Logement : un guide opérationnel pour aider les maires à lutter contre l’habitat indigne
L’Association des maires de France (AMF) a présenté le 20 juin un nouveau guide pour accompagner les élus dans la lutte contre l’habitat indigne. Réalisé en collaboration avec le ministère de la Ville et du Logement, le Pôle national de lutte contre l'habitat indigne (PNLHI) et l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil), ce document décrit, de façon pédagogique et concrète, les différentes étapes de la procédure de traitement de l’habitat indigne.
Environ 420.000 logements du parc privé en métropole et 100.000 dans les départements et régions d’outre-mer sont qualifiés d’habitat indigne aujourd’hui. Pour lutter contre ce phénomène, les maires - et les présidents d’intercommunalité lorsque les pouvoirs de police spéciale leur ont été transférés conformément à ce que prévoit la loi Alur - jouent un rôle essentiel. S’ils disposent d’une panoplie de moyens d’agir en fonction du degré d’urgence de la situation, leur cadre d’intervention pour répondre aux enjeux sociaux, de sécurité et de santé publique soulevés par les situations d’habitat indigne est cependant "très complexe", a rappelé Thierry Repentin, secrétaire général adjoint de l’Association des maires de France (et président de l'Anah, l'Agence nationale de l'habitat), lors de la rencontre organisée le 20 juin 2023 par l’AMF sur la lutte contre l’habitat indigne.
"Il n’est pas toujours facile d’identifier quelles sont les procédures à mettre en œuvre en fonction des situations et quelles sont les responsabilités des différents acteurs impliqués", a poursuivi le maire de Chambéry (73), soulignant que l’habitat indigne constitue un "sujet de préoccupation majeur pour les maires", loin d’être restreint uniquement aux grandes villes.
Un outil pédagogique
C’est justement pour accompagner les élus le plus concrètement possible sur ce sujet que l’AMF, en collaboration avec le ministère de la Ville et du Logement, le Pôle national de lutte contre l'habitat indigne (PNLHI) et l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil), a élaboré un guide pratique intitulé "Le maire, le président d’intercommunalité et la lutte contre l’habitat indigne", présenté lors de la rencontre thématique du 20 juin.
"Nous avons souhaité qu’il contienne le maximum de modèles (arrêtés, documents juridiques et administratifs), a témoigné Chantal Mattiussi, directrice du PNLHI. Ce guide apporte tout le déroulé des modalités d’intervention des élus et de l’État, sachant que nous nous sommes focalisés sur les pouvoirs d’intervention des maires. Nous avons essayé faire un outil pédagogique, qui ne soit ni trop complexe, ni trop techno."
Organisé en six chapitres, il décrit, étape par étape, toute la procédure de traitement de l’habitat indigne, en essayant d’embrasser le plus grand nombre de situations et en présentant l’ensemble des dispositions juridiques en vigueur ainsi que les acteurs qui interviennent en complément des communes ou des intercommunalités (agences départementales d'information sur le logement, services de l’État, Parquet, agences régionales de santé…). Il donne également des informations sur les aides financières pour lutter contre l’habitat indigne (fonds d’aide pour le relogement d’urgence, aides de l’Anah et de l’Anru) et liste les outils permettant de mieux repérer les locaux concernés par ce phénomène. Le tout étayé de cas concrets, de focus et de points de vigilance.
Besoin de cohérence et de moyens
La rencontre de l’AMF a aussi été l’occasion de se pencher, dans un second temps, sur les freins à lever pour redonner aux élus du pouvoir d’agir face à ces situations. "Traiter les situations d’habitat indigne, ce n’est pas seulement traiter le logement mais c’est traiter la totalité des aspects et, notamment, la personne qui vit dans le logement, a témoigné Patrick Amico, adjoint au maire en charge de la politique du logement et de la lutte contre l’habitat indigne à Marseille. Tout cela nécessite une très grande cohérence, de gros moyens et une organisation très spécifique. A côté de cela, nous avons un cadre juridique, financier, administratif, qui ne permet pas d’avancer à la vitesse à laquelle nous voudrions avancer. Beaucoup de choses existent mais qui dépendent de règlements, de lois, de codes différents". Si les outils sont nombreux (permis de louer, plan de sauvegarde…), "la multitude de réglementations ne sont pas toutes homogènes, a confirmé Alain Couchot, premier adjoint au maire de Mulhouse (68), délégué au logement et au renouvellement urbain. Je pense notamment au code de construction de l’habitat, au code de la santé publique, au code de l’urbanisme… L’idée serait de pouvoir harmoniser les définitions".
Portage politique de long terme
"Un des sujets que nous portons est celui des moyens donnés aux collectivités", a indiqué pour sa part Katy Bontinck, première adjointe au maire de Saint-Denis (93), rappelant que la lutte contre l’habitat indigne entraîne des procédures longues et très couteuses pour les collectivités. À ce titre, "l’une des premières difficultés est de pouvoir faire fonctionner les services d’hygiène et de santé (SHS) pour aller mettre les personnes en sécurité, a-t-elle ajouté. Or la dotation des SHS n’a pas été revue depuis 1983, quel que soit le parc dégradé". Une situation qui entraîne d’importantes disparités territoriales, a pointé l’élue.
Autant de questions portées dans le cadre de la mission sur la lutte contre l’habitat indigne confiée en mai dernier par le ministre de la Ville et du Logement à Michèle Lutz, maire de Mulhouse, et Mathieu Hanotin, maire de Saint-Denis. Ce dernier, présent lors de la rencontre, est également à l’initiative avec son homologue de Marseille, Benoît Payan, de la naissance du Réseau des villes contre l’habitat indigne, dont le lancement a été officialisé le 20 juin dans le cadre de la rencontre de l’AMF avec la diffusion d’un "appel à mobilisation" (voir ci-dessous). L’idée est de "réussir à fédérer les communes et leurs EPCI, leurs EPT, qui ont les mains dans le cambouis, sont dans l’opérationnalité, pour développer des ingénieries communes, pour créer un lobby pour agir, défendre les intérêts des villes confrontées à ces problématiques", a expliqué Mathieu Hanotin, rappelant en outre que la lutte contre l’habitat indigne nécessitait un portage politique de long terme.
Initié en novembre dernier par Mathieu Hanotin et Benoît Payan, respectivement maires de Saint-Denis et de Marseille, le Réseau des villes contre l’habitat indigne a diffusé le 20 juin un appel à mobilisation recensant 20 propositions (à télécharger ci-dessous) "pour agir plus vite et plus fort pour un logement décent, abordable et durable pour tous". Six propositions visent à donner des moyens accrus à la puissance publique pour traiter durablement l’habitat indigne, avec, comme action phare, la création d’un régime d’expropriation publique qui reconnaît l’utilité publique des projets d’acquisition d’immeubles insalubres ou dangereux. Six autres propositions ont pour objectif de renforcer les moyens d’agir des copropriétaires, des syndics et architectes de copropriété, ainsi que des entreprises de travaux de réhabilitation, "acteurs indispensables à la réhabilitation du parc privé". Enfin, les huit dernières entendent contribuer à une "politique de tolérance zéro à l’encontre des propriétaires indélicats" en renforçant les actions coercitives à l’encontre des marchands de sommeil. |