Un collectif dénonce "l'angle mort" de la déscolarisation de certaines minorités
"Trêve scolaire", simplification des documents administratifs... Le collectif Ecole pour tous a interpellé mardi 3 septembre 2019 le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer auquel il a proposé des mesures pour que "100.000 enfants", étrangers ou issus des minorités, ne soient plus déscolarisés.
Le collectif, créé en 2018 et qui se veut représentatif des "enfants vivant en bidonvilles, squats ou hôtels sociaux" et des "jeunes mineurs isolés étrangers", a déploré lors d'une conférence de presse à Paris qu'il y ait "encore 100.000 oubliés de la rentrée des classes cette année". "Nous sommes l'angle mort de la politique publique" en matière d'éducation, a dénoncé Anina Ciuciu, avocate et coordinatrice du collectif, elle-même issue d'une famille rom de Roumanie.
Simplifier les pièces requises lors de l'inscription
Pour faire évoluer la situation, l'Ecole pour tous demande notamment de "simplifier les pièces requises lors de l'inscription". "On me demandait des attestations de domicile, mais vu que j'étais en bidonville, je ne pouvais pas en avoir. J'ai dû attendre un an et que la directrice de mon école me fasse une attestation d'hébergement personnelle, pour pouvoir y aller", témoigne Slavi Miroslavov, jeune adolescent venu à l'âge de 6 ans en France avec ses parents bulgares. Pour lui qui a vécu de nombreuses expulsions, une "trêve scolaire" est aussi essentielle. "Pour qu'aucun enfant ou jeune scolarisé ne quitte l'école en cours d'année s'il a été expulsé de son logement", souligne le collectif.
Présomption de minorité pour les mineurs non accompagnés
Autre revendication, la présomption de minorité pourrait permettre à tous les étrangers se présentant comme mineurs non accompagnés (MNA) d'être scolarisés en attendant que les autorités statuent sur leur âge. Le collectif souhaiterait aussi développer la médiation éducative, rendre obligatoires les contrats jeunes majeurs ou encore "ajuster" la "lutte contre le racisme".
Le chiffre de 100.000 enfants déscolarisés en France, que le collectif a établi après "recoupements" de plusieurs données, est même "en-deçà de la réalité", abonde Geneviève Avenard, la Défenseure des enfants, présente à la conférence.
Sur les quelque 3.000 saisines par an, beaucoup concernent "des ruptures de scolarisation après expulsion" ou des "mineurs non accompagnés". Ces derniers, affirme-t-elle, "doivent d'abord être considérés comme des enfants avant d'être considérés comme des étrangers".
Le maire dresse la liste de tous les enfants d'âge scolaire
Sur ces questions de scolarisation, le rôle du maire, en tant qu'agent de l'Etat consiste à procéder au recensement de l’ensemble des enfants soumis à l’obligation scolaire, donc de 3 à 16 ans révolus qui résident sur sa commune. Cette liste, établie à chaque rentrée scolaire, peut être consultée par les conseillers municipaux, les délégués départementaux de l'Education nationale, les assistants de service social, les membres de l'enseignement, les agents de l'autorité, l'Inspecteur d’Académie – directeur académique des services de l’éducation nationale (IA-Dasen) ou son délégué. Ces derniers signalent au maire les enfants de la commune non inscrits sur la liste. Le maire - ou ces autres personnes - signalent également à l'IA-Dasen les enfants soumis à l'obligation scolaire qui ne sont pas inscrits dans une école ou un établissement ou qui n'ont pas fait l'objet d'une déclaration d'instruction dans la famille.
Complexité de la scolarisation des mineurs non accompagnés
La scolarisation des mineurs non accompagnés (MNA) pose quant à elle plusieurs problèmes, selon l'étape de leur prise en charge sur le territoire national. Les pouvoirs publics doivent tenir compte de plusieurs obligations légales : la scolarité obligatoire des mineurs âgés de moins de 16 ans et les dispositions de l'article L. 111-1 du code de l'éducation selon lesquelles “le droit à l'éducation est garanti à chacun”.
Dans le cas des MNA, les pouvoirs publics ont un arbitrage complexe à rendre. Si l'intégration des jeunes migrants par la scolarisation est souhaitable le plus en amont possible, l'incertitude qui demeure autour de leur âge avant leur évaluation de minorité laisse planer le doute sur la base juridique qui leur est applicable. Lorsqu'un mineur accompagné est manifestement âgé de moins de 16 ans, il fait, selon toute logique, l'objet d'une ordonnance de placement provisoire (OPP) rendue en urgence, son placement à l'aide sociale à l'enfance et sa scolarité sont immédiatement engagés sans qu'il ne soit besoin d'attendre les résultats de l'évaluation.
La situation se complique pour les jeunes migrants se prétendant mineurs mais qui se disent âgés de plus de 16 ans. L'obligation scolaire ne s'applique pas à eux, mais ils n'en demeurent pas moins titulaires du droit inconditionnel à l'éducation énoncé par la loi. De plus, scolariser de jeunes migrants dont l'évaluation de minorité n'a pas encore été rendue présente le risque d'intégrer aux classes des personnes potentiellement majeures.