Un collectif lance un appel à "une politique nationale des sols"

Une coalition d'acteurs réunis au sein de l'Institut de la Transition foncière a lancé ce 5 février un appel à une "politique nationale cohérente de protection et de gestion des sols" face à une situation jugée "alarmante" en France.

"L'artificialisation progresse quatre fois plus vite que la démographie, ce qui fait de la France le plus mauvais élève de l'Union européenne en rythme d'artificialisation", a déclaré lors d'une conférence de presse ce 5 février Jean Guiony, président de l'Institut de la Transition foncière. Avec une coalition d’acteurs du monde de l’aménagement et des collectivités (région Bretagne, métropole du Grand Lyon, département de Loire-Atlantique, Métropole Savoie, Ordre des géomètres-experts et Conseil national de l’ordre des architectes), cette association loi 1901 appelle le gouvernement à fixer un "cadre national clair", à l'instar de ce qui existe pour "le carbone et l'eau". 

Pour une approche qualitative des sols

Il s’agit de "replacer la préservation des sols vivants au centre des politiques publiques", défend le collectif. Les sols sont "essentiels pour la biodiversité, la lutte contre le réchauffement climatique et la souveraineté alimentaire", rappellent les auteurs du manifeste dans un communiqué. Alors qu'il faut "plusieurs milliers à plusieurs dizaines de milliers d'années pour former un sol", "nous poursuivons nos activités comme s'il s'agissait d'une ressource renouvelable", alertent-ils. "À l'heure des inondations massives (Pas-de-Calais, Alpes, Bretagne), des méga-feux (Landes) et de la raréfaction de la ressource en eau, protéger les sols et leurs fonctions, c'est protéger les populations", poursuit le communiqué, plaidant pour une approche "qualitative des sols".

Connaissance, gouvernance, financement, accompagnement

Pointant un cadre législatif "incomplet (pas de définition des sols)" et "dispersé (entre les textes à visée agricole, ceux relatifs au logement, à l’industrie, aux aires protégées, à la biodiversité…)", les auteurs de l’appel avancent 14 propositions pour que "les sols [prennent] leur place sur la carte de la transition écologique".

Les mesures proposées se déclinent en quatre axes : connaître les sols et leurs fonctions, "en mettant en place des outils pour mesurer et protéger la qualité des sols" ; "gouverner les sols de manière transversale et décentralisée" ; financer la sobriété foncière par la mise en place d’"un maillage d’outils régionaux de financements et des mesures fiscales incitatives" ; "accompagner les territoires et les projets, en massifiant l’appropriation de la transition foncière ainsi que l’accompagnement en ingénierie technique auprès des collectivités et de tous les acteurs de la sobriété foncière".

Besoin d'une définition des sols

Parmi les propositions formulées, les auteurs de l’appel soulignent la nécessité d’établir une définition des sols "permettant d’unifier la compréhension des sols entre les différents acteurs" et d’ "intégrer un diagnostic de qualité des sols dans les cessions immobilières et foncières, afin de bénéficier d’une donnée harmonisée, en France, à l’échelle de la parcelle, c'est-à-dire à l’échelle de la planification urbaine et des projets." Toujours au chapitre de la connaissance, ils appellent à "garantir le soutien plein et entier de la France au projet de directive sur la surveillance des sols, actuellement en trilogue" et de "mettre en place un observatoire national et des observatoires régionaux des marchés fonciers ruraux pour permettre au public, aux jeunes agriculteurs, aux foncières agricoles et aux Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) d’avoir une vue globale des biens agricoles à reprendre".

Proposition de délégation interministérielle des sols

Sur le volet gouvernance, ils préconisent la création d’une "délégation interministérielle des sols". Chargée de "la mise en cohérence des politiques publiques autour d’un objectif de réduction de l’empreinte foncière française et de protection des sols vivants", elle aurait également un rôle d'"interlocuteur unique pour les collectivités locales et les acteurs de la filière sol". Ils appellent aussi à pérenniser les conférences ZAN en donnant une plus grande liberté aux territoires pour leur composition. Ils défendent également l’"intégration des sols dans le contenu de l’évaluation environnementale des documents de planification et des projets et dans les autres autorisations environnementales notamment le dossier loi sur l’eau".

Introduction d'un bonus-malus lié aux impacts sur les fonctions des sols

Sur le volet financier, ils suggèrent de mettre en place "un maillage d’outils régionaux de financement des transitions couvrant la renaturation, la compensation ZAN, le financement du recyclage foncier" et d’"introduire un bonus-malus dans les modèles économiques de l’aménagement en fonction de l’impact sur les fonctions des sols." Autre proposition : mettre en place "une modulation de la fiscalité foncière pour récompenser les projets les moins artificialisants : autrement dit, moduler la taxe d’aménagement, les exonérations de TFB, l’assiette de la Tascom, etc.".

Mise en réseau de collectivités engagées pour la transition foncière

Enfin, les promoteurs de l’appel proposent de réaliser un sondage auprès des Français sur leur connaissance des sols, des enjeux liés à l’artificialisation et au cadre de vie, de mettre en place un réseau de collectivités locales engagées pour la sobriété foncière, adossé à une offre d’ingénierie, d’assurer un accompagnement de la massification d’OAP (Orientations d'aménagement et de programmation) coeur d'îlots, d’OAP renaturation, et d’OAP densifications dans les plans locaux d’urbanisme (PLU et PLUi). Ils préconisent également de faciliter le portage du foncier agricole en ouvrant aux associations et collectivités les groupements fonciers agricoles.