Environnement - Végétalisation urbaine : quand les professionnels interpellent les élus
Un guide et un manifeste : aux côtés de réseaux d'acteurs locaux comme Hortis (réseau de techniciens et ingénieurs des espaces verts) et d'associations comme Orée (spécialisée sur la biodiversité), l'Unep-les entreprises du paysage a lancé le 5 juin deux outils visant à mobiliser sur le thème de la végétalisation en ville. "Végétalisons sur nos toits, devant nos murs et dans nos espaces oubliés, partout où cela est possible ! Tout en respectant bien sûr, comme cela se fait à Metz, lorsqu'ils végétalisent chaque année une place emblématique de la ville, les contraintes de classement au patrimoine", motive Catherine Muller. La présidente de l'Unep-les entreprises du paysage souhaiterait que plus de budget y soit affecté – c'est à peine 1% du budget des villes actuellement. Mais baisse des dotations de l'État oblige, certaines villes ont dû tailler dans le gras...
Floraison d'attentes
De la végétation, on semble attendre aujourd'hui beaucoup de choses. A ce propos, il faut lire en parallèle le très instructif "Une ville verte, Les rôles du végétal en ville" (éd. Quae, 29 euros, coordonné par Marjorie Musy, agrégée génie civil et chercheure au Cerma*). Ouvrage qui montre qu'on attend que cette végétation "équilibre environnementalement l'artificialisation du milieu de vie, tout en lui attribuant des fonctions récréatives et sociales qui répondent au désir de retour à la nature et d'amélioration du cadre de vie". D'où le très visible développement ces dernières années d'une forme de végétalisation événementielle, prétexte à Reims, Brest ou Villeurbanne à de joyeuses fêtes. Des installations éphémères et végétales qui, comme à Nantes, deviennent parfois permanentes...
Le facteur climat
Émerge aussi une meilleure prise en compte du rôle du végétal dans la compréhension du fonctionnement climatique des villes. Aux élus, l'Unep préconise ainsi dans son guide de démultiplier les îlots de fraîcheur en ville : "Les végétaux jouent alors le rôle de climatiseurs urbains". Ce phénomène de rafraîchissement est bien connu. Des chercheurs l'ont étudié mais persistent à dire qu'il n'est pas aisé à quantifier. Reste que les effets indirects de la végétation urbaine sont nombreux. "Selon notre observatoire des villes vertes, amené à régulièrement s'enrichir, la végétalisation est un bon support de dynamique participative, à Tourcoing par exemple, et bien sûr d'attrait touristique, mis en avant à Menton", ajoute Catherine Muller. Autres bénéfices : la capture de polluants (par les stomates des plantes), l'effet éponge à particules fines (avec lessivage ensuite par les eaux pluviales), le rôle des arbres sur la consommation énergétique des bâtiments (en limitant les vitesses de vent près des parois et en réduisant les apports solaires s'ils sont plantés devant, ce qui est négatif en hiver mais favorable l'été), etc.
Pas d'angélisme
Les interrelations sont, en soi, un champ relativement vierge pour la recherche et les concepteurs d'espaces. Mais gare à l'angélisme : on le sait moins, mais certaines espèces comme les platanes et la plupart des conifères émettent, selon Patrice Mestayer, de l'Institut de recherche en sciences et techniques de la ville (IRSTV), des polluants secondaires, composés organiques volatils biogéniques (COVB), parfois générateurs ou précurseurs de l'ozone. Enfin, il ne faut pas que la demande en espaces verts mette des ornières aux élus et les pousse à sous-considérer le problème sanitaire posé par les allergies polliniques, qui touchent 20% de la population, avec des espèces allergènes comme le bouleau, très répandu.
Morgan Boëdec / Victoires Éditions
*Laboratoire de l'école nationale supérieure d'architecture de Nantes spécialisé dans les approches méthodologiques et numériques de l'environnement construit, notamment les problématiques climatiques et énergétiques.