Un nouveau plaidoyer pour une territorialisation des politiques de logement
La mission d'information de l'Assemblée nationale sur "l'accès des Français à un logement digne et la réalisation d'un parcours résidentiel durable" vient de valider son rapport qui formule 35 propositions préconisant notamment une territorialisation des politiques en la matière. Les députés demandent aussi davantage de moyens financiers pour provoquer le "choc d'offre", ainsi que des évolutions de la fiscalité.
Après les sénateurs, c'est au tour des députés de publier leurs recommandations face à la crise du logement, avec la perspective de l'examen du projet de loi sur le sujet. La mission d'information sur "l'accès des Français à un logement digne et la réalisation d'un parcours résidentiel durable", mise en place à l'initiative du groupe Modem, dresse le constat d'une "crise profonde et complexe qui ébranle les fondations mêmes du droit à un logement décent pour tous". Après avoir salué les conclusions du conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement – dont la plupart n'ont pas été mises en œuvre –, son rapport, présenté le 16 mai et qui sera publié prochainement, évoque "l’urgence d’une intervention d’ensemble du législateur".
Pour le rapporteur Mickaël Cosson (Modem, Côtes-d'Armor), "des mesures agiles doivent être apportées pour tenir compte des spécificités de nos territoires et de leur évolution, accorder plus de souplesse comme [c'est le cas pour] le dernier projet de loi portant sur l’habitat dégradé, la transformation de bureaux en logements et la transformation des zones commerciales. Il faut continuer ce chemin en accordant plus d’outils aux collectivités pour y parvenir et garantir un logement pour tous les âges et pour toutes les bourses".
"Définir les besoins réels en logement"
Face à "l’inadaptation du parc existant aux besoins résidentiels de la population", la mission préconise en effet une "approche des politiques du logement en fonction des territoires et des parcours résidentiels" qui nécessite notamment de "définir les besoins réels en logement de manière objective et affinée au niveau territorial". Des objectifs de construction locaux précisant la typologie des publics bénéficiaires pourraient ainsi être déterminés.
Elle recommande ensuite d'activer différents leviers pour rendre possible la différenciation des politiques appliquées localement. Une "boîte à outils à disposition des territoires" est suggérée, de même que l'expérimentation de versions régionalisées de dispositifs nationaux d’incitation à la construction (à l'image du "Pinel breton") ou l'accroissement des responsabilités confiées aux intercommunalités dans le cadre du statut d'autorité organisatrice de l'habitat. Une amélioration de l'articulation de la production de logement avec le zéro artificialisation nette (ZAN) est réclamée par ailleurs.
Autant de préconisations faisant pas mal écho aux revendications des associations d'élus locaux - l'Association des maires de France et Intercommunalités de France ont été auditionnées par la mission -, auxquelles le précédent ministre en charge du logement, Patrice Vergriete, avait prêté une oreille attentive lorsqu'il travaillait à l'élaboration d'un projet de loi de décentralisation des politiques de l'habitat.
Aide aux maires bâtisseurs
Mais au-delà des aspects techniques, le "choc d'offre" passera par une hausse des moyens financiers donnés par l'Etat aux acteurs du logement. Le rapport demande par exemple de rétablir l’aide aux maires bâtisseurs contribuant à l’effort de production de nouveaux logements par le versement d’une aide forfaitaire, de revenir sur les effets de la réduction de loyer de solidarité (RLS) sur les bailleurs ou d'augmenter les contributions de l’État au fonds national d’aide à la pierre (Fnap). Les députés soulignent en effet "la nécessité de redonner des marges financières au secteur afin de permettre de continuer à produire des logements neufs et performants tout en assumant les charges de la rénovation énergétique et de l’adaptation du parc existant".
Une fiscalité "plus juste et plus efficace"
Enfin, sur le plan fiscal, la mission appelle à des mesures pour aller vers un système "plus juste et plus efficace". Elle recommande de "consacrer prioritairement les marges de manœuvre résultant des réformes de la fiscalité immobilière à des mesures encourageant la primo-accession à la propriété d’une résidence principale", telles que la TVA à 5,5% dans le neuf, les droits de mutation à titre onéreux à taux de faveur, l'élargissement du prêt à taux zéro, la réduction du taux de TVA pour les travaux d’amélioration assortie, le cas échéant, d’une exonération temporaire de taxe foncière.
De nombreux autres leviers sont proposés, notamment de généraliser – et d'augmenter – la taxe sur les logements vacants (TLV) et la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) à l’ensemble du territoire, en en excluant seulement les territoires en déprise. Le rapport préconise aussi de "mettre à profit" la révision des valeurs locatives envisagée en 2028 pour "procéder à la bascule d’une partie de la fiscalité du logement vers l’impôt foncier, afin de réduire à due concurrence les impôts pesant sur les transactions ou les locations immobilières". Des mesures qui pourraient être examinées dans le cadre de la prochaine loi de finances.
Avant cela, la discussion à la rentrée à l'Assemblée nationale du projet de loi sur les logements abordables constituera une occasion d'évoquer ces nombreuses propositions.