Culture - Un projet de loi autorise les bibliothèques à numériser les œuvres orphelines
La ministre de la Culture et de la Communication a présenté, lors du Conseil des ministres du 22 octobre 2014, un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel. Le texte transpose en droit français trois directives de la Commission européenne.
"Mettre à disposition les œuvres orphelines"
L'une d'entre elles intéresse directement les collectivités et, plus précisément, les bibliothèques publiques. Elle transpose la directive 2012/28/UE du 25 octobre 2012 sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines. Ce terme recouvre des œuvres comme des livres, des articles de journaux et de magazines, ou encore des films, qui sont encore protégées par le droit d'auteur, mais dont les auteurs ne sont pas connus ou ne peuvent pas être localisés ou contactés afin d'obtenir leur autorisation. Faute d'un cadre juridique, ces œuvres orphelines risquaient de rester inexploitées, du moins jusqu'à leur basculement dans le domaine public.
Le projet de loi "permet aux bibliothèques accessibles au public de numériser et de mettre à la disposition de leurs usagers des œuvres appartenant à leurs collections et considérées comme orphelines [...]". Ces œuvres seront ainsi rendues accessibles au plus grand nombre, "grâce au support numérique et dans un cadre non lucratif". Cette possibilité de numériser les œuvres orphelines est également ouverte aux musées, aux services d'archives, aux institutions dépositaires du patrimoine cinématographique ou sonore, aux établissements d'enseignement et aux organismes publics de radiodiffusion.
Comme prévu par la directive, les œuvres concernées peuvent être publiées sous la forme de livres, revues, journaux, magazines ou autres écrits, ou se présenter sous la forme d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles.
Une mesure anticipée pour les livres
La France n'a toutefois pas attendu la transposition de la directive de 2012 pour se pencher sur la question des œuvres orphelines. La loi du 1er mars 2012 relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle a anticipé les dispositions de la directive européenne d'octobre 2012, même si son champ, plus restreint, se limite à la seule question des livres.
Dans le prolongement de la loi du 1er mars 2012, la Bibliothèque nationale de France (BnF) a lancé le projet ReLire, autrement dit le registre des livres indisponibles en réédition électronique. Accessible en ligne en accès libre et gratuit, ReLire répertorie les livres indisponibles du XXe siècle. Cette base de données s'enrichit une fois par an d'une nouvelle liste de titres.
Droits voisins et restitution des œuvres sorties illégalement du territoire
La transposition des deux autres directives européennes concerne moins directement les collectivités. La première - directive du 27 septembre 2011 modifiant la directive 2006/116/CE - porte de 50 à 70 ans la durée de protection des "droits voisins" [au droit d'auteur, NDLR], autrement dit les droits des artistes interprètes, des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle. Le projet de loi de transposition aligne ainsi la durée de protection des droits voisins sur celle des droits d'auteur, portant sur la production écrite. Selon la communication de Fleur Pellerin, il s'agit de tenir compte de l'allongement de l'espérance de vie, qui fait que "ces droits voisins des artistes interprètes viennent dorénavant à échéance du vivant de ces artistes, et à une période où ils n'ont généralement plus d'activité professionnelle" (et donc de revenus).
Enfin, la troisième directive transposée par le projet de loi - 2014/60/UE - concerne la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un Etat membre. Elle garantit cette restitution pour tout bien culturel considéré comme un "trésor national de valeur artistique, historique ou archéologique" ayant quitté illégalement son territoire après le 1er janvier 1993.