Archives

Outre-mer - Une économie sous perfusion

Près d'un mois après le début du mouvement de grève qui paralyse la Guadeloupe, la future loi pour le développement économique de l'Outre-Mer, dans les cartons depuis plus de deux ans, n'est toujours pas à l'ordre du jour du Parlement. Elle revêt aujourd'hui un caractère d'urgence.

Sortir de "l'économie de comptoir". L'expression est de Yves Jégo, le secrétaire d'Etat à l'Outre-Mer, qui n'a de cesse depuis qu'il est à l'hôtel de Montmorin de dénoncer les relations "post-coloniales" qu'entretient la métropole avec ses collectivités ultramarines. Alors que la Guadeloupe est en grève depuis un mois et que le mouvement "contre la vie chère" risque de s'étendre à la Martinique, à la Guyane (déjà touchée par un mouvement semblable en décembre dernier) et à l'île de la Réunion, la future loi pour le développement économique de l'Outre-mer (Lodeom) se fait toujours attendre.  "Nous voulons voir comment dans le cadre de cette loi, on peut développer l'économie de la Guadeloupe, touchée par deux crises, la crise économique mondiale et la crise sociale", a déclaré Yves Jégo sur France Inter, lundi, précisant : "Nous révisons actuellement les paramètres de cette loi pour apporter aux entreprises les plus fragiles le meilleur soutien, non pas pour déterminer le montant des salaires, mais pour soutenir une économie fragile." Annoncé pour le 10 mars, l'examen du texte pourrait encore être reporté, le calendrier parlementaire ayant pris du retard. Une conférence des présidents de groupes devrait se tenir mardi matin à l'Assemblée pour décider de l'agenda des jours à venir.
Cette loi programme qui prévoit d'injecter 10 milliards d'euros sur cinq ans dans l'économie ultramarine est en réalité dans les cartons depuis deux ans. Le prédécesseur d'Yves Jégo, Christian Estrosi, en avait déjà exposé les principes en juin 2007 annonçant la création de zones franches globales d'activités avec des exonérations spécifiques pour chacun des quatre DOM (Guyane, Martinique, Guadeloupe et Réunion).

 

Entre 20 et 25% de chômage

Crise économique oblige, plusieurs mesures de soutien ont d'ores et déjà été décidées pour venir en aide aux DOM, comme l'anticipation à 2009 au lieu de 2010 du versement du revenu de solidarité active (RSA). Certaines figurent dans le budget 2009 en application du plan de relance : aide au logement social, défiscalisation de l'investissement productif, soutien à l'emploi avec un recours accru aux emplois aidés qui devraient passer de 27.000 en 2008 à près de 35.000 en 2009. En septembre 2009, des billets d'avion à tarif social seront instaurés pour assurer la "continuité territoriale".
Autant de coups de pouce qui font office de rapiéçage dans une économie sous perfusion. Ce qui rend d'autant plus criante la nécessité d'un plan global pour l'économie locale comme le prévoit la Lodeom. Avec des niveaux de chômage qui oscillent entre 20 et 25% de la population active, les quatre DOM ont les taux les plus élevés d'Europe, selon les chiffres d'Eurostat, l'office statistique de l'Union européenne. 80% des habitants sont éligibles au logement social. Malgré une croissance de 3,5% ces dernières années, le PIB y est inférieur à 75% de la moyenne de l'UE. Les DOM français bénéficient à ce titre des fonds de "convergence" européens (trois milliards d'euros sur sept ans) et de plus de souplesse dans l'attribution de subventions.
La Guadeloupe, premier territoire touché par les grèves, est également la région de l'UE connaissant le plus de chômage des jeunes (15 à 24 ans), avec 55,7%. Or, les grèves, ajoutées à  la crise mondiale pourraient être lourdes de conséquences pour l'économie de l'île. Le Medef-Guadeloupe estime qu'entre 8.000 et 12.000 emplois, sur 79.000, pourraient être supprimés. Sur le plan touristique, la situation est là encore très préoccupante. La fréquentation des hôtels est en chute libre. Selon le président de la Fédération hôtelière, Nicolas Vion, "le taux d'occupation est de 20 à 30% au lieu de 90 à 100 %". Même constat pour le cabinet spécialisé Protourisme qui estime à 10 millions d'euros par semaine le coût pour l'économie touristique de l'île depuis le début de la grève.

 

Réunion avec le secteur touristique

"Sur les 15.000 lits marchands normalement occupés en cette saison, les deux tiers sont vides", a déclaré Didier Arino, le directeur du cabinet, vendredi. Or, a-t-il précisé, "les réservations étaient en hausse de 8% cette année", notamment grâce à une récente "amélioration de la qualité de l'offre". Le tourisme figurera parmi les secteurs prioritaires de la Lodeom, aux côtés de l'agriculture, de la pêche, des TIC... Le secrétaire d'Etat au commerce, Hervé Novelli, co-présidera mardi avec Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des Transports, une réunion de travail avec les tour-opérateurs et les transporteurs aériens pour trouver des solutions aux clients empêchés de se rendre en Guadeloupe. Hervé Novelli réunira dans les prochaines semaines l'ensemble des acteurs du tourisme aux Antilles pour analyser les conséquences de la crise et "mettre en place les actions susceptibles de soutenir la filière touristique déjà très affectée par le ralentissement général de l'économie".
Sur le terrain, la situation est de plus en plus tendue alors que les négociations avec l'Etat et le patronat sur la question de la revalorisation de 200 euros des bas salaires sont au point mort. Le président socialiste du conseil régional de Guadeloupe, Victorin Lurel, et le président apparenté socialiste du conseil général, Jacques Gillot, ont lancé un appel au calme samedi, proposant une "prime salariale" mensuelle de 100 euros (50 pour chaque collectivité) pour tous les salariés touchant moins de 1,4 fois le Smic, pendant trois mois. Proposition aussitôt rejetée par le LKP (Ensemble contre la surexploitation) à l'origine du mouvement. La semaine s'annonce déterminante pour l'avenir de la Guadeloupe et des DOM français.

 

Michel Tendil

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis