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Emploi - Vers la fin des emplois francs ?

Un an après leur lancement, les emplois francs n'ont pas fait leur preuve. 130 contrats ont été signés, sur un objectif de 10.000 sur trois ans. Pour Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, ce dispositif devra au moins être transformé. Un sort qui n'est pas sans rappeler celui des contrats d'autonomie de Fadela Amara.

"La réflexion sur les emplois francs est ouverte." Au cours d'une réunion, organisée le 13 juin 2014 par l'Association des journalistes de l'information sociale (Ajis), Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, a donné des précisions sur l'avenir des emplois francs. Ce dispositif a été lancé en juin 2013 par le gouvernement. Il permet de subventionner à hauteur de 5.000 euros tout recrutement d'un jeune en CDI, résidant en zone urbaine sensible (ZUS) depuis au moins six mois, quel que soit le siège de l'entreprise. Un plus par rapport aux zones franches urbaines, puisque l'emploi y est lié au siège de l'entreprise et non au lieu d'habitation du bénéficiaire. Les emplois francs sont donc une sorte de discrimination positive à l'adresse.
Au moment de leur lancement, le gouvernement avait prévu la signature de 10.000 contrats sur trois ans, pour un montant de 25 millions d'euros. Le dispositif a été testé au départ sur dix territoires, puis étendu à 163 communes. En août 2013, François Hollande avait affirmé que leur nombre, fixé à 2.000 initialement pour 2014, passerait à 5.000… Finalement, au bout de dix mois d'expérimentation, seuls 130 emplois de ce type ont été signés.
Najat Vallaud-Belkacem, la nouvelle ministre de la Ville, a récemment reconnu dans la presse que "la montée en charge n'était pas satisfaisante". Un rapport d'évaluation, réalisé par Jean-François Carenco, préfet de la région Rhône-Alpes, et spécialiste de ces questions, est attendu sur le sujet. D'après Emmanuelle Wargon, "le dispositif ne restera pas comme tel, il pourra devenir une aide complémentaire sur des outils existants".
La DGEFP estime ainsi que ce dispositif n'est pas le plus attractif pour les employeurs. "Il est rarement utilisé car pour un employeur, un emploi d'avenir est par exemple plus intéressant".
Autre inconvénient noté par la DGEFP : le foisonnement de dispositifs disponibles. "On a du mal à faire vivre trop de dispositifs en même temps, a ainsi expliqué Emmanuelle Wargon, l'idée est de simplifier et de garder un nombre de dispositifs réduits, sinon ils se cannibalisent, et Pôle emploi et les missions locales ont du mal à expliquer les différences aux employeurs."

Les emplois francs auront-ils le même destin que les contrats d'autonomie ?

A l'origine du dispositif qui avait été mis en avant par l'association Villes et Banlieues, l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus) craignait déjà des difficultés, avec notamment des effets d'aubaine à prévoir. Un jeune souhaitant obtenir un emploi franc pouvait ainsi être tenté d'aller se domicilier du bon côté de la rue, estimait l'observatoire, qui préférait souligner l'importance de la qualification.
Ces emplois francs vont-ils avoir le même destin que les contrats d'autonomie ? Ces derniers, lancés en 2008 dans le cadre du plan Espoir Banlieue de Fadela Amara, visaient l'accompagnement vers l'emploi durable ou la formation qualifiante de jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville par des opérateurs privés de placement. Finalement ces contrats ont été abandonnés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, car ils n'ont jamais décollé et coûtaient trop cher.
Face à cette très lente montée en puissance, et au chômage élevé persistant des jeunes dans les quartiers difficiles (2,5 fois plus élevé que la moyenne nationale), le gouvernement mise plutôt sur les emplois d'avenir. 95.000 ont été signés en 2013 (soit quasiment l'objectif de 100.000) et 50.000 supplémentaires étaient initialement prévus pour 2014, avant que François Rebsamen annonce, début juin, que 45.000 contrats de plus allaient être programmés.
Mais il est difficile de s'y retrouver entre le flux et le stock de ces emplois d'avenir. Beaucoup des contrats signés en 2013 ont pris fin, car la moitié d'entre eux correspondent à des CDD de un à deux ans, soit une durée plus courte que prévue, les collectivités locales et les associations n'ayant pas voulu s'engager dans la durée.

Emplois d'avenir : "On va financer tous les renouvellements"

L'enveloppe supplémentaire prévue pour 2014 servira à couvrir les renouvellements de ces emplois qui ont pris fin (25.000). "On va financer tous les renouvellements", a ainsi précisé Emmanuelle Wargon. Le reste (20.000 financés par l'enveloppe supplémentaire) comprendra de nouveaux contrats. Mais la déléguée générale n'a pas pu préciser pour autant le nombre total de contrats actuels signés, en comptant les contrats finalisés, ceux reconduits, ceux qui ont été finalement abandonnés et les nouveaux...
Reste aussi les contrats aidés classiques. Une rallonge de 20.000 contrats (CUI) a été décidée par le gouvernement. 500 millions d'euros seront consacrés à ces rallonges (emplois d'avenir et contrats aidés), ajoutés aux 620 millions d'euros issus de l'Initiative pour l'emploi des jeunes, déclinaison nationale du programme européen adopté le 22 avril 2013. Dans le même temps, la mission Travail et Emploi va voir son budget diminuer. Le projet de loi de finances rectificative pour 2014 présenté en Conseil des ministres le 11 juin, prévoit ainsi une réduction de 127 millions d'euros du budget de la mission, sur 12 milliards, dont 126 millions d'euros sur l'acccompagnement des mutations économiques et le développement de l'emploi et 1 million sur la conception, la gestion et l'évaluation des politiques de l'emploi et du travail. Pour la DGEFP, cette réduction n'aura pas d'incidence directe sur les programmes et dispositifs en cours. "Ce n'est pas une difficulté majeure ; en fin d'année il peut y avoir des rééquilibrages", a ainsi signalé Emmanuelle Wargon.

Emilie Zapalski

Un ciblage différent des contrats aidés selon les territoires

D'après une publication de la Dares (ministère du Travail) de juin 2014, les régions et les départements n'ont pas tous la même façon d'utiliser les contrats aidés. L'étude, qui porte sur les 272.000 contrats aidés signés en 2011, met en avant cinq modes d'utilisation différents du contrat unique d'insertion-contrat d'accompagnement dans l'emploi (CUI-CAE). Premier cas : le contrat est destiné prioritairement aux zones urbaines sensibles (ZUS). La région Ile-de-France entre dans cette catégorie. Le taux d'accès au CUI-CAE est faible dans les départements de cette région (moins de 3% des demandeurs d'emploi en 2011, contre 4,7% en moyenne en France) et ces contrats sont surtout ciblés sur les résidents des ZUS, particulièrement touchés par le chômage. "Les peu diplômés – et notamment les jeunes - sont également davantage ciblés, à l'inverse des bénéficiaires du RSA et des travailleurs handicapés", détaille la Dares. Un phénomène qui met en avant, selon elle, les limites du dispositif dans des territoires fortement urbanisés "où la production de services non marchands pèse faiblement dans l'emploi tertiaire".
Au nord-est de la France, les contrats aidés sont en revanche largement utilisés pour lutter contre le chômage. Les cibles prioritaires sont les chômeurs de longue durée. Autre région, autre pratique : au sud de la France, les contrats sont ciblés sur les jeunes en difficulté, du fait d'un fort taux de chômage des jeunes sur ces territoires. Dans les zones moins touchées par le chômage, ce sont les publics défavorisés qui sont le plus souvent ciblés par le dispositif des contrats aidés. "On retrouve notamment le Cantal, le Jura, une partie de la Bretagne et de la Normandie, ainsi que les départements de la région Pays de la Loire", indique la Dares. Enfin, les zones plutôt rurales, situées majoritairement dans le centre de la France, ont tendance à orienter les contrats aidés vers les seniors et les personnes handicapées.

Emilie Zapalski