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Culture - Vers la création d'un loto pour financer la sauvegarde du patrimoine

Jusqu'alors discret sur la mission que lui a confiée le 16 septembre le chef de l'Etat sur le patrimoine en danger, Stéphane Bern a levé le voile sur les premières pistes envisagées pour lever les fonds nécessaires au renforcement de sa protection. Interrogé sur RTL, l'animateur a notamment indiqué qu'il souhaite "lancer un loto patrimoine, un tirage et un grattage spécial". Le principe serait le même qu'un loto normal - avec des gagnants -, à la différence près que "la part de l'Etat reviendra au patrimoine".

Un mode de financement courant à l'étranger

L'idée n'est pas véritablement nouvelle, mais elle pourrait recevoir là sa première application concrète en France. En Grande-Bretagne, la "National Lottery" est devenue, de longue date, le principal mécène culturel britannique, accordant deux fois plus de financements que l'Etat. Les fonds du loto vont à toutes les activités culturelles, mais une bonne part abonde les fonds de l'Heritage Foundation, acteur majeur du patrimoine britannique.
Souvent évoqué, l'exemple de la Grande-Bretagne n'est toutefois pas le seul. La loterie d'outre-Rhin alimente ainsi, depuis 1991, la Fondation allemande pour la protection des monuments et a déjà financé la rénovation de plus de 5.000 monuments. Il en va de même aux Pays-Bas ou en Italie, où la Lottomatica reverse aux collectivités des fonds pour l'entretien du patrimoine.
En France même, l'idée a été évoquée à plusieurs reprises, sans toutefois dépasser le stade du projet. En 2006, un rapport d'information de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale préconisait déjà d'affecter une petite partie des recettes de la Française des jeux au financement des monuments classés et inscrits des collectivités territoriales. Il s'agissait, en l'occurrence, de reproduire un mécanisme déjà mis en place pour le financement du Centre national pour le développement du sport (CNDS).

Mobiliser les Français à travers le crowdfunding

Plus récemment, à l'occasion de l'examen des crédits de la mission "Culture" dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances (PLF) pour 2015, François de Mazières - maire de Versailles et alors député des Yvelines - avait également proposé un amendement en ce sens (voir notre article ci-dessous du 12 novembre 2014). Il consistait à créer, à l’occasion des Journées du patrimoine, un tirage spécial du loto dont les recettes seraient affectées à cette cause. L'amendement n'a toutefois pas été adopté, malgré le soutien d'un nombre important de députés. Même s'il n'est plus député depuis les législatives de 2017, François de Mazières a d'ailleurs relancé sa proposition sous la forme d'un communiqué de la ville de Versailles, lors des Journées du patrimoine de septembre.
Au-delà du retour de la question du loto, Stéphane Bern entend aussi faire appel à "un certain nombre de fondations internationales, mais aussi [à] des fonds qui sont prêts à m'aider". Il envisage aussi de mobiliser les Français, très attachés au patrimoine de proximité (voir notre article ci-dessous du 2 mars 2016), à travers des opérations de crowdfunding.
Pour mobiliser l'opinion sur les enjeux de la sauvegarde du patrimoine, l'animateur dit avoir obtenu l'accord de Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions pour diffuser un programme court quotidien "juste avant le journal de 20 heures sur un monument en danger". L'émission serait financée par la participation de sponsors.

La région Ile-de-France et la Fondation du patrimoine font cause commune

Le 2 octobre 2017, la région Ile-de-France a signé, pour la première fois, une convention de partenariat avec la Fondation du patrimoine. Cette signature s'inscrit dans le cadre de la politique de l'Ile-de-France en faveur du "patrimoine d'intérêt régional", adoptée cet été avec la création d'un fonds dédié (voir notre article ci-dessous du 25 juillet 2017). Son objet est "d'encourager le mécénat des particuliers et des entreprises qui se mobilisent en faveur des projets de restauration du patrimoine francilien non protégé" (moulins, colombiers, lavoirs...). L'an dernier, la Fondation du patrimoine - présidée par l'ancien promoteur immobilier Guillaume Poitrinal (ancien président d'Unibail) - a en effet lancé 300 souscriptions en Ile-de-France, qui ont recueilli un total de 6,2 millions d'euros de financement auprès de 9.000 donateurs. Selon un principe déjà bien connu du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), pour chaque euro collecté par la Fondation, la région ajoutera un euro, avec un plafond de 15.000 euros par projet.