Une plage française sur cinq régulièrement polluée par des bactéries, selon une association
Une plage française sur cinq est régulièrement polluée par des bactéries et 5% d'entre elles sont "à éviter", selon une étude publiée ce 24 mai par l'association Eau et Rivières de Bretagne (ERB). Cette enquête s'accompagne d'une campagne grand public, "La Belle Plage", réclamant plus d'informations sur la qualité des eaux de baignade et exigeant des pouvoirs publics qu’ils identifient toutes les causes de contaminations et mettent en œuvre des solutions efficaces pour y remédier.
Au total, 93 plages (5,02%) sont "à éviter" et 316 "déconseillées" (17,04%) sur les 1.854 plages de l'Hexagone et de la Corse, d'après le classement publié ce 24 mai sur le site labelleplage.fr , à l'initiative d'Eau et Rivières de Bretagne (ERB). À l'inverse, la baignade est "recommandée" pour 690 plages (37,2%) et "peu risquée" pour 755 (40,7%).
Les plages les plus mal classées se trouvent dans les Alpes-Maritimes, le Nord, le Pas-de-Calais, le Calvados et la côte nord de la Bretagne. Des plages de Landunvez (Finistère), Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) ou Saint-Laurent-du-Var (Alpes-Maritimes) occupent la queue du classement. Les mieux classées se situent sur la façade Atlantique, en Occitanie et en Corse, avec des plages de Lège-Cap-Ferret (Gironde), Palavas-les-Flots (Hérault) ou Étel (Morbihan) dans le peloton de tête.
L'association a élaboré ce classement en se fondant sur les résultats d'analyses officielles, dont elle a tiré un nouvel indicateur, plus précis selon elle que celui publié sur le site baignades du ministère chargé de la santé (baignades.sante.gouv.fr ). Selon les chiffres de ce dernier, 92,4% des sites de baignade en eau de mer étaient classés d'excellente ou de bonne qualité en 2022.
Évaluation plus fine du risque sanitaire
"On a essayé de concevoir un autre classement avec les mêmes données. Car beaucoup de plages sont classées bonnes ou excellentes alors même qu'elles subissent des pollutions", a expliqué à l'AFP Christophe Le Visage, vice-président d'ERB. "Avec les concentrations de bactéries qu'on observe sur certaines plages, il y a des risques pour les baigneurs", observe-t-il.
L'association attribue une note sur 100 à chaque plage en évaluant le risque sanitaire pour chaque prélèvement effectué par les autorités : si 10% des prélèvements sont classés "moyen" ou "mauvais", la note est de 90. Ce classement crée ainsi quatre catégories de plages, où la baignade est "recommandée" (note égale ou supérieure à 95), "peu risquée" (entre 85 et 95), "déconseillée" (de 70 à 85) et "à éviter" (inférieure à 70).
Mieux signaler les plages interdites
L'association réclame plus d'information et de surveillance de la qualité des eaux de baignade. De l'État aux communes, elle appelle à une mobilisation des autorités publiques.
Elle propose ainsi aux mairies de matérialiser nettement l’accès des plages interdites, en informant par tous les moyens les usagers de ces plages - via un SMS sur les téléphones de la zone concernée, par exemple. Les collectivités en charge de la politique d’assainissement sont appelées à identifier chaque cause de contamination et à agir pour les faire cesser. L'Etat, lui, est invité à prendre "toutes les mesures utiles et pertinentes pour éliminer les sources de pollutions (en cessant par exemple d’autoriser les permis de construire si l’assainissement des eaux usées n’est pas conforme, en exerçant son pouvoir de police sur les zones à risque…)" et à contrôler les activités polluantes.
Plusieurs mesures pour limiter les risques liés aux effluents d'élevage
Eaux et Rivières de Bretagne demande aussi un meilleur encadrement des effluents d'élevage. "On investit des millions d'euros dans l'assainissement, alors que beaucoup de plages polluées sont situées dans des zones où il y a peu de touristes et peu d'urbanisation, comme en Bretagne Nord", remarque Christophe Le Visage, qui estime qu'une soixantaine de plages bretonnes sont touchées par des pollutions dues au lisier épandu dans les champs. "En termes de bactéries, un cochon c'est l'équivalent de trente humains", souligne-t-il. À Landunvez, sur la côte nord du Finistère, où cinq plages sont classées "à éviter" ou "déconseillées", c'est la multiplication des élevages de porcs qui est régulièrement pointée du doigt par les associations de défense de l'environnement. Une porcherie de 12.000 cochons a notamment été autorisée dans cette commune de 1.500 habitants, en dépit de plusieurs décisions de justice annulant son extension.
L'association appelle donc à déployer simultanément plusieurs mesures : "appliquer rigoureusement les règles existantes de gestion du stockage et de l’épandage" ; "proscrire les dérogations" ; "cartographier les épandages et les contrôler, a minima pour les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE)" ; "revoir le règlement sanitaire départemental (RSD) à l’aune de la pollution bactériologique (pour les exploitations qui ne sont pas sous le régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE)" ; "engager une politique de plan de gestion spécifique sur les bassins versants concernés à travers la création de zones à enjeux sanitaires (Zaes), en intégrant un volet agricole" ; "interdire les apports supplémentaires d’effluents d’élevage épandus sur les bassins versants où se situent des plages en catégories 'à éviter' et 'déconseillées' ; "privilégier, sur les bassins versants concernés, les pratiques d’élevage liées au sol comme le pâturage, dans le respect d’un chargement à l’hectare raisonnable (avec le calcul des jours de présence au pâturage), par rapport aux élevages hors-sol qui nécessitent des épandages".
Amélioration la gestion des eaux usées et des eaux pluviales
L'association appelle en outre à "poursuivre l’amélioration de la gestion des eaux usées" en veillant à remédier aux mauvais branchements, afin que les eaux usées des habitations aillent dans les réseaux dédiés et que les eaux de pluie n’y aillent pas. Elle propose aussi de prévoir un traitement supplémentaire dans les stations dont le rejet des eaux usées traitées risquent de polluer les eaux de baignade, de remédier aux réseaux de canalisations vieillissantes et en mauvais état, ainsi qu’aux stations de relèvements défectueuses, de promouvoir l’installation des réseaux séparatifs (eaux usées/eaux pluviales) et de supprimer les assainissements non collectifs rejetant directement en surface (fossés, cours d’eau, marais, littoral).
Elle préconise en outre d'agir sur les eaux pluviales grâce à des projets d’aménagement favorisant l’infiltration des eaux de pluie à la parcelle et de ralentir le chemin de l’eau en créant, par exemple, des talus et des haies. "Les collectivités doivent également désimperméabiliser dès à présent là où cela est possible (cours d’école, parkings filtrants, espaces le long des trottoirs, places publiques)", estime-t-elle.
Un suivi renforcé des plages à problème
L'association demande en outre un suivi des plages à problème toute l’année, avec au moins une analyse par mois selon un calendrier aléatoire, et un suivi complémentaire sur les virus. Alors que les pesticides ne sont pas suivis dans le cadre de la surveillance des eaux de baignade, elle juge aussi "intéressant" de réfléchir à un système de surveillance incluant ces paramètres avec des seuils permettant de signaler un risque sanitaire éventuel. Elle demande également une réactualisation tous les dix ans des profils de baignade des plages reconnues comme d’excellente qualité, ce qui est rarement fait aujourd'hui. Enfin, elle préconise de mettre en place un suivi épidémiologique des pathologies associées aux pollutions.