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Politique de la ville - Une dotation politique de la ville ? François Lamy en rêvait, François Pupponi fournit les arguments

François Pupponi a remis discrètement, mercredi 19 juin, son rapport de mission "Péréquation et politique de la ville" au ministre délégué à la Ville, François Lamy. Le député-maire de Sarcelles suggère sans surprise la création d'une dotation politique de la ville (DPV), la justifie par pléthore d'arguments financiers et en esquisse les contours. Ce qui l'oblige à aborder le sujet de la répartition des rôles et des crédits entre EPCI et communes membres...

Le rapport Pupponi remis le 19 juin à François Lamy compte 45 pages, dont 34 de diagnostic indigeste pour les néophytes, tendant à démontrer que "les EPCI jouent imparfaitement leur rôle dans la réduction des inégalités territoriales". Les mécanismes de péréquation au niveau national ne sont pas mieux lotis : les territoires de la politique de la ville les plus défavorisés, certes, en bénéficient, "mais les moyens qui leur sont dédiés sont limités".
Suivent une dizaine de pages de "recommandations" pour changer cela : en créant au niveau national une dotation politique de la ville (DPV) en faveur des futurs quartiers prioritaires (*) ; et en renforçant au niveau local la solidarité intercommunale. Rien de vraiment nouveau en somme, depuis le Comité interministériel des villes du 19 février dernier  (voir notre article du 19 février 2013) et la convention signée entre le ministère de la Ville et l'Assemblée des communautés de France (voir notre article ci-contre du 28 mai 2013).
Rien de nouveau, certes, sur les principes, mais des précisions opérationnelles sont apportées afin d'inspirer François Lamy pour la prochaine loi de finances pour 2014, et peut-être également pour la loi de réforme de la politique de la ville qui devrait être présentée en Conseil des ministres cet été.

Pas de quartier prioritaire, pas de DPV…

Le CIV l'avait annoncé : ne seraient éligibles à la future dotation politique de la ville (DPV) que les EPCI dont une commune membre au moins disposerait d'un quartier prioritaire ("prioritaire" au sens du futur projet de loi Lamy - voir notamment notre article du 11 juin). La DPV serait alors versée sur la base d'un "diagnostic des inégalités" et dans le cadre du contrat de ville nouvelle formule 2014-2020 signé avec l'Etat. Une clause de "revoyure" du contrat étant prévue à mi-parcours (soit au bout de trois ans), l'Etat pourrait suspendre sa DPV en cas de non-respect des engagements inscrits dans le contrat.
Dans l'esprit de François Pupponi, un EPCI incluant au moins un quartier prioritaire ne devrait pas pouvoir refuser de contractualiser avec l'Etat. Aussi propose-t-il d'introduire, dans le cadre de la compétence "politique de la ville" des communautés, cette obligation de contractualiser.

… et pas de DPV sans DSC

La DPV, nationale, serait également conditionnée à l'existence d'une péréquation intercommunale incarnée par la dotation de solidarité communautaire. "La DSC est un vecteur important de mobilisation du droit commun au niveau local", considère François Pupponi, tout en reconnaissant que "l'efficacité des DSC demeure inégale et imparfaite" et qu'une réforme s'impose pour que les DSC soient "pleinement péréquatrices". "Un cadre fixant des critères obligatoires à prendre en compte et leur pondération pourrait être instaurée", se contente-t-il de proposer.
Facultative, la DSC est aujourd'hui instaurée dans seulement 68% des communautés d'agglomération et 25% des communautés de communes à FPU (fiscalité professionnelle unique), souligne le rapport Pupponi. Nul doute que la perspective de prétendre à la DPV boostera ces pourcentages. Et d'autant plus si, comme le suggère l'élu francilien, les EPCI pourront déduire la DSC de la contribution au Fpic (Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales).
Quoi qu'il en soit, la DSC de l'intercommunalité ne saurait suffire. "Il faudra également prendre en compte les investissements réalisés au profit des territoires de la ville afin de tenir compte de tous les efforts réalisés par l'intercommunalité au profit de ces territoires", ajoute le rapport, appelant en outre à ce "que tous les efforts de solidarité intercommunale, quels que soient les instruments utilisés (dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, etc.) soient pris en compte dans le cadre de la péréquation nationale et dans le calcul des contributions de chacun aux dotations nationales".

Une dotation sans fléchage

Les EPCI seraient libres d'utiliser la DPV comme bon leur semble, pourvu qu'elles respectent leur engagement de réduction des inégalités territoriales formalisé dans le contrat. En clair, "aucun fléchage de la dotation ne leur serait imposé".
"Les conditions de répartition des crédits de la DPV entre l'EPCI et ses communes membres restent à déterminer", reconnaît François Pupponi dans son rapport. Sa conviction à lui est que "plutôt que de fixer une règle générale, il conviendrait de laisser aux collectivités concernées le soin de fixer ces conditions", dans le cadre du contrat de ville. Il envisage par exemple une clause de reversement de la DPV à une commune pour les cas où celle-ci exerce tout ou partie des compétences financées par la DPV.
La répartition des compétences politique de la ville serait, elle aussi, définie dans le futur contrat de ville. Que l'EPCI assure le pilotage du contrat de ville ne devrait pas empêcher les communes membres d'intervenir, par exemple, sur les programmes de réussite éducative qui relèvent de la politique éducative (donc de la compétence des communes).

Supprimer la notion d'intérêt communautaire ?

François Pupponi émet l'idée de supprimer la notion d'intérêt communautaire pour les communautés d'agglomération, ayant constaté que, dans le domaine de la rénovation urbaine notamment, certaines d'entre elles se retranchaient derrière pour ne pas agir dans les quartiers. Il estime que cela contribuerait à "renforcer leur rôle en matière de politique de la ville et à clarifier leur champ de compétence au regard des communes membres, tout en maintenant le rôle des maires dont les compétences propres sont transverses à la politique de la ville".
Par ailleurs, il suggère que dans des territoires "où la dynamique intercommunale peut être moins structurée, comme en Ile-de-France ou dans les départements d'outre-mer", les EPCI pourraient confier des "délégations sectorielles" aux communes membres. Mais attention, prévient-il, à ne pas "reproduire les mêmes problèmes que ceux pointés pour l'intérêt communautaire, notamment le manque de clarté dans la répartition des rôles de chacun".

Un débat d'orientation budgétaire dans les EPCI

En revanche, il lui semble "important" qu'un EPCI et ses communes membres puissent s'associer pour financer la réalisation ou le fonctionnement d'un équipement. Ce système de "cofinancement" d'équipements en matière de politique de la ville est d'ores et déjà possible dans le cadre de fonds de concours pour chaque catégorie d'EPCI à fiscalité propre, mais il gagnerait, selon François Pupponi, "à être appréhendé de façon spécifique pour la politique de la ville, par exemple dans le cadre du débat d'orientation en amont du vote du budget".
Ce débat annuel d'orientation sur la politique de la ville, organisé au niveau de l'EPCI, permettrait "aux représentants de chaque commune de s'assurer de la juste répartition des crédits, et notamment de la future DPV à l'échelle de l'EPCI", défend le député.
Il suggère également de créer une annexe dans la nomenclature budgétaire qui informerait l'assemblée délibérante de l'utilisation des recettes.
De son côté, l'Etat s'engagerait dans un processus d'évaluation continue des nouveaux contrats de ville. Le suivi annuel des contrats serait assuré par le représentant de l'Etat dans le département et les services déconcentrés de l'Acsé. La clause de revoyure des contrats de ville permettrait quant à elle, à l'Etat et à l'EPCI, tous les trois ans, de faire le point à la fois sur la réalisation des objectifs inscrits aux contrats (voir de les réorienter) et sur l'état des inégalités au sein des territoires concernés.

D'où viendrait l'argent de la DPV ?

Pour la mise en place et l'abondement de la DPV, deux scénarios sont envisagés, selon le destin de l'Acsé (le CIV du 19 février envisageait de "rapprocher" l'Acsé et le secrétariat général du comité interministériel des villes/SGCIV).
Dans le premier scénario, les crédits du programme 147, habituellement versés aux associations par l'Acsé, seraient intégrés dans une enveloppe globale et les associations devraient alors négocier localement leur subvention avec l'EPCI et/ou les communes membres.
Dans le second scénario, l'enveloppe des crédits du programme 147 destinée aux associations serait sanctuarisée en dehors de la DPV ; l'Acsé continuerait de gérer selon le modèle actuel les crédits du programme 147. "Un mode dual de gestion des crédits politique de la ville serait mis en place", commente le rapport.
Dans les deux cas, la DPV serait abondée par la totalité des crédits de la DDU, la dotation de développement urbain (qui représente 75 millions d‘euros en 2013), du programme 147 destinés aux actions territorialisées et aux dispositifs spécifiques de la politique de la ville (333 millions d'euros en 2013) et s'adjoindrait un "apport budgétaire complémentaire" encore à définir. 

Valérie Liquet

(*) Pour rappel, la liste des quartiers prioritaires sera établie dans le cadre du projet de loi Lamy. Le ministre table sur environ 1.000 quartiers prioritaires, auxquels s'ajouteraient 200 quartiers "très" prioritaires.