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Etat / Réforme territoriale - Les inspections générales prônent la concentration d'un maximum d'agents dans les nouveaux chefs-lieux

Dans un rapport qu'ils ont remis le mois dernier sur la réforme territoriale, plusieurs corps d'inspection ministériels préconisent de concentrer les services régionaux de l'Etat dans les villes qui seront les chefs-lieux des nouvelles régions. Pour plus d'efficacité, ces villes devront aussi accueillir l'hôtel de région, selon les hauts fonctionnaires. Les villes qui perdront leur statut de chef-lieu verraient plusieurs centaines d'agents les quitter.

Le gouvernement a confirmé le 22 avril dernier qu'il adaptera son organisation à la nouvelle carte de 13 régions qui entrera en vigueur le 1er janvier 2016. Pour fixer les grands principes de ce vaste chantier, il s'est appuyé sur des travaux des préfets de Bourgogne et de Franche-Comté, deux régions qui devaient jouer les "éclaireurs" (voir notre article du 5 mai 2015). Le gouvernement a pu aussi compter sur un rapport des inspections générales (IGA, IGF, Igas, avec le concours de huit autres inspections ou instances telles que le CGEDD), dont le Premier ministre avait passé commande en septembre 2014. Les conclusions de ce document que Matignon vient de mettre en ligne ne devraient pas plaire à certains élus locaux, notamment ceux qui exercent leur mandat dans l'un des chefs-lieux menacés de disparition. Pour des raisons d'efficacité, la mission défend en effet l'idée qu'il faut concentrer les "chefs de services régionaux de l'Etat et leurs 'états-majors' au chef-lieu de la nouvelle région".
Ce principe l'amène à dénoncer la "solution de facilité" qui consisterait à "maintenir en l'état, dans les actuels chefs-lieux de région, les services des directions régionales existantes". Cette organisation, estiment les inspections, "reviendrait de fait à ajouter un échelon administratif supplémentaire".

Liste des chefs-lieux

L'implantation sur un seul site de tous les services régionaux de l'Etat est "à privilégier", poursuivent-elles, surtout "quand un problème de proximité avec les usagers ou les opérateurs ne se pose pas".
Dans cette même logique de concentration administrative, l'hôtel de région devra se situer au chef-lieu de région, estiment les hauts fonctionnaires. C'est la garantie pour l'Etat de travailler étroitement avec l'exécutif régional sur les "sujets d'intérêt commun". Un tel scénario empêcherait que, dans une logique d'aménagement du territoire, le chef-lieu de région soit localisé dans une ville et l'hôtel de région dans une autre. Or une telle répartition aux allures de compromis a la faveur de nombreux élus locaux. C'est le cas en Normandie où le partage des rôles entre Rouen (futur chef-lieu) et Caen (siège du conseil régional) a la cote.
Les principes posés par les inspections pourraient laisser une chance aux actuels chefs-lieux de taille modeste dans la compétition pour décrocher l'implantation des administrations de rang régional. Sauf que les "hypothèses" complémentaires émises par les inspections ne leur sont pas du tout favorables. Comme futurs chefs-lieux des nouvelles régions, elles retiennent Strasbourg (ce choix s'imposait du fait de la loi), Lille, Dijon, Lyon, Toulouse, Bordeaux et Rouen.
Les préoccupations d'aménagement du territoire ne sont toutefois pas absentes de la réflexion des inspections. Elles reconnaissent que l'argument peut conduire à prévoir plusieurs sites pour un même service. Cette "multilocalisation maîtrisée" paraît justifiée notamment quand "l'exercice des missions implique une forte relation de proximité avec les usagers, les partenaires ou les opérateurs", est-il indiqué.

Mobilité pour 10.700 agents de l'Etat

Par ailleurs, les administrations régionales situées actuellement dans les villes susceptibles de perdre leur statut de chef-lieu de région ont des effectifs "significatifs", reconnaît la mission. Ils varient de 909 à Limoges à 1.562 à Montpellier. De ce fait, des villes comme "Metz et Châlons-en-Champagne", qui ont connu des restructurations de sites militaires, "méritent une attention particulière".
Dans les 16 régions actuelles qui vont être concernées par une fusion, la mission dénombre 28.000 agents de l'Etat exerçant dans des services régionaux de l'Etat (si l'on met à part les agents relevant de l'Education nationale et de la Défense). Parmi eux, 10.700 agents pourraient être amenés à changer de poste ou à rejoindre le nouveau chef-lieu.
L'accompagnement des mobilités géographiques coûtera à l'Etat la bagatelle de 250 millions d'euros. Mais cet accompagnement est "une condition majeure de la réussite de la réforme", soulignent les inspections.
Ces dernières se sont surtout intéressées à l'organisation des services régionaux de l'Etat dans les quatre futures "méga-régions" (Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin, Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine et Auvergne-Rhône-Alpes). Leurs conclusions diffèrent assez nettement de celles des préfets de Bourgogne et Franche-Comté. Ceux-ci ont en effet plaidé pour une répartition des administrations soucieuse d'équilibre des territoires. Mais ils ont précisé que leurs recommandations ne sont pas adaptées aux plus grandes régions, parce que les anciens chefs-lieux sont très éloignés entre eux.
On notera en outre que le volet éducation de la réforme, autrement dit la question du devenir des académies, a donné lieu à un rapport spécifique, publié le même jour par Matignon (voir notre autre article de ce jour).