Un plan à 100 milliards d'euros pour moderniser le réseau électrique
Le réseau électrique français devra subir des travaux de développement et de modernisation évalués à environ 100 milliards d'euros d'ici 2040, pour répondre à son vieillissement et à la transition énergétique du pays, selon le nouveau schéma décennal mis en consultation ce 14 mars par RTE, le gestionnaire du réseau à haute tension. Le même jour, Gabriel Attal a annoncé aux associations environnementales qu'une "grande consultation" sous l'égide de la Commission nationale du débat public allait être lancée sur la stratégie énergie et climat de la France alors qu'une précédente consultation, dont le compte-rendu n'a jamais été publié, avait été organisée l'automne dernier et que le projet de loi sur l'énergie a disparu des radars, après avoir été amputé de son volet programmatique.
Le prochain schéma décennal de développement du réseau (SDDR) "a pour but de garantir que le réseau public de transport d'électricité est adapté aux objectifs de politique énergétique fixés par l'État", a expliqué RTE dans ses documents mis en ligne ce 14 mars. Le schéma est mis en consultation jusqu'au 30 avril prochain, à l'attention notamment des industriels et des territoires. Les réponses doivent être adressées par mail à l'adresse rte-concerte-bp@rte-france.com
La dernière édition de ce document, en 2019, prévoyait un budget de 33 milliards d'euros jusqu'en 2035. Depuis, l'État a redéfini ses orientations, souligne le groupe public : relance du nucléaire, accélération des renouvelables en mettant l'accent sur l'éolien en mer et le solaire, réindustrialisation via le développement de zones industrielles bas-carbone.
Programme de raccordements "sans précédent"
"En première analyse, les perspectives d'investissements d'ici 2040 sont de l'ordre de 100 milliards d'euros, en intégrant le renouvellement des infrastructures (...) qui constitue aujourd'hui le premier poste d'investissements de RTE", note le schéma. Parmi les grands travaux figurent la planification d'un programme de raccordements "sans précédent" (pour plus de 10 GW de production éolienne au large des côtes françaises entre 2032 et 2035, sans oublier les futurs réacteurs nucléaires) et le renforcement avant 2030 du réseau à très haute tension pour électrifier et accueillir de nouvelles industries dans les zones industrialo-portuaires (Dunkerque, Fos-sur-Mer, Le Havre-Port-Jérôme).
Renouvellement nécessaire des infrastructures
Le plan prévoit aussi la définition d'un programme de renouvellement des infrastructures, confrontées au changement climatique mais aussi au vieillissement (l'âge moyen des lignes aériennes est aujourd'hui de 55 ans et 20% ont plus de 70 ans). Un autre enjeu concerne la résistance aux agressions physiques et informatiques extérieures, indique le groupe public. "Il n'est plus possible de différer les renforcements structurels sur le réseau au risque de ne pas pouvoir raccorder les projets", avertit-il.
Le gestionnaire du réseau à haute tension appelle également les acteurs (industries, énergéticiens) à anticiper pour mieux mutualiser les équipements, et souligne qu'il faudra "un plan industriel pour renforcer la capacité de l'industrie européenne en général, et française en particulier, à produire les matériels nécessaires avec une optique de passage à l'échelle".
Stratégie attendue pour 2025
RTE publiera cette année une proposition de SDDR tenant compte des retours de la consultation publique et présentant une ou des stratégies industrielles de référence. Puis les autorités compétentes seront saisies, indique-t-il : la Commission de régulation de l'énergie pour valider la stratégie technico-économique et cadrer les investissements ; le ministre en charge de l'énergie pour vérifier la compatibilité avec les objectifs nationaux et analyser les enjeux de réindustrialisation ; la Commission nationale du débat public (CNDP) pour organiser la consultation du public sur la stratégie proposée et l'Autorité environnementale, qui se prononce sur l'analyse environnementale. La stratégie consolidée est attendue pour 2025.
Report du projet de loi sur l'énergie à une date indéterminée
A noter que pendant ce temps, la stratégie française pour l'énergie et le climat (SFEC), elle, n'est toujours pas arrêtée. Elle a été soumise à consultation publique l'automne dernier (lire notre article) mais son compte-rendu n'a pas été publié. Annoncé en conseil des ministres pour début février, le projet de loi sur l'énergie avait in fine été amputé en janvier de ses objectifs de production par énergie et de réduction des émissions de carbone, avant de disparaître des radars, sur fond de difficulté pour le gouvernement à former une majorité au Parlement autour des sujets d'énergies. Pour expliquer ce report du volet programmatique de la loi, Bercy, qui a repris le portefeuille de l'Energie, avait mis en avant une nécessité de "finaliser le travail de consultation sur notre stratégie pour l'énergie et le climat" et de "trouver de nouveaux consensus". Aujourd'hui le projet de loi est reporté à une date inconnue - il ne figure en tout cas pas à l'agenda parlementaire jusqu'à l'été.
Nouvelle consultation annoncée sur la stratégie énergie et climat de la France
Lors d'une réunion avec les associations environnementales qui s'est tenue ce 14 mars, Gabriel Attal leur a toutefois annoncé qu'une "grande consultation" sous l'égide de CNDP va être lancée sur la stratégie énergie et climat de la France. Elle portera sur "l'ensemble des deux plans, à la fois PPE (programmation pluri-annuelle de l'énergie) et SNBC (stratégie nationale bas carbone)", a indiqué Matignon à la presse, au lendemain de la rencontre. La PPE constitue la feuille de route énergétique du pays (quelles énergies, nucléaire et renouvelables, à horizon 2030 et 2035), et la SNBC, le plan pour réduire les émissions de carbone. "Le courrier de saisine partira prochainement", a affirmé Matignon, sans plus de détails ni sur le calendrier, ni sur l'organisation. "Ce qu'on attend maintenant c'est un portage politique de cette consultation par le Premier ministre et qu'il y ait un engagement à en tenir compte dans les documents finaux", a commenté auprès de l'AFP Anne Bringault, responsable transition énergétique du Réseau action climat.