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Urgence sanitaire : vers une prolongation du régime transitoire jusqu’au 1er avril 2021

Le régime transitoire qui a succédé cet été à l'état d'urgence sanitaire est amené à se prolonger jusqu'au 1er avril 2021. Mayotte et la Guyane, qui restaient en état d'urgence sanitaire depuis lors, en sont sortis.

"Face à cette épidémie, notre stratégie ne varie pas (…) le virus est là pour quelques mois encore, et nous devons réussir à vivre avec lui sans nous laisser entraîner à nouveau dans une logique de confinement généralisé." Cinq jours après avoir prononcé ces mots, le Premier ministre a présenté mercredi 16 septembre en conseil des ministres, un projet de loi visant à proroger de six mois le "régime transitoire" instauré à la sortie de l’état d’urgence sanitaire le 11 juillet. Moins restrictif que ce dernier, ce régime d’exception permet toutefois au pouvoir réglementaire de décider toutes sortes de restrictions et obligations. Il devait initialement s’interrompre au 30 octobre. Le texte prévoit donc de le proroger jusqu’au 1er avril 2021 pour donner plus de latitude à l’exécutif pendant la période hivernale. "Les indicateurs de suivi épidémiologique témoignent d’une dégradation préoccupante dans de nombreux territoires", justifie le gouvernement dans l’exposé des motifs du projet de loi, en s’appuyant sur l’avis du conseil scientifique du 12 septembre. Même si, d’après lui, les mesures prises lors de la première phase transitoire "ont permis de limiter la reprise de l’épidémie, malgré les risques liés aux congés d’été". Seulement "la reprise généralisée des activités risque d’amplifier cette recrudescence des cas d’infection au covid?19 dans les prochains mois".

Pour rappel, ce régime transitoire permet au Premier ministre de décider par décret de restreindre les circulations, de réglementer l’accès aux établissements recevant du public, de réglementer les rassemblements de personnes ou d’imposer des tests de dépistages aux personnes arrivant de l’étranger par avion. Le préfet de département peut aussi prendre des décisions de lui-même, après avis du directeur de l’Agence régionale de santé, comme l’obligation de port du masque. Ainsi, 2.286 décisions ont été prises par les préfets au 31 août, dans le cadre de ce régime, la plupart ayant trait à l’obligation de port du masque, d’après l’étude d’impact du projet de loi. Il s’agit aussi de mesures de fermetures d’établissements recevant du public. 130 interdictions de rassemblements de plus de 10 personnes ont été prononcées. A noter que 14 dérogations ont été accordées pour permettre des événements de plus de 5.000 personnes. Toutes ces mesures ont donné lieu a un lourd contentieux. Le Conseil d’Etat a été amené à rendre 14 décisions.

Communication "anxiogène"

Alors que la commission d’enquête sénatoriale sur la gestion de la crise a repris ses travaux, la chambre haute pourrait à nouveau se mettre en travers du gouvernement, comme elle l’a fait lors du précédent projet de loi, au mois de juillet. Une opposition, certes, toute symbolique mais les débats promettent d’être vifs alors que la grogne monte contre les restrictions. Dans une tribune publiée initialement dans Le Parisien la semaine dernière, 35 chercheurs et médecins de renom s'en prennent ouvertement à la "communication anxiogène" du gouvernement et refusent d’être "gouvernés par et dans la peur". "Nous ne sommes pas en guerre mais confrontés à une épidémie qui a causé 30 décès le 9 septembre, contre 1.438 le 14 avril. La situation n’est donc plus du tout la même qu’il y a 5 mois", arguent-ils. Ils vont jusqu’à demander la refondation ou la suppression du conseil scientifique. La tribune comportait 160 signataires ce 17 septembre. Le message était semble-t-il passé : vendredi dernier, l'exécutif s'est refusé à de nouvelles restrictions, contre l'avis du conseil exécutif, et s'est contenté d'un appel "au sens des responsabilités" ( voir notre article). Mais ce jeudi, le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé que de nouvelles restrictions seront mise en place dès samedi à Lyon et Nice. Et que, si la situation ne s'améliore pas à Marseille et en Guadeloupe (déjà concernées par des restrictions), "il faudra sans doute prendre des mesures encore plus fortes" comme "la possible fermeture des bars" ou "l'interdiction des rassemblements publics". "Notre bagarre est de mettre en place des mesures pour éviter l'afflux sur l'hôpital, c'est une course contre la montre, il faut décider au bon moment, ni trop tôt car elles sont contraignantes, ni trop tard", a commenté le ministre, cité par l'AFP.

Si l’état d’urgence sanitaire avait été maintenu exclusivement à Mayotte et en Guyane au vu de la situation locale, un décret publié au Journal officiel le 17 septembre y a mis également fin. Ce décret a des implications indirectes sur les entreprises. Les TPE et indépendants ont en effet deux mois après la fin de l’état d’urgence pour pouvoir bénéficier des aides au titre du volet territorial du fonds de solidarité (voir notre article).

 

Références : projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire, n°3340 ; décret n° 2020-1143 du 16 septembre 2020 mettant fin à l'état d'urgence sanitaire à Mayotte et en Guyane, JO du 17 septembre 2020.