De nouveaux territoires passent au rouge, le Conseil d'État donne son feu vert au port - large - du masque

Dimanche chargé, avec la publication d'un décret ajoutant sept nouveaux territoires à la liste des "zones de circulation active du virus" et de deux décisions du Conseil d'État permettant aux préfets d'imposer le port du masque dans des "zones larges", au motif d'une plus grande simplicité de la mesure de police.

Alors que les "zones de circulation active du virus" continuent de s'étendre – par décret publié ce dimanche, la Corse, la Côte-d'Or, le Nord, le Bas-Rhin, la Seine-Maritime et La Réunion ont officiellement rejoint la "liste rouge" – le juge des référés du Conseil d'État est venu au secours des préfets en jugeant que ces derniers pouvaient imposer le port du masque dans "des zones suffisamment larges pour englober de façon cohérente les points du territoire caractérisés par une forte densité de personnes ou une difficulté à assurer le respect de la distance physique". Motif pris que la "simplicité" et la "lisibilité" de la mesure de police sont "nécessaires à sa bonne connaissance et à sa correcte application par les personnes auxquelles elle s’adresse".

À l'heure où l'État, central ou déconcentré, ne cesse de renforcer l'obligation du port du masque (v. notre article), plusieurs tribunaux administratifs avaient en effet imposé ces derniers jours aux préfets de revoir leur copie, jugeant leurs mesures trop "générales et absolues". Comme celui de Lyon à l'égard des arrêtés du préfet du Rhône imposant le port du masque sur les villes de Lyon et Villeurbanne ou celui de Strasbourg à l'égard de l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin l'imposant à Strasbourg et dans douze autres villes du département (le tribunal de Pau* validant à l'inverse un arrêté de la préfète des Landes dont l'obligation était circonscrite dans le temps et l'espace). Suivant la jurisprudence classique, confortée par de très récentes décisions.

Le préfet doit pouvoir viser large

Une interprétation stricte sur laquelle est donc quelque peu peu revenu le Conseil d'État, pour des raisons pratiques. Le préfet doit pouvoir viser large, "de sorte que les personnes [...] puissent avoir aisément connaissance de la règle applicable et ne soient pas incitées à enlever puis remettre leur masque à plusieurs reprises au cours d’une même sortie". Il juge en conséquence que "c’est à tort" que le tribunal administratif de Lyon a enjoint au préfet du Rhône d'exclure "de l’obligation du port du masque tous les lieux des communes de Lyon et de Villeurbanne qui ne sont pas caractérisés par une forte densité de personnes ou par des circonstances locales susceptibles de favoriser la diffusion du virus, ainsi que les périodes horaires durant lesquelles aucun risque particulier de propagation du virus n’existe". De même considère-t-il que "la préfète du Bas-Rhin ne peut être regardée comme ayant porté une atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale en n’excluant pas de l’obligation du port du masque certaines périodes horaires, qui ne pourraient être qu’une période nocturne d’un intérêt très limité".

Pas de blanc-seing, mais une inflexion paradoxale

Le Conseil d'État ne donne pour autant un blanc-seing aux préfets. Ainsi, le nouvel arrêté préfectoral du Bas-Rhin devra-t-il limiter l’obligation de port du masque aux seuls "périmètres permettant d’englober de façon cohérente les lieux caractérisés par une forte densité de personnes ou une difficulté à assurer le respect de la distance physique". De même, juge-t-il "qu'eu égard à l’étendue du territoire concerné", le nouvel arrêté rhône-alpin devra exclure les personnes pratiquant des activités physiques ou sportives de l'obligation du port du masque. 

Cette inflexion, qui pourra apparaître légère, n'en reste pas moins quelque peu paradoxale alors que la situation sanitaire est – c'est heureux – sans commune mesure avec celle qui prévalait lors du confinement. Rappelons en effet qu'au plus fort de la crise sanitaire, les juges du Palais-Royal avaient suspendu l'exécution de l'arrêté du maire de Sceaux prescrivant le port du masque en jugeant notamment que "la concentration des commerces de première nécessité dans un espace réduit" ne pouvait être regardée comme exigeant "que soit prononcée sur [le] territoire, en vue de lutter contre l'épidémie de covid-19, une interdiction de se déplacer sans port d'un masque de protection". Le juge avait également considéré à l'époque qu' "en laissant entendre qu'une protection couvrant la bouche et le nez peut constituer une protection efficace, quel que soit le procédé utilisé, l'arrêté est de nature à induire en erreur les personnes concernées et à introduire de la confusion dans les messages délivrés à la population par ces autorités"...

Le masque étend son emprise

Ces décisions devraient conforter les positions préfectorales... qui n'avaient guère besoin de l'être. Si, indique l'AFP, le préfet de Seine-Maritime a certes abrogé vendredi un arrêté rendant obligatoire le port du masque dans les 71 communes de la métropole de Rouen pour le limiter à 44 communes, relevons en effet que le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé ce samedi de rendre le port du masque obligatoire dans l'espace public, de 6h00 à 22h00, dans l'ensemble des "zones urbanisées ou agglomérées" (suivant la définition de l'agglomération du code de la route, "soit la partie de la commune de?limite?e par des panneaux de localisation annonçant l’entrée et la sortie d’agglomération") du département (et de fermer par ailleurs restaurants, débits de boissons et commerces d'alimentation de 00h30 à 6h00 dans tous les communes).  Une décision qui satisfera peut-être le maire de Grans, qui avait vu lui aussi récemment l'exécution de son arrêté municipal imposant le port du masque suspendue par le tribunal administratif. L'élu, qui souligne qu'il a suivi les directives préfectorales et qui, avec son équipe, "envisagent de démissionner", avait adressé une lettre ouverte au président de la République exhortant ce dernier à "protéger [ses] maires" et à bâtir "un arsenal législatif pour garantir la capacité d'actions des maires au nom de l'intérêt général".

*Le tribunal de Pau a en revanche suspendu l'exécution de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques, faute pour ce dernier d'avoir consulté au préalable l'agence régionale de santé.
 

 

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