Une proposition de loi pour améliorer les missions des architectes des Bâtiments de France

Dans la foulée d'un récent rapport sur l'intervention des architectes des Bâtiments de France, une proposition de loi envisage de nouveaux outils pour faciliter le dialogue avec les élus, mieux informer sur les décisions et régler les litiges en amont.

Un peu plus de deux mois, c'est le temps qu'il a fallu au sénateur Pierre-Jean Verzelen pour traduire dans une proposition parlementaire de loi (PPL) certaines des préconisations de son rapport d'information relatif au périmètre d'intervention et aux compétences des architectes des Bâtiments de France (ABF).

Parmi les vingt-quatre pistes préconisées pour améliorer les rapports entre les ABF, les élus locaux et les porteurs de projets (lire notre article du 30 septembre), le sénateur de l'Aisne a choisi de mettre l'accent sur six recommandations requérant l'intervention du législateur mais n'ayant pas de portée financière.

Encourager les "périmètres délimités des abords"

L'article 1er de la PPL vise à encourager la généralisation des périmètres délimités des abords (PDA). Créés par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP), les PDA permettent de tenir compte des besoins de protection de chaque territoire en adaptant le périmètre protégé à une zone dans laquelle la covisibilité entre la construction envisagée et le monument à protéger fait consensus, au lieu d'appliquer une protection automatique dans un rayon de cinq cents mètres autour du monument. 

Alors que les contraintes qui y sont attachées n'ont permis de les déployer, à la fin 2022, que pour 6,5% des monuments historiques, il est proposé que les PDA, qui peuvent être mis en place à l'initiative des élus locaux, ne fassent l'objet que d'une seule consultation des communes concernées. Autrement dit, il est envisagé de supprimer l'enquête publique et la consultation du propriétaire ou de l'affectataire domanial du monument historique.

Mieux prévoir les avis des ABF

La PPL prévoit par ailleurs de reconnaître aux élus la possibilité d'assortir le PDA d'un règlement permettant de définir "de manière consensuelle" les règles applicables dans la zone protégée. Selon l'exposé des motifs, ce document permettrait de mieux prévoir les avis des ABF, par exemple en fixant les attendus touchant aux matériaux privilégiés pour les menuiseries, aux techniques d'isolation autorisées ou encore à l'aspect général des bâtiments. Un tel règlement devrait, cette fois, être adopté au terme d'une enquête publique, laquelle pourrait avoir lieu au moment de la mise en place ou de la révision des documents d'urbanisme.

Toujours afin de renforcer la prévisibilité des avis rendus par les ABF, la PPL prévoit d'en assurer la publicité. En l'état actuel du droit, ces avis ne sont pas rendus publics. Or, comme le constate Pierre-Jean Verzelen, ils constituent "une source d'information précieuse pour les services instructeurs, [...] notamment quand ils sont assortis de préconisations". L'article 2 demande donc que les avis rendus par les ABF dans le cadre d'une procédure d'autorisation préalable de travaux dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable soient publiés sur un registre national mis gratuitement à la disposition du public au format numérique.

"Exposer sereinement ses préoccupations"

L'article 3 tend à instaurer, dans le cas d'un avis de l'ABF défavorable ou favorable mais assorti de prescriptions coûteuses ou techniquement difficiles à mettre en œuvre, le règlement des dossiers litigieux en amont d'une procédure de recours. Ce règlement serait confié à une commission départementale, composée notamment des maires concernés, de l'ABF, du préfet de région et d'élus départementaux membre de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture. Il permettrait à chacune des parties prenantes "d'exposer sereinement ses préoccupations". Une solution qui, selon le sénateur de l'Aisne, a déjà été mise en œuvre de façon informelle et a, dans la majorité des cas, "permis d'apporter un règlement aux dossiers litigieux".

Enfin, considérant que les opérations de rénovation énergétique "donnent fréquemment lieu à des pratiques délétères pour le bâti patrimonial", Pierre-Jean Verzelen propose dans l'article 4 de la PPL d'ajouter "la réhabilitation des constructions existantes" au champ de l'intérêt public associé à l'architecture. Un tel ajout permettrait à ses yeux d'"affirmer que la rénovation respectueuse des spécificités du bâti ancien relève d'un objectif partagé entre tous les professionnels de l'architecture", mais aussi de "renforcer l'assise juridique des messages diffusés sur ce point" dans les avis des ABF, voire même de "mobiliser de nouveaux médiateurs pour ces enjeux auprès des pétitionnaires et des élus locaux".

Interrogé par Localtis, Pierre-Jean Verzelen indique qu'il a bon espoir de voir son texte inscrit à l'ordre du jour des prochaines "niches transpartisanes" ouvertes au Sénat en janvier 2025. En effet, les autres membres de la mission d'information relative au périmètre d'intervention et aux compétences des ABF devraient très prochainement cosigner cette PPL.