l'éducation nationale, l'enseignement supérieur et la recherche ?" C'est aussi le titre du rapport que lui a remis en réponse, en avril, l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (Igaenr).
Elle invite dans sa conclusion, conformément à la commande de Matignon, à une "convergence des académies avec les nouvelles régions sans alignement systématique". Et ajoute aussitôt que cette convergence doit impérativement s'accompagner d'une réflexion sur "des modes de gouvernance du système éducatif adaptés à ses enjeux pédagogiques". Car "cette réflexion doit partir des besoins des équipes pédagogiques, des écoles et des établissements à qui on ne doit pas donner l'impression d'une réforme technocratique n'intéressant qu'une superstructure très éloignée des réalités".

Une vingtaine d'académies à terme

Ceci étant dit, l'inspection considère "possible et souhaitable" que le nombre d'académies métropolitaines passe de 26 aujourd'hui à "une vingtaine à terme". Selon une simulation réalisée par AEF, elles seraient au nombre de 21 (voir notre encadré ci-dessous).
Cette évolution sur le mode "convergence sans alignement" doit, selon l'Igaenr, "être compatible avec le maintien d'un modèle académique qui exige un recteur, chancelier des universités, en capacité de connaître et d'animer son territoire sans autre relais territorial que le réseau des responsables d'établissement et des Dasen". Cette évolution implique également des périmètres académiques "dont la taille ne soit pas un obstacle insurmontable au plein exercice des responsabilités du recteur ainsi qu'à une gestion territorialisée du système éducatif, en particulier celle de ses personnels".
L'inspection a ainsi classé les territoires régionaux en trois catégories suivant le nombre de départements dans chacune des 13 nouvelles régions. Une catégorie regrouperait les très grandes régions (plus de huit départements) dans lesquelles pourraient intervenir des fusions partielles d'académies. Une autre catégorie serait consacrée à la région Ile‐de‐France, "territoire qui devrait voir son organisation modifiée avec l'émergence de la métropole du Grand Paris". L'inspection recommande de "différer une éventuelle évolution du périmètre des académies franciliennes". En revanche, elle préconise que "sans attendre il soit procédé à la nomination d'un vice‐chancelier unique auprès des trois recteurs et acté le principe de la fusion des Crous d'Ile‐de‐France".
La troisième catégorie regroupe tous les autres territoires. Et dans ce cas, "une fusion peut être envisagée" sous réserve de tenir compte des préconisations détaillées dans le rapport.

"Préserver une relation de proximité"

L'inspection formule ainsi une dizaine de préconisations. Elle tient au préalable à ce que l'évolution territoriale soit "porteuse de sens". Ce qui implique de se poser constamment la question "quelle valeur ajoutée pour les parcours des élèves et des jeunes, pour l'égalité d'accès à l'éducation ?"
L'inspection insiste également sur la nécessité de "préserver une relation de proximité" pour "favoriser la capacité d'animation pédagogique mais aussi être à l'écoute des communautés éducatives". Cette relation de proximité ne saurait pourtant "se réduire à une départementalisation".
Favorable à "la simplicité des organisations", l'inspection recommande de ne pas ajouter de niveau d'administration supplémentaire", ni de créer un "recteur adjoint ayant en charge un niveau d'administration supra‐départemental et infra‐académique". Ce qui ne l'empêche pas d'insister sur "l'importance du pilotage infra-académique". Et recommande à ce propos d'"identifier plus clairement des interlocuteurs de l'éducation nationale en charge de territoires dont la configuration a évolué du fait de la démographie mais aussi de l'émergence des métropoles, des communautés de communes ou d'agglomérations".
L'inspection préconise également de respecter une logique de subsidiarité, de mieux organiser le réseau des établissements au regard des compétences régionales, de veiller à l'équilibre entre académies.

Un cadrage rapide, une mise en œuvre en septembre 2018

Alertant sur "la complexité" de l'exercice, l'inspection recommande d'arrêter "au plus tôt" la "carte cible" des évolutions envisagées mais de donner "un délai de trois années minimum à cinq années maximum" pour réaliser ces fusions. Il faudrait, estime-t-elle, qu'"avant l'été 2015", une feuille de route soit adressée par le ministère à chaque recteur concerné.
Viendrait ensuite la période préfiguration, entre 2016 et 2018, durant laquelle les académies resteraient dans leur périmètre actuel "mais avec la possibilité d'un recteur commun pour celles qui doivent fusionner". C'est durant ce temps que les académies élaboreraient leur projet d'organisation en relation avec l'administration centrale. Du côté de l'enseignement supérieur, un recteur, chancelier des universités, serait nommé, durant cette période transitoire, à la tête de deux académies. Il serait chargé d'arrêter et de mettre en place les organisations futures, sur la base d'une feuille de route du ministère. L'application de la nouvelle carte des académies débuterait "à partir de septembre 2018".
Rappelons que, parallèlement à la mission menée par l'Igaenr, le conseil des ministres du 22 avril dernier a désigné neuf recteurs coordonnateurs chargés d'"élaborer un projet d'organisation inter-académique, pouvant aller de dispositifs de coopération renforcée à une intégration conduisant à une fusion d'académies" (voir notre article ci-contre du 23 avril 2015). Il y a ainsi sept recteurs dans les sept nouvelles régions (les recteurs de Nancy-Metz, Bordeaux, Lyon, Besançon, Toulouse, Caen, Lille) et deux recteurs pour les régions d'Ile-de-France et de Paca (les recteurs des académies de Paris et d'Aix-Marseille). Gageons que leurs conclusions, si elles ne sont pas totalement "alignées", seront au moins en "convergence".

Valérie Liquet

(*) Pour rappel, par lettre du 18 septembre 2014, le Premier ministre avait saisi toutes les inspections générales pour une mission relative à l'évolution de l'Etat territorial consécutive à la nouvelle carte des régions. 

Quelles seraient les 21 futures académies ?

A partir du rapport de l'Igaenr, AEF a simulé ce qui pourrait bien être la carte des futures académies en France métropolitaine. Elle en a compté 21, contre 26 actuellement. Les cinq académies issues de fusions seraient celles de : Caen-Rouen, Lille-Amiens, Aix-Marseille-Nice, Dijon-Besançon et probablement Limoges-Poitiers.
Tout part de la suggestion de l'Igaenr d'éviter les fusions d'académies dans les régions comportant plus de 8 départements. Soit quatre super-régions concernées. La région Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées, forte de 13 départements, conserverait ainsi deux académies (celles de Toulouse et de Montpellier). Auvergne/Rhône-Alpes et ses 12 départements disposeraient de trois académies (celles de Clermont-Ferrand, de Lyon et de Grenoble). Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, avec ses 10 départements, auraient également trois académies (celles de Reims, de Nancy-Metz et de Strasbourg).
La super-région Aquitaine/Limousin/Poitou-Charentes composée de 12 départements ne conserveraient pas forcément ses trois académies (celles de Bordeaux, de Limoges et de Poitiers). L'Igaenr envisage en effet des "fusions partielles" d'académies et, selon AEF, il s'agirait en l'occurrence des académies de Poitiers et de Limoges.
Les académies plus sûrement susceptibles de fusionner, selon les critères de l'Igaenr fondés sur le nombre de départements dans une région, concernent quatre régions. La Normandie (5 départements) n'aurait plus qu'une seule académie issue de la fusion des académies de Caen et Rouen. De même pour les régions Nord-Pas-de-Calais/Picardie (5 départements) avec la fusion des académies de Lille et d'Amiens ; de Paca (6 départements) avec la fusion des académies d'Aix-Marseille et de Nice ; de Bourgogne/Franche-Comté (8 départements) avec la fusion des académies de Dijon et de Besançon).
Les académies non concernées par la création de nouvelles régions sont celles d'Orléans-Tours (région Centre-Val-de-Loire), de Nantes (région Pays de la Loire), de Rennes (région Bretagne) et les académies d'Outre-mer et de la Corse.
Concernant l'Ile-de-France, l'Igaenr recommande le statu quo en matière de frontières académiques (mais la nomination d'un vice-chancelier unique auprès des 3 recteurs), soit le maintien des académies de Paris, de Créteil et de Versailles.
Au final, la carte des 21 académies de métropole comprendrait les académies suivantes : Paris, Versailles, Créteil, Orléans-Tours, Nantes, Rennes, l'académie de Corse, Toulouse, Montpellier, Clermont-Ferrand, Lyon, Grenoble, Reims, Nancy-Metz, Strasbourg, Bordeaux, Limoges-Poitiers, Caen-Rouen, Lille-Amiens, Aix-Marseille-Nice, Dijon-Besançon.

V.L. avec AEF