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Une nouvelle Assemblée à haute tension

Une faible majorité pour Ensemble!, des résultats en deçà des espoirs pour la Nupes, un Rassemblement national largement renforcé, une forte abstention, trois membres du gouvernement dont Amélie de Montchalin battus, des tractations en vue pour négocier les postes dans la nouvelle Assemblée... et, naturellement, de lourdes interrogations sur la façon dont l'exécutif va pouvoir faire passer ses réformes dans cette configuration inédite. Ce sont à grands traits les premiers éléments que l'on retiendra du second tour des législatives de ce 19 juin 2022.

À l'issue du second tour des législatives ce dimanche 19 juin, les candidats Ensemble! remportent 245 sièges, devant la coalition de gauche Nupes et ses alliés (131 sièges) et le RN qui réalise une percée historique (89 sièges). Le nouvel hémicycle comptera 37,3% de femmes, en recul par rapport à 2017 (39%). Le tout sur fond d'abstention, qui atteint 53,79%, un taux en hausse d'un point par rapport au premier tour (52,49%), mais inférieur au record de 2017 (57,36%). Très loin de la majorité absolue (établie à 289 sièges sur 577), l'exécutif devra donc composer avec une Assemblée nationale dans laquelle vont siéger deux oppositions puissantes.

Symboles de la bascule, les défaites du président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, battu dans son fief du Finistère, et du patron des députés LREM, Christophe Castaner, dans les Alpes-de-Haute-Provence, ou encore du rapporteur général du budget, Laurent Saint-Martin. Et celles de trois ministres, dont un poids-lourd du gouvernement Borne, Amélie de Montchalin, ainsi que de la ministre de la Santé, Brigitte Bourguignon, et de la secrétaire d'État chargée de la mer, Justine Bénin. Le gouvernement est donc promis à un remaniement. Olivia Grégoire, Olivier Véran, Clément Beaune, Stanislas Guerini, Olivier Dussopt, Damien Abad, Marc Fesneau, Gérald Darmanin, Yaël Braun-Pivet, Gabriel Attal et Franck Riester ont en revanche été élus. Et pari réussi pour plusieurs proches d'Édouard Philippe, dont Frédéric Valletoux, de même qu'Éric Woerth et les anciens ministres Joël Giraud, Barbara Pompili et Brigitte Klinkert.

Avec une majorité très relative, "il faudra faire preuve de beaucoup d'imagination" pour gouverner, a admis dimanche soir le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire. "La situation est inédite. Jamais l'Assemblée nationale n'a connu une telle configuration sous la Ve République. Cette situation constitue un risque pour notre pays", a pour sa part déclaré Élisabeth Borne, élue avec 52,3% des voix dans le Calvados, poursuivant : "Nous travaillerons dès demain à construire une majorité d'action. Il n'y a pas d'alternative à ce rassemblement pour garantir à notre pays la stabilité et conduire les réformes nécessaires." La porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire, avait déjà évoqué une "main tendue" : "On composera avec tous ceux qui veulent faire avancer le pays." "Nous allons très vite construire une majorité absolue à l'Assemblée nationale", a de même indiqué le ministre des Relations avec le Parlement, Olivier Véran, dont le rôle vient de prendre une ampleur nouvelle... "D'autres groupes nous permettront d'obtenir le quota de voix suffisant pour présenter les réformes et faire adopter les textes", a avancé l'ex-ministre de la Santé.

La cheffe du gouvernement, si elle se voit reconduite – elle doit, au moins pour la forme comme le veut l'usage, présenter sa démission –, va très vite mettre à l'épreuve cette "construction", l'exécutif ayant prévu de pousser avant les vacances d'été le projet de loi sur le pouvoir d'achat.  En sachant que dès dimanche soir, le député LFI Éric Coquerel a annoncé que l'opposition déposerait le 5 juillet "une motion de censure" qui, si elle était votée, obligerait à la démission du gouvernement. Jean-Luc Mélenchon, se félicitant d'une "déroute totale" du parti présidentiel, a pour sa part assuré que la Nupes allait "mettre le meilleur" d'elle-même "dans le combat" parlementaire.

Tractations à tous les niveaux

La France insoumise, qui présentait le plus de candidats (360) sous étiquette Nupes en vertu de sa troisième place à la présidentielle, remporte de 84 sièges, EELV en obtient 21 (100 candidats), le PS 21 (70 candidats) et le PCF aura 12 députés (50 candidats), pas suffisamment pour constituer un groupe. Avec, en marge de la Nupes, 22 députés sous étiquette divers gauche (dont les Ultra-Marins). "Nous sommes la deuxième force mais ce n'est pas suffisant, nous avions espéré mieux mais c'est un résultat encourageant", a estimé le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, qui a été réélu. "Nous allons continuer à travailler ensemble et à faire vivre l'intergroupe" de la Nupes, a-t-il ajouté. Le chef du PCF, Fabien Roussel, également réélu, s'est félicité que la gauche ait "rempli une part de sa mission" et devienne avec ses "quatre groupes" la première force d'opposition.

C'est notamment dans les duels de deuxième tour face à des candidats RN que la Nupes a été plus défaillante que prévu. Et c'est bien l'entrée en force du Rassemblement national qui constitue la grande surprise de ce deuxième tour, après une campagne en retrait. Le parti de Marine Le Pen, qui ne comptait que huit députés élus en 2017, pourra former un groupe parlementaire pour la première fois depuis 1986.

Les Républicains (LR), qui représentaient la deuxième force dans l'Assemblée sortante, conservent quelque 70 députés avec leurs alliés de l'UDI et des centristes. Le chef du parti, Christian Jabob, a d'emblée opposé une fin de non-recevoir aux possibles appels du pied de la macronie : "Nous sommes dans l'opposition, nous resterons dans l'opposition." LR est "au centre du jeu mais n'acceptera de gouverner que sur son programme", a aussi assuré le sénateur LR Marc-Philippe Daubresse. Le maire LR de Meaux, Jean-François Copé, a au contraire appelé à un "pacte de gouvernement", tout comme la présidente des Pays de la Loire, Christelle Morançais, a estimé souhaitable de "bâtir avec Emmanuel Macron un contrat de gouvernement". Débats animés en vue, donc, au sein du parti qui réunit son conseil stratégique ce lundi après-midi.

Ces résultats du second tour, inédits sous la Ve République, ouvrent dès maintenant une période délicate de tractations à tous les niveaux pour négocier les postes de responsabilités dans la nouvelle Assemblée qui doit se mettre en place le 28 juin. Il a entre autres beaucoup été question dimanche soir de la présidence de la commission des finances, qui doit revenir au premier groupe d'opposition. Ira-t-elle au Rassemblement national ? Théoriquement oui, sachant que l'accord de la Nupes prévoit bien des groupes distincts pour chacune de ses composantes, et un "intergroupe". Nous serons "unis dans la diversité", disait ce lundi matin une représentante d'EELV, dont le numéro 1, Julien Bayou, fera son entrée à l'Assemblée après sa victoire à Paris. Une coalition à géométrie variable au fil des travaux parlementaires ?

Pour Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel, le second mandat d'Emmanuel Macron sera "un quinquennat de négociations, de compromis parlementaires", où "le rôle du Parlement sera réhabilité", ce qui ne serait pas nécessairement une mauvaise chose, sachant que "c'est la pratique de tous les autres pays européens".

 

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