Un projet de loi sur la résorption de l’habitat indigne avant la fin de l'année
Remis lundi 23 octobre à Patrice Vergriete, ministre du Logement, le rapport de la mission relative à la lutte contre l’habitat indigne menée par Michèle Lutz et Mathieu Hanotin liste 24 propositions visant à la fois à outiller les maires et à donner plus de marges de manœuvre aux acteurs privés, à commencer par les copropriétés. Le ministre a annoncé qu’un projet de loi sur le sujet serait présenté en conseil des ministres avant la fin de l’année.
Plus d'un million de personnes sont concernées par les copropriétés dégradées et l’habitat indigne, ce qui représente 400.000 logements : "C’est une question importante", a souligné Patrice Vergriete, ministre délégué au logement, lundi 23 octobre 2023, lors de la remise du rapport de la mission relative au renforcement de la lutte contre l’habitat indigne, conduite par Michèle Lutz et Mathieu Hanotin, respectivement maires de Mulhouse et de Saint-Denis. "Ce rapport transpartisan, d’intérêt général, a pour but de dresser un constat le plus objectif possible des difficultés auxquelles sont confrontées au quotidien les collectivités, a présenté Mathieu Hanotin. Avec cette idée générale qu’avec l’habitat indigne, nous sommes sur un problème spécifique et que pour le régler il faut des règles de droit adaptées."
Le maire de Saint-Denis a ainsi rappelé qu’actuellement, en matière d’habitat indigne, le droit est adapté aux situations de dégradation massive et irrémédiable : "Il nous manque des outils intermédiaires pour intervenir avant cette situation. Or entre les premiers arrêtés d’insalubrité et le traitement final par les expropriations dans le cadre de la DUP [déclaration d’utilité publique] Vivien [de la loi Vivien du 10 juillet 1970], on a des délais qui peuvent aller jusqu’à 20 ans." Ainsi, le premier des quatre volets autour desquelles sont organisées les 24 propositions du rapport vise à amplifier le pouvoir d’agir des collectivités pour des interventions plus rapides. La première mesure consiste ainsi à "permettre une expropriation foncière plus rapide des immeubles d’habitat indigne pouvant mettre en jeu la santé ou la sécurité des personnes". "Il s’agit de créer un droit ad hoc, d'expropriation spécifique à l’habitat indigne, en donnant la capacité à la puissance publique d’intervenir beaucoup plus tôt, dès que l’on constate que des obligations qui sont données aux propriétaires d’agir pour remettre en état leur immeuble ne sont pas respectées", a précisé Mathieu Hanotin.
Impliquer tous les acteurs
Le rapport préconise également d’instaurer une méthode nationale de décote pour l’évaluation des immeubles dégradés. "Ces décotes ne sont pas assez normées : on se retrouve avec des valeurs fixées par les juges de l’expropriation qui prennent très peu en compte la réalité de la qualité du bien mais se basent sur ce qui se passe autour, ce qui conduit parfois à récompenser les marchands de sommeil en leur donnant des sommes ahurissantes", a pointé Mathieu Hanotin.
Le deuxième axe (propositions 9 à 14) est de faciliter l’intervention des acteurs de l’habitat privé, à commencer par les copropriétés. "Si les maires sont en première ligne, la charge ne doit pas reposer sur la seule collectivité, il faut impliquer tous les acteurs, a souligné Michèle Lutz. Une proposition que nous souhaitons faire est d’encourager toutes les initiatives qui puissent assurer une intervention de qualité par le syndic en envisageant de confier cela à une forme de syndic de copropriété d’intérêt général." Les deux élus entendent également amplifier les dispositifs fiscaux type Denormandie visant à favoriser l’investissement privé dans l’habitat ancien dégradé, en l'étendant aux zones métropolitaines où les besoins sont les plus importants.
Renforcer les pouvoirs des inspecteurs de salubrité
Les propositions suivantes (15 à 21) portent sur la façon d’améliorer l’accompagnement et la protection des habitants, en particulier en élargissant les mesures de protection des occupants dès le premier signalement aux autorités compétentes. Enfin, pour lutter plus efficacement contre les propriétaires indélicats et les marchands de sommeil (propositions 22, 23 et 24), les deux élus souhaitent en particulier doter les inspecteurs de salubrité et les agents de la police municipale des pouvoirs d’enquête judiciaire en habitat indigne en partenariat avec la police nationale "afin de démultiplier les capacités d’agir", a pointé Mathieu Hanotin, sachant qu'"aujourd'hui, les polices municipales sont cantonnées dans le champ du constat et ne peuvent pas mener ces enquêtes".
L’objectif est vraiment de "simplifier et fluidifier une chaîne complexe", a pour sa part résumé Michèle Lutz, qui a insisté sur la dimension "boîte à outils" des 24 propositions. Une boîte à outils dont compte se saisir le gouvernement, a déclaré Patrice Vergriete, qui a d’ores et déjà annoncé la prolongation du dispositif Denormandie au-delà du 31 décembre 2023. S’agissant de son extension, "nous allons y travailler", a indiqué le ministre. Il a également assuré qu’"avant la fin de l’année, les mesures réglementaires et financières du rapport seront lancées. S’agissant des mesures à caractère législatif, l’objectif est qu’un projet de loi soit bouclé et présenté en conseil des ministres, également avant la fin de l’année". Ceci afin que le texte arrive en discussion au Parlement au premier trimestre 2024.