Vents contraires sur l'éolien en mer
Trois des premiers projets de parcs éoliens en mer français font l'objet de recours devant la cour administrative d'appel de Nantes. Cette nouvelle péripétie intervient au moment où la filière s'interroge sur son avenir, après que le gouvernement cherche à revoir les mécanismes d'incitation qui avaient prévalu jusqu'à présent.
La cour administrative d'appel de Nantes a examiné ce 16 mars de nouveaux recours dirigés contre trois des premiers projets de parcs éoliens en mer français, au large de Fécamp, de Saint-Brieuc et des plages normandes du Débarquement. Ces requêtes, émanant d'associations de défense de l'environnement et de particuliers, visent à faire annuler la convention de concession d'utilisation du domaine public maritime pendant 40 ans de chacun de ces trois parcs offshore, l'une des trois autorisations administratives nécessaires aux installations d'éoliennes en mer, approuvées par arrêtés préfectoraux. Les requérants dénoncent pour chacun des projets l'incidence sur l'environnement mais aussi l'impact visuel de ces parcs comptant 62 à 83 éoliennes, avoisinant ou dépassant pour celui de Saint-Brieuc les 200 mètres de haut.
Décisions attendues dans une quinzaine de jours
Le rapporteur public a conclu au rejet des recours contre le parc au large de Fécamp et d'Etretat (Seine-Maritime) et contre celui de Courseulles-sur-Mer (Calvados) et des plages normandes du Débarquement. Il a notamment souligné l'éloignement suffisant des futures éoliennes, à au moins dix kilomètres des côtes ou des plages. Il a par contre conclu à l'annulation de l'arrêté préfectoral approuvant la concession pour le parc au large de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor), pour un vice qui n'affecte pas la concession elle-même. Si la cour suit cet avis, cela entraînerait seulement un nouveau retard dans la mise en service du parc. Les juges administratifs doivent faire connaître leurs décisions dans une quinzaine de jours.
Les parcs éoliens en mer au large de Fécamp, de Courseulles-sur-Mer et de Saint-Brieuc sont les premiers, avec celui de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), attribués en 2012 par appel d'offres gouvernemental national. Celui de Saint-Brieuc avait été attribué à l'Espagnol Iberdrola et les trois autres à EDF. La cour administrative d'appel de Nantes, compétente pour statuer, en premier et dernier ressorts, sur tous les litiges relatifs aux installations de production d'énergie renouvelable en mer, a déjà rejeté plusieurs recours dirigés contre d'autres autorisations d'exploiter pour ces projets.
Polémique sur les tarifs
Les premiers parcs d'éoliennes en mer français devraient entrer en service au mieux en 2021 ou 2022, un net retard par rapport à l'Europe du Nord. Des industriels et des collectivités se sont émus ces derniers jours des incertitudes pesant sur le développement de cette filière, après le dépôt par le gouvernement d'un amendement controversé lors de l'examen au Sénat du projet de loi pour un Etat au service d'une société de confiance (lire ci-dessous notre article du 15 mars). Finalement rejeté ce 14 mars, il aurait permis de renégocier les tarifs de rachat de l'électricité produite par les parcs éoliens en projet, le gouvernement estimant que les tarifs des appels d'offres passés sont trop élevés par rapport aux prix du marché.
En marge d'une visite à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ce 15 mars, Sébastien Lecornu, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Transition écologique, a réaffirmé que le gouvernement n'avait pas changé de position malgré le rejet de son amendement par le Sénat. "Nos objectifs restent les mêmes", a-t-il déclaré à des journalistes. "On a un modèle économique qui est en train de se dessiner autour des énergies renouvelables, c'est-à-dire que le marché de l'offre et de la demande commence à faire son oeuvre, avec des prix qui sont en décroissance", a remarqué Sébastien Lecornu. "Il est logique que les pouvoirs publics, qui ont imaginé des mécanismes d'incitation pour faire ces énergies renouvelables, adaptent petit à petit la sollicitation de l'argent du contribuable à mesure que le marché s'empare de ces projets", a-t-il estimé. "Notre enjeu c'est d'arriver à soutenir à fond cette filière", a assuré Sébastien Lecornu. "On ne peut pas détacher cet amendement de toutes les mesures - et que d'ailleurs les anti-éoliens me reprochent tous les jours - que nous avons prises ces dernières semaines" pour encourager les renouvelables, a-t-il souligné.