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Natura 2000 - Un rapport remis au Parlement européen dénonce "l'érosion dramatique" de la biodiversité

"Malgré l'entrée en vigueur de la directive Habitats en 1992, le réseau Natura 2000, quatorze années après sa création, n'a pas encore été pleinement réalisé. En raison des retards pris dans l'adoption des mesures de protection, l'érosion de la biodiversité dans l'UE a empiré de manière dramatique." C'est le constat alarmiste dressé par des experts indépendants dans un rapport remis le 1er octobre à la commission des pétitions du Parlement européen. Cette étude, qui avait été commandée par le groupe Verts du Parlement européen, s'appuie sur les cas de huit pays - Belgique, France, Allemagne, Pologne, Espagne, Suède, Roumanie et Royaume-Uni. Pour l'Hexagone, les auteurs du rapport se sont penchés sur les cas de trois sites : le TGV dans la vallée du Nied (Moselle), l'autoroute dans la vallée du Ciron (Gironde) et la ligne à haute tension dans les gorges du Verdon (Alpes-de-Haute-Provence).
Parmi les insuffisances relevées, les auteurs du rapport pointent le fait que quelques pays dont la France "ne disposent pas de régime de protection Natura 2000 prévoyant l'adoption de régimes préventifs en dehors de l'EAI" (évaluation appropriée des incidences, NDLR). Or, estiment-ils, "sans l'adoption de régimes de protection supplémentaires, le régime général préventif est insuffisant pour garantir la préservation sur le long terme des sites". Ils rappellent aussi que la majorité des sites étudiés abritaient des espèces prioritaires et qu'une balance des intérêts devait donc s'appliquer. Mais le plus souvent, notent-ils, "les autorités admirent d'emblée les avantages découlant des plans et des projets sans pour autant les questionner. Il en résulte que les autorités ne se donnèrent jamais vraiment la peine de mettre en balance ces avantages avec les inconvénients qui pourraient en découler pour la conservation des habitats naturels". Ils constatent ainsi pour la France que dans le "la construction d'une ligne à haute tension prévaut sur la conservation de marais salés (vallée du Nied, en Lorraine)" et que "la construction d'autoroutes prévaut sur la conservation des ZSC (zone spéciale de conservation)". Cependant, dans certains cas, "les juridictions administratives étaient plutôt favorables à faire pencher la balance en faveur des intérêts de la protection de la nature". Ainsi, "les inconvénients d'une ligne à haute tension traversant les gorges du Verdon en France ne pouvaient être éliminés par les avantages découlant du projet".
A partir de ces études de cas, les experts formulent plusieurs recommandations. Ils pressent d'abord les Etats membres de terminer le plus rapidement possible le classement et la protection de leurs sites. Car l'absence de statut de protection ou de plan de gestion aggrave l'érosion de la biodiversité et si un site n'a pas été correctement désigné, les mécanismes prévus par la directive Habitats ne peuvent être mis en œuvre. Le rapport demande aussi aux Etats d'"améliorer la qualité scientifique des EAI sur l'intégrité des sites" et d'appliquer "un processus décisionnel le plus transparent possible, notamment grâce à l'organisation de consultations du public aussi tôt que possible dans la procédure". "L'avis de la Commission européenne doit être sollicité lorsque l'on est en présence d'habitats ou d'espèces prioritaires", conseillent encore les rapporteurs qui veulent voir la Commission jouer "un rôle actif, le cas échéant en poursuivant en manquement devant la CJCE (Cour de justice des Communautés européennes) les Etats membres qui ne respectent pas la directive Habitats".

 

Anne Lenormand