Prévention - Une quarantaine d'associations d'aide aux victimes dans une situation critique
Les associations locales d'aide aux victimes connaissent de graves difficultés financières qui mettent leur avenir en péril. Les crédits du ministère de la Justice, qui représentent 30% de leurs sources de financement, ont baissé de 15% en trois ans. Ce qui a conduit au "retrait partiel si ce n'est total de certaines collectivités territoriales", alerte le Conseil national des villes, dans un avis du 17 janvier qui confirme le diagnostic de la Cour des comptes de l'an dernier.
Le pays compte 173 associations locales, installées le plus souvent dans des locaux municipaux : maison de la justice, point d'accès au droit... L'année 2011 a marqué un tournant : le déficit de financements des associations du réseau de l'Inavem (Institut national d'aide aux victimes et de médiation) qui compte la plupart d'entre elles s'élevait à environ un million d'euros. Une association sur deux se disait en déficit fin 2011. Depuis lors, 4 ont cessé leur activité, plusieurs sont en redressement judiciaire et 40 sont "en alerte". "Nombre d'associations ont concrétisé ce retrait des financeurs par des licenciements de personnels et des réductions d'actions", poursuit le CNV.
Des crédits captés par les bureaux d'aide aux victimes
Les Savu (services d'aide aux victimes en urgence) créés en 2002 pour mieux répondre aux situations de crise ne sont pas mieux lotis. Deux sur six ont déjà dû fermer. Mais les quatre restants sont aussi menacés, selon un rapport d'inspection resté confidentiel.
Officiellement pourtant, cette année, l'aide aux victimes devrait connaître une augmentation de 25% de crédits, dans un budget de la Justice qui fait partie des rares à avoir été sanctuarisés. Mais cet argent sera essentiellement capté par la création de nouveaux bureaux d'aide aux victimes (BAV) déployés depuis trois ans non plus auprès des collectivités mais directement au siège des tribunaux de grande instance. Au total, 165 bureaux sont programmés. Ils devraient ainsi passer de 50 à 150 dès cette année, indique la députée socialiste Nathalie Nieson, dans son avis sur "l'accès au droit et à la justice et l'aide aux victimes", présenté cet automne, dans le cadre du budget 2013. Deux millions d'euros sont prévus pour ces nouvelles créations, soit une subvention de 20.000 euros par bureau. "Un tel montant ne permet cependant pas à une association de couvrir le coût de l'emploi d'un juriste à temps plein", s'inquiète la députée. S'agissant des maisons de la justice et du droit, l'érosion continue : leurs crédits sont encore amputés de 180.000 euros cette année...
Il est crucial selon la députée que "les crédits de l'aide aux victimes ne servent pas exclusivement à la mise en place de nouveaux bureaux d'aide aux victimes au sein des juridictions et que soit soutenu un réseau dédié à l'aide aux victimes sur tout le territoire". Pour Nathalie Nieson, les deux structures sont complémentaires et l'une ne doit pas être négligée au profit de l'autre. La MJD propose "un accueil de premier niveau, souvent en amont d'une procédure judiciaire", alors que les BAV fournissent des informations liées à la procédure en cours, rappelle-t-elle.
Une contribution pour l'aide aux victimes
A l'instar du Comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD) qui préconise une remise à plat totale, le CNV réclame un débat national et appelle la tenue urgente d'un comité interministériel pour "sanctuariser" les financements. Selon le Conseil, "la diminution des financements et la limitation des objectifs de l'Etat vont aboutir à la spécialisation de l'aide aux victimes". Il constate que le retrait des collectivités n'est pas général. Certaines, "historiquement impliquées", ont pris le relai de l'Etat défaillant. "Les choix actuels renforcent les déficits de couverture nationale et renforcent les inégalités d'accueil des victimes entre villes riches et villes pauvres", souligne l'avis. Pour y remédier, le Conseil suggère l'élaboration d'un schéma de territoire national et local pour l'aide aux victimes. Le CNV propose également de réunir le Conseil national de l'aide aux victimes (Cnav) et de le doter d'un secrétariat général permanent et indépendant.
Parmi les solutions évoquées, la Chancellerie réfléchirait à la mise en place d'une "contribution pour l'aide aux victimes", assise sur le produit des amendes pénales comme le recommande l'Inavem, qui s'inspire du modèle mis en place au Québec. L'idée, défendue par Nathalie Nieson, consisterait à demander à toute personne coupable d'une infraction une contribution additionnelle à l'amende pénale afin de financer le service d'aide aux victimes.
La réorientation des crédits du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), jusqu'ici essentiellement tournés vers la vidéosurveillance, constitue une autre piste. C'est d'ailleurs déjà le cas à travers le financement des actions contre les violences intra-familiales. Mais cette montée en puissance remettrait en cause le leadership de la Justice au profit de l'Intérieur.