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Biodiversité - Un rapport sénatorial juge nécessaire de revoir les actions visant les zones humides

Un rapport d'information sur la politique des zones humides élaboré par Joël Bourdin, sénateur de l'Eure, vient d'être mis en ligne sur le site du Sénat. Avant d'esquisser un bilan des politiques mises en oeuvre depuis 1995, ce document,  réalisé au nom de la délégation pour la planification, revient d'abord sur le rôle de ces espaces. Outil de régulation du débit d'un cours d'eau, une zone humide épure aussi naturellement les eaux usées, permet de stocker de l'eau potable et représente généralement un réservoir de biodiversité.
Sa protection est à la fois encadrée par le code de l'environnement (article L.211-1), par des "régimes juridiques non spécifiques" - réserves et parcs naturels, zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique (Znieff) - et des instruments juridiques transnationaux tels que Natura 2000 ou la convention Ramsar. Par ailleurs, sa gestion peut être soutenue par un dispositif d'exonération à l'oeuvre depuis la loi sur le développement des territoires ruraux de 2005. Celle-ci permet une exonération de 50% de la part communale et intercommunale de la taxe foncière sur les propriétés non-bâties (TFNB), dans le cas où un engagement de gestion respectueuse est pris par les maires sur des parcelles en zone humide (prés, landes). Problème : ce premier dispositif marche sur les plates-bandes d'un second qui vise à exonérer de la même taxe les terrains classés Natura 2000. Résultat : une complexité cadastrale et un certain flou de gestion. Certains chiffres existent néanmoins et, selon ce rapport, ces deux mesures croisées coûtent ainsi de 23 à 53 millions d'euros. Pour sa part, l'Etat a versé près de 840.000 euros aux collectivités en 2008. Le total des surfaces concernées est de 2 à 3 millions d'hectares.
Obstacle majeur : le déficit d'évaluation des pratiques existantes et le manque de cohérence des politiques entamées au regard de l'objectif fixé de préservation, de restauration de ces espaces. Inadéquats, les outils juridiques et financiers proposés par l'Etat n'assureraient pas leur pérennité, ni d'ailleurs celle propre à l'activité de leurs gestionnaires, d'origine très diverse. Cela peut être une commune, avec l'appui d'un conseil général, ou plus souvent une association syndicale autorisée. Surtout, le rôle des agriculteurs intervenant dans la qualité environnementale de ces espaces est devenu prééminent, même si l'empilement d'outils allant dans ce sens (opérations agro-environnementales, contrats territoriaux d'exploitation, contrats d'agriculture durable) n'a guère favorisé la lisibilité. Dès lors, pour Joël Bourdin, il y a "nécessité de reconsidérer les actions visant ces espaces" et de corriger cette "faible lisibilité des moyens publics" qui leur sont affectés.
Pour "relancer la politique publique sur les zones humides", le sénateur préconise qu'une priorité soit "donnée à une réécriture réaliste des règles de délimitation des zones humides et à l'accélération de la mise en application de la loi sur l'eau de 2006". Pour ce faire, "peut-être faudrait-il mettre à la disposition des collectivités des moyens supplémentaires pour hâter la réalisation des SAGE, qui permettent d'établir des règles concertées d'utilisation de l'eau d'un réseau hydrographique et conditionnent donc l'évolution des zones humides qui en dépendent", poursuit-il. Quant au dispositif d'aide dédiée, "il n'existe pas pour l'heure, mais on pourrait utilement s'inspirer du système d'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) mise en place dans le Marais poitevin", estime le sénateur. Selon lui, "les acquisitions foncières doivent rester limitées" et "ciblées principalement en périphérie des métropoles urbaines où la pression foncière est particulièrement forte". En outre, "la préférence pour un outil géré par les collectivités locales devrait prévaloir". Bon nombre d'entre elles disposant déjà d'un établissement public foncier (EPF) local pour mener à bien leur politique d'aménagement, les compétences de ces EPF pourraient être élargies "en temps que de besoin", suggère Joël Bourdin. 

 

Morgan Boëdec / Victoires-Editions