Défense incendie - Un décret relèvera d'ici l'automne le niveau de responsabilité des maires
Déjà trois ans que le nouveau décret encadrant la législation relative à la défense incendie se fait attendre. Annoncé dans le cadre de discussions gouvernementales sur la loi de modernisation de la sécurité civile, sa préparation a fait dès 2006 l'objet de pourparlers entre le gouvernement et l'Association des maires de France (AMF). Selon des sources proches de ce dossier, piloté par la direction de la défense et de la sécurité civiles du ministère de l'Intérieur, il devrait être adopté "d'ici l'été ou l'automne 2008".
Ce décret est très attendu par les acteurs du secteur, qu'il s'agisse des sapeurs-pompiers, des exploitants de réseaux d'eau et bien sûr des élus locaux. Il l'est d'autant plus qu'il fait suite à trois tentatives de refonte inabouties ces trente dernières années. Ce décret abrogera un empilement de textes existants critiqués pour leur immobilisme et jugés obsolètes. Dont trois circulaires émises il y a plus de quarante ans (en 1951, 1957 et 1967), qui définissent les exigences techniques relatives aux caractéristiques des équipements, de leurs débits a minima et des conditions d'implantation des points d'eau servant à la défense contre l'incendie.
Un axe qui fait en soi débat puisque la circulaire n'ayant pas force réglementaire, ces recommandations ont jusqu'alors été appliquées de manière divergente sur le terrain. Dans certaines communes, on ponctionne par exemple le réseau d'eau potable en surdimensionnant celui-ci en vue de s'approvisionner en eau allouée à la défense incendie. Et ce au risque que les flux se croisent et que soient engendrés des problèmes sanitaires. Ailleurs, on préfère créer un réseau dédié pour un coût jugé prohibitif par nombre de communes, celles-ci ayant par ailleurs pu observer un phénomène croissant de puisages illégitimes de leur eau par des entreprises locales.
Vers des schémas communaux de défense incendie
Colonne vertébrale du prochain décret : le renforcement de la concertation entre les maires et les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Sans que cela ne leur soit imposé, ces derniers sont actuellement censés appuyer d'un point de vue technique le maire, seul détenteur des pouvoirs de police et donc des moyens alloués sur son territoire à la défense incendie. Mais suite à plusieurs dysfonctionnements de bornes ayant conduit certaines victimes d'incendie à se retourner contre leurs élus, les maires, auxquels incombe la responsabilité du contrôle de leur bon fonctionnement, pointent du doigt les SDIS, qui se sont progressivement désengagés de ce rôle d'assistance et de veille techniques. Dès lors, nombre d'élus ont fait appel pour cette mission aux services d'entreprises spécialisées.
Le nouveau décret devrait donc clarifier les responsabilités de chacun et renforcer celles du maire, en l'incitant à passer comme certains le font déjà par des prestataires commandités par lui. Il devrait par ailleurs être complété par un arrêté interministériel prenant la forme d'un guide méthodologique préconisant des solutions d'installation d'une défense incendie.
Trois niveaux territoriaux y seront explicités. Le niveau national fixera les principes généraux. Le niveau d'intervention départemental sera primordial car, comme le gouvernement l'avait affirmé fin 2006, enréponse à une question de la députée des Ardennes Bérengère Poletti, "l'approche départementale et partenariale rassemblant les responsables élus et les techniciens permettrait d'arrêter des règles mieux adaptées aux risques à défendre, particulièrement ceux rencontrés dans les communes rurales, en cohérence avec la politique du SDIS et celle de la gestion générale des ressources en eau".
Un troisième niveau local permettra d'instaurer des schémas communaux de défense incendie. Lesquels seront élaborés par les SDIS et arrêtés par les maires en fonction des risques identifiés par commune et selon les moyens disponibles pour lutter contre d'éventuels sinistres. En cela, ces schémas, mieux axés sur la prévention des risques, s'imposeront comme un outil incontournable en matière de concertation et de calendrier de financement d'éventuels travaux. Le projet de décret prévoit aussi d'élargir la possibilité par les syndicats intercommunaux - lesquels peuvent déjà avoir la compétence de distribution d'eau potable - de gérer et contrôler les moyens de défense incendie, sous réserve d'engagements précis passés avec le maire.
Enfin, le coût souvent trop élévé que représente pour les communes rurales le contrôle des réseaux d'eau et leur extension en vue de couvrir des zones éloignées devrait être allégé grâce à une meilleure articulation entre, d'un côté, les risques réels mieux analysés sur le terrain et, de l'autre, les moyens alloués par les maires (moyens financiers, stratégiques) et par les SDIS (moyens opérationnels).
Morgan Boëdec / Victoires éditions