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Habitat / Urbanisme - Un maire peut faire exécuter un arrêté de péril sur la base d'un référé, mais... à ses risques et périls

Un arrêt de la Cour de cassation apporte des précisions sur l'étendue et les limites du pouvoir des maires de faire procéder à la destruction d'un immeuble menaçant ruine et frappé d'un arrêté de péril non pris en compte par le propriétaire récalcitrant.

Seize ans de procédure

En l'espèce, après qu'un incendie a gravement endommagé, en 1999, l'immeuble de M. X..., le maire de Marmande (Lot-et-Garonne) prend, le 6 mars 2002, un arrêté de péril imminent enjoignant au dit propriétaire de procéder à des travaux de sécurisation. Six ans plus tard (!), au vu de l'incurie du propriétaire et sur la base du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif, faisant état d'une grave menace à la sécurité publique en raison d'un risque permanent d'effondrement de l'immeuble, le maire de Marmande prend, le 7 avril 2008, un arrêté de péril ordinaire prescrivant la démolition totale de l'immeuble. A défaut de réalisation des travaux dans le délai imparti (un mois au maximum), il demande au président du tribunal administratif l'autorisation de faire procéder à la démolition. Une ordonnance de référé du 25 juillet 2008 autorise la démolition, "sous réserve d'assurer, dans les conditions préconisées par l'architecte des bâtiments de France, la conservation des façades sur rues de l'immeuble et de l'immeuble voisin". Les travaux sont entrepris entre septembre et novembre 2008 et ce qui reste de l'immeuble est totalement démoli. Mais par un jugement du 12 octobre 2010, le tribunal administratif annule – pour des raisons qui ne sont pas précisées - l'arrêté de péril du 7 avril 2008. La commune de Marmande ayant assigné M. X... en paiement du coût des travaux de démolition, celui-ci demande reconventionnellement l'indemnisation de son préjudice, ce que la ville refuse.

La commune déboutée

La commune obtient de la cour d'appel d'Agen, dans un jugement du 12 septembre 2012 la condamnation de M. X... (qui a obtenu de sa compagnie d'assurances, après un long litige, une indemnité de 300.000 euros) à lui régler la somme de 42.757 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
Saisie par le propriétaire, la Cour de cassation confirme que "la cour d'appel, qui a retenu que les dégradations et démolitions invoquées ainsi que les préjudices financier et moral n'étaient dus qu'à sa propre inertie et au manque de soins élémentaires apportés à sa propriété, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision".
Mais le problème vient du fait que l'assignation faite au propriétaire de régler les frais de démolition de l'immeuble n'a plus de base légale avec l'annulation de l'arrêté de péril par le tribunal administratif. Dans son arrêt du 5 juillet 2018, la Cour de cassation explique ainsi "que la commune n'agit pour le compte et aux frais du propriétaire que lorsqu'elle fait régulièrement usage des pouvoirs d'exécution d'office qui lui sont reconnus et que, dès lors, l'irrégularité de la procédure résultant de l'illégalité de l'arrêté de péril fait obstacle à ce que soit mis à la charge du propriétaire le coût des travaux ordonnés par cet arrêté et exécutés d'office par la commune".
Dans ces conditions, la Cour de cassation casse et annule le jugement de la cour d'appel d'Agen, "mais seulement en ce qu'il condamne M. X... à payer à la commune de Marmande la somme de 42.757 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation".
Conclusion : face à ce type de situation, le maire qui fait exécuter un arrêté de péril, accordé rapidement par le juge administratif dans le cadre d'un référé, le fait... à ses risques et péril. Un risque à comparer toutefois à celui qui pourrait résulter des conséquences d'une inertie face à un "risque permanent d'effondrement d'un immeuble".

Références : Cour de cassation, troisième chambre civile, arrêt n° 12-27823 du 5 juillet 2018, commune de Marmande, M. X...