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Sécurité - Prévention : "les inégalités territoriales n'ont jamais été aussi fortes"

Les difficultés de mise en oeuvre du plan de prévention de 2009 sont encore très fortes, selon un nouveau sondage du Conseil national des villes réalisé auprès des coordonnateurs de CLSPD. Un quart des collectivités estiment que ce plan a permis de consolider leurs priorités. Et les deux tiers des maires ne font pas usage des nouveaux outils qui leur sont proposés.

Les récentes déclarations du secrétaire général du CIPD (Comité interministériel de prévention de la délinquance) devant le Congrès des maires (voir ci-contre notre article du 23 novembre 2011) pouvaient laisser présager une amélioration des politiques de prévention sur le terrain. Mais si l'on en juge par la journée d'échanges organisée par le Conseil national des villes (CNV), le 7 décembre, à Saint-Denis, on en est encore loin. Dans 66% des communes, ces outils n'ont pas été mis en place. C'est ce qui ressort d'un nouveau sondage (encore provisoire) réalisé auprès des coordonnateurs de CLSPD (contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance) de 36 collectivités (communes et agglomérations), représentant au total une centaine de communes. Les réticences des élus mises en exergue par le CNV dès 2009 et confirmées dans différentes enquêtes sont à peu de choses près toujours aussi prégnantes. Illustration avec les CDDF (conseils des droits et devoirs des familles) et la transaction, qui sont les deux outils les moins utilisés par les maires. 21,2% d'entre eux ont mis en place un CDDF, la mesure phare de la loi de 2007. Quant à la transaction et au travail rémunéré, ils tombent à 15,6% d'utilisateurs. A noter que le rappel à l'ordre fait mieux avec 44%, mais de nombreux maires estiment qu'ils en faisaient déjà avant la loi de 2007.

Partage de l'information

S'agissant des stratégies territoriales de sécurité et de prévention introduites par le plan de prévention de 2009 pour redynamiser des contrats locaux de sécurité jugés à bout de souffle, 45% des coordonnateurs les jugent utiles, mais 54,6% des collectivités n'y ont pas eu recours. Selon eux, elles n'apportent pas de vrais changements. Pire, selon Guy Hengen, coordonnateur du CLSPD de Bordeaux et membre du CNV, les stratégies sont parfois en contradiction même avec les orientations nationales. Et souvent, elles ne font pas l'objet de contractualisation de l'Etat, comme c'était le cas avec les contrats locaux de sécurité...
L'échange d'information semble lui aussi rencontrer des difficultés. En matière d'absentéisme scolaire, il fonctionne seulement dans 38,9% des communes. De même pour le partage d'information avec la police et la justice (36,4%). "On a des communes où l'on balance tout type d'informations, et d'autres qui sont confrontées à des situations de refus ; il n'y a pas de réflexion sur la nature de ce que l'on peut transmettre", témoigne une spécialiste de ces questions. Il semble que le plan de 2009 et ses déclinaisons départementales aient été préparés dans la précipitation. Exemple avec le correspondant ville-justice. "C'est un dispositif né en Seine-Saint-Denis : on a repris un concept interne mais on n'a pas expliqué à quoi il servait ni comment le financer", a témoigné Patrick Poirret, procureur au tribunal de grande instance de Strasbourg (auparavant en poste à Bobigny).

Effondrement des cofinancements

De manière plus générale, 30% des collectivités estiment que le plan de prévention n'a pas permis de consolider leurs priorités, contre 25% qui pensent le contraire. Et encore, ce taux de satisfaction est sans doute gonflé par le guide publié par le CIPD qui a pu avoir un effet d'entraînement sur les nouveaux coordonnateurs. "On assiste à une aggravation de la situation", résume ainsi le coordonnateur de Bordeaux.
Toutes ces incompréhensions pèsent lourdement sur le climat de travail, dans un contexte de pénurie budgétaire. Depuis trois ans, les collectivités ont connu une baisse de 30% des financements de l'Etat. Le sentiment le plus partagé est celui d'une incompréhension des arbitrages de ce dernier dans l'attribution des crédits de prévention à travers le FIPD (Fonds interministériel de prévention de la délinquance). La part toujours aussi importante consacrée à la vidéoprotection (60% des 51 millions d'euros du fonds en 2011) semble en décalage avec la réalité. Alors que les efforts d'équipement ont aujourd'hui été réalisés, les communes sont confrontées aux coûts de maintenance et de fonctionnement de ces dispositifs, coûts qui ne sont pas pris en charge par le FIPD. Quant à la part non consacrée à la vidéo, elle connaît un effondrement des cofinancements de l'Etat. Et aujourd'hui, la quasi-totalité des postes de coordonnateurs sont intégralement financés par les collectivités. Le CNV a par ailleurs identifié une trentaine d'actions de prévention non éligibles au FIPD qui vont de la prévention routière à la lutte contre les violences intra-familiales, en passant par la prévention de la récidive...

Stop and go

Par ailleurs, le mode de financement annuel du FIPD est jugé inadapté à la continuité que requièrent les actions de prévention, notamment pour le fonctionnement des associations. La situation est particulièrement inquiétante pour l'aide aux victimes, qui devait constituer le second volet du plan de prévention de 2009. Mais cette surenchère n'a pas été suivie de financements. Résultats : les associations sont dans le rouge. Un responsable de l'Inavem (fédération généraliste d'aide aux victimes) a lancé ce cri d'alarme : "On termine l'année 2011 avec plus de 50% des associations d'aide aux victimes en difficulté, 4 ont fermé et plusieurs sont en redressement judiciaire." La fin de l'éligibilité de l'aide aux victimes par le FIPD suscite de nouvelles craintes : la Justice pourrait être amenée à se concentrer sur les bureaux installés dans les tribunaux au détriment de ceux situés en mairie ou décentralisés dans les quartiers.
"Ces politiques de stop and go sont absolument destructrices, estime Nathalie Appéré, vice-présidente du CNV. Les inégalités territoriales n'ont jamais été aussi fortes."
Le CNV tiendra son assemblée générale le 15 décembre. Il décidera ou non d'arrêter une nouvelle recommandation. L'une de ses revendications est de mieux cibler le FIPD sur la politique de la ville, alors que les problèmes se concentrent dans une centaine de quartiers en très grande difficulté. Le CNV continue de plaider pour la tenue d'assises nationale de la prévention de la délinquance.
 

 

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