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Logement - Maisons à l'abandon : comment soigner les "dents creuses" ?

Dans une question écrite, Jean-Louis Masson, sénateur (non inscrit) de la Moselle, attire l'attention "sur le fait qu'il arrive dans les petites communes rurales que, suite à un héritage, les nouveaux propriétaires des maisons les laissent à l'abandon sans chercher ni à les rénover, ni à les louer ni, à les vendre". Faute d'entretien, celles-ci se dégradent jusqu'à la ruine, "ce qui nuit alors à l'esthétique du village et ce qui empêche indirectement l'installation d'une nouvelle famille". Le sénateur souhaite donc savoir si le ministère du Logement envisage de prendre des initiatives pour remédier à ce type de situation. Précision utile : cette question écrite a été posée le 14 novembre 2013 (trois ans et demi pour la réponse !), donc avant la loi Alur du 24 mars 2014.

La voie classique de l'arrêté de péril

La réponse du ministère du Logement est intéressante, dans la mesure où elle balaie les différentes dispositions mobilisables par les collectivités en cas de difficultés liées à la présence d'immeubles à l'abandon sur le territoire de la commune.
Si l'immeuble à l'abandon tombe en ruine ou présente un risque pour la sécurité des éventuels occupants, des voisins ou des passants, le premier moyen est le recours aux pouvoirs de police du maire, à travers un arrêté de péril mettant le propriétaire du bien en demeure d'effectuer des travaux dans un délai fixé. En cas d'absence de réaction, le propriétaire peut - depuis la loi Alur - se voir délivrer une astreinte administrative, jusqu'à complète réalisation des travaux.

Biens en état d'abandon et biens sans maître

Mais le maire dispose aussi de deux autres moyens moins connus. Le premier est la procédure relative aux "biens en état d'abandon manifeste" (articles L.2243-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales). Après constat de l'état d'abandon et recherche de l'éventuel propriétaire, le maire définit la nature des travaux qui permettraient de mettre fin à l'état d'abandon. Le procès-verbal est adressé au propriétaire (s'il est connu) et fait l'objet de publicité. Si rien ne se passe dans les trois mois, le maire fait constater l'état d'abandon manifeste de la parcelle, par un procès-verbal définitif. La commune peut alors engager une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique et pour construction ou réhabilitation aux fins d'habitat. A défaut d'engagement de cette procédure d'expropriation par le maire dans les six mois, le président de l'EPCI ou même le département peut s'y substituer.
Le second moyen à disposition est la procédure relative aux biens sans maître, prévue par l'article 713 du Code civil et les articles L.1123-1 et suivants et L.2222-20 du Code général de la propriété des personnes publiques. Elle s'applique dans le cas où le propriétaire de l'immeuble est inconnu et les taxes foncières n'ont pas été payées depuis plus de trois ans, ou dans celui où le propriétaire est connu mais a disparu ou est décédé depuis plus de 30 ans sans héritier (ou avec des héritiers ayant renoncé à la succession). Le conseil municipal doit alors prendre une délibération autorisant l'incorporation du bien dans le domaine de la commune, après s'être assuré, par toutes les diligences possibles, que l'immeuble peut effectivement être qualifié de bien sans maître. L'incorporation du bien est constatée par un arrêté du maire.

Depuis Alur, une intervention possible de l'EPCI

Le souci est que le problème de ces maisons à l'abandon concerne souvent de petites communes rurales, qui disposent rarement des moyens nécessaires pour faire face à ces opérations. Sur ce point, la loi Alur a introduit une disposition intéressante, en prévoyant que les EPCI peuvent également revendiquer la propriété de ces biens sans maître.
Autre précision à ne pas oublier : en vertu de l'article 539 du Code civil, les biens dont le propriétaire est décédé depuis moins de 30 ans, sans héritier ou dont les héritiers ont refusé la succession (succession en déshérence) appartiennent à l'Etat...

Références : Sénat, question écrite n°24.028 de Jean-Louis Masson, sénateur de la Moselle, et réponse du ministère du Logement et de l'Habitat durable (JO Sénat du 6 avril 2017).
 

 

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