Loi de programmation des finances publiques - Un objectif de 13 milliards d'euros d'économies, des contrats pour y parvenir
Après avoir été validée par le Conseil constitutionnel, la loi de programmation des finances publiques, qui fixe le cap budgétaire de la France pour les cinq années à venir, a été publiée le 23 janvier. Le volet du texte concernant les collectivités territoriales met fin à la baisse des dotations de l'Etat. Mais fixe pour le secteur public local un objectif exigent de 13 milliards d'euros d'économies à réaliser d'ici 2022 sur ses dépenses de fonctionnement. Les grandes collectivités territoriales vont dès maintenant négocier des contrats avec les préfets dans le but de s'approprier cette contrainte. Les autres collectivités ne sont pas concernées par la nouvelle méthode, mais devront aussi faire des efforts. Le point sur l'important défi budgétaire qui attend les collectivités dans les prochaines années tel qu'inscrit dans cette loi de programmation 2018-2022.
Les orientations pluriannuelles des finances publiques
S'élevant à 54,7% du PIB à l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée, les dépenses publiques devront s'établir à 51,1% à la fin de son mandat. Leur diminution de plus de trois points est au cœur de la stratégie de l'exécutif pour redresser les comptes publics. Devenues les bons élèves des finances publiques à la fin du précédent quinquennat, les collectivités territoriales apporteront encore dans les prochaines années une contribution essentielle à cet objectif.
Le gouvernement a défini en ce qui les concerne une cible d'économies de 13 milliards d'euros à la fin du quinquennat. Des économies qu'elles sont appelées à réaliser sur leurs dépenses de fonctionnement, afin de ne pas pénaliser l'investissement. Par rapport à une évolution moyenne annuelle des dépenses de fonctionnement des administrations publiques locales de 2,5% en valeur sur la période 2009-2014, les collectivités territoriales ne devront ainsi pas dépasser d'ici 2022 un objectif de croissance de 1,2% en valeur de leurs dépenses réelles de fonctionnement. Au regard des prévisions d'inflation inscrites dans la loi, les collectivités devront vraiment se serrer la ceinture. Si leurs dépenses de fonctionnement pourront légèrement croître en volume en 2018 et 2019 (respectivement de + 0,2% et + 0,1%), elles devront baisser en volume durant les années suivantes (- 0,2% en 2020 et - 0,55% en 2021 et 2022). Les économies réalisées devront être intégralement affectées à la réduction du besoin de financement des collectivités territoriales. Celui-ci doit par conséquent baisser de 13 milliards d'euros d'ici 2022.
Selon le rapport annexé à la nouvelle loi de programmation, les dépenses des administrations publiques locales (fonctionnement et investissement) diminueront d'environ 1 point de PIB sur l'ensemble du quinquennat, passant de 11,2% en 2017 à 10,1% en 2022, tandis que leurs recettes diminueront "dans des proportions moindres" (de 11,2% de PIB en 2017 à 10,8% en 2022). Ainsi, "leur solde s'améliorera fortement au cours des prochaines années".
Pour la période 2017-2019, au cours de laquelle la reprise de l'investissement public local devrait être tirée par le bloc communal, l'article 3 du texte prévoit un excédent de financement des collectivités territoriales de 0,1 point de PIB chaque année. Un résultat qui doit être multiplié par trois en 2020 (+ 0,3 point de PIB, soit 6,8 milliards d'euros). Puis respectivement par cinq (14,2 milliards d'euros) en 2021 et sept (19,5 milliards d'euros) en 2022. En inscrivant ces objectifs, le gouvernement a tablé sur un tassement des investissements des collectivités territoriales au début du prochain mandat municipal.
Conjugué à l'amélioration du déficit de la Sécurité sociale et des comptes de l'Etat, l'effort fourni par les collectivités territoriales doit permettre de ramener le déficit public de la France de -2,9% en 2017 à -0,3% à la fin du quinquennat. En sachant qu'en 2022, le budget de l'Etat et des autres administrations centrales resterait nettement déficitaire (-1,8% du PIB).
Quant à la dette publique, elle commencerait à refluer en 2020 (article 5). Sur le quinquennat, elle baisserait de 5,4 points de PIB (91,4% du PIB en 2022 au lieu de 96,7% en 2017). La participation des collectivités territoriales à cette dynamique doit être très importante : alors qu’en 2018, la dette des administrations publiques locales représente 8,4% de la dette publique globale, elle ne devra plus en représenter que 5,8% en 2022.
La participation des collectivités à la maîtrise des dépenses publiques et au désendettement
L'effort des collectivités territoriales en vue de l'assainissement des comptes publics ne passe désormais plus par la diminution des dotations de l'Etat comme sur la période 2014-2017. Les concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales s'élèveront durant tout le quinquennat à quelque 48 milliards d'euros par an (sans la fraction de TVA affectée aux régions). Ils seront donc stables (article 16).
Le nouvel exécutif a adopté une nouvelle méthode, fondée sur la contractualisation. L'article 29 prévoit que ce dispositif concerne spécifiquement les régions, la collectivité de Corse, les départements, la métropole de Lyon, les collectivités territoriales de Martinique et de Guyane, ainsi que les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre dont les dépenses réelles de fonctionnement comptabilisées dans le budget principal sont supérieures à 60 millions d'euros.
Le choix de prendre en compte les seules dépenses de fonctionnement des budgets principaux pose question à l'égard des EPCI à fiscalité propre, puisqu'en 2016, pour ces entités, les dépenses de fonctionnement des budgets annexes (9,7 milliards d'euros) ont représenté 41% des dépenses de fonctionnement des budgets principaux (23,4 milliards d'euros).
Au total, 340 entités représentant à elles seules plus des deux tiers des dépenses réelles de fonctionnement des budgets principaux du secteur public local sont concernées par le mécanisme de contractualisation. Au cours du premier semestre 2018, elles négocieront avec le préfet un contrat portant sur la période 2018-2020. Leur signature est ouverte aux autres collectivités et groupements à fiscalité propre qui le souhaitent. Mais, lors de la discussion parlementaire, le ministre de l'Action et des Comptes publics a fait savoir que, faute de moyens suffisants, les services de l'Etat ne pourraient "accéder à toutes les demandes" si la contractualisation "rencontre un vif succès."
"Nous voulons faire le pari d'une relation qui soit plus respectueuse de vos choix de gestion locale", déclarait le Premier ministre à l'ouverture du congrès des maires de France en novembre dernier. Le contrat qui doit traduire cet état d'esprit fixe des objectifs en matière d'amélioration du besoin de financement, d'une part, et s'agissant des dépenses réelles de fonctionnement du budget principal, d'autre part. Pour cette seconde priorité, un plafond est défini sur la base de l’objectif d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement prévu à l’article 13, soit + 1,2% en valeur. Lors de la négociation avec le préfet, il peut être modulé à la hausse ou à la baisse en fonction de trois types de critères : l'évolution de la population ; le revenu moyen par habitant ; enfin, l'évolution réelle des dépenses de fonctionnement sur la période 2014-2016. Dans le cas d'une adaptation à la hausse, peuvent également être pris en compte la tendance en matière de construction de logements et la proportion de population résidant dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville. La prise en compte de l'un des critères génère, selon qu'il s'agit d'un bonus ou d'un malus, une modulation de 0,15 point au maximum en plus, ou en moins. Les marges de souplesse ne peuvent donc excéder un total de 0,45 point en dessous ou au-dessus de 1,2% de croissance.
On notera également que l'évolution des dépenses réelles de fonctionnement des départements et de la métropole de Lyon est calculée en déduisant du montant des dépenses constatées "la part supérieure à 2% liée à la hausse des dépenses exposées au titre du revenu de solidarité active, de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap."
Par ailleurs, pour les collectivités et les établissements dont la capacité de désendettement dépasse un plafond variant entre neuf et douze années selon la catégorie à laquelle ils appartiennent, le contrat détermine "une trajectoire d'amélioration de la capacité de désendettement." Cette dernière ne revêt pas un caractère contraignant. A la suite de la réunion de la conférence nationale des territoires du 14 décembre dernier, le gouvernement est en effet revenu sur le renforcement de la "règle d'or" qu'il voulait initialement imposer aux collectivités, mais contre laquelle l'ensemble des associations d'élus locaux bataillait.
Si la collectivité ou le groupement signataire respecte les objectifs qui lui sont fixés, le préfet lui accorde une majoration du taux de subvention pour les opérations bénéficiant de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Dans le cas où le signataire ne respecte pas le plafond d'évolution des dépenses de fonctionnement, il se voit appliquer l'année suivante une "reprise financière" égale à 75% du dépassement.
Les collectivités territoriales dont le budget de fonctionnement est supérieur à 60 millions d'euros, mais qui refusent d'entrer dans la démarche de contractualisation, se doivent eux aussi d'observer des objectifs. Le préfet leur notifie "un niveau maximal annuel des dépenses réelles de fonctionnement égal à l'objectif national" (+ 1,2% par an en valeur) éventuellement ajusté à la hausse ou à la baisse en fonction des critères de modulation. Si leur objectif n'est pas atteint, la reprise financière s'élève pour elles à 100% du dépassement constaté.
Qu'elles aient ou non signé un contrat, les grandes collectivités qui ne seront pas dans les clous ne pourront pas subir un prélèvement supérieur à 2% de leurs recettes réelles de fonctionnement. On rappellera que la contribution au redressement des finances publiques (la baisse des dotations) s'est élevée en 2017 à 0,94% des recettes réelles de fonctionnement des communes.
Les petites et moyennes collectivités qui ne signeront pas un contrat - c'est-à-dire l'immense majorité des entités publiques locales - seront-elles concernées par les objectifs nationaux d'évolution des dépenses de fonctionnement (le fameux + 1,2% en valeur) et de besoin de financement ? Réponse : oui. L'article 13 de la loi prévoit qu'à l'occasion du débat sur les orientations budgétaires, "chaque collectivité territoriale ou groupement de collectivités territoriales" présente ses objectifs en la matière. A cette fin, ils prennent en compte "les budgets principaux et l'ensemble des budgets annexes", est-il précisé. Si elles oubliaient cette règle et dépassaient les lignes rouges, les collectivités n'étant pas concernées par les contrats, pourraient le payer cher. Dans ce cas, elles s'exposeraient à un retour de la baisse des dotations dans le projet de loi de finances pour 2020, avait en tout cas menacé le Premier ministre lors du congrès des maires.
Le gouvernement effectuera le suivi de la mise en œuvre de l'objectif d'évolution des dépenses des collectivités territoriales. Il en présentera chaque année le bilan pour l'année écoulée devant le Comité des finances locales et le Parlement (articles 30 et 32).
A noter aussi : la loi du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 est abrogée, à l'exception de quelques-uns de ses articles, notamment l'article 34 portant sur les contrats de partenariat. Il prévoit que lorsqu'elles concluent un contrat de ce type, les collectivités territoriales et leurs établissements publics produisent, pour les projets dont l'avis d'appel public à la concurrence a été publié après le 1er janvier 2016, une évaluation préalable et la transmettent aux services de l'Etat compétents.
Référence :
loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.