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Transports - Un "cahier de doléances" pour la mobilité durable

A l'issue des "Etats généraux de la mobilité durable" organisés par les autorités organisatrices de transport, les associations d'usagers et les entreprises du secteur, un "cahier de doléances" de 70 propositions a été présenté le 7 mars. Il vise à interpeller les candidats à l'élection présidentielle qui seront invités à répondre à ces propositions lors d'un séminaire le 22 mars prochain.

Dans le grand concert des adresses aux candidats à l'élection présidentielle, les acteurs des transports publics veulent à leur tour faire entendre leur voix. A l'issue des "états généraux de la mobilité durable" auxquels près de 600 acteurs (usagers, élus, collectivités, entreprises, ONG, fédérations, syndicats…) ont participé et de six mois de consultation, le Groupement des autorités responsables de transport (Gart), Régions de France, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), le think tank TDIE et l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) ont présenté le 7 mars un "cahier de doléances" comprenant 70 propositions "pour la mobilité de tous les Français". C'est à partir de ce document émanant du terrain que les candidats à la présidentielle et leurs équipes seront amenés à apporter des réponses lors d'un débat qui sera organisé par TDIE le 22 mars prochain au Palais Brongniart à Paris.

Six propositions jugées prioritaires

 
Des 70 propositions issues des Etats généraux, 30 relèvent de décisions à prendre au niveau national et 40 au niveau local (lire notre encadré ci-dessous). "Nous sommes aujourd'hui dans un état de nécessité absolue, il y a le feu au lac a souligné Louis Nègre, président du Gart. Nous sommes confrontés à la fois à des problèmes de qualité de service, à des problèmes financiers, de pollution, au développement des nouvelles mobilités et de l'open data. Face à un paysage des transports qui transforme de manière profonde, nous avons souhaité porter tous ensemble la question de la mobilité au sens large au cœur du débat public". Pour les promoteurs des Etats généraux de la mobilité, six propositions s'imposent comme des préalables et portent un caractère prioritaire. Tout d'abord, ils réclament la création d'un ministère des Transports et de la Mobilité de plein exercice auquel serait aussi confié le pilotage de la délégation interministérielle à la sécurité routière. Ils veulent aussi que soit élaborée une loi de programmation financière qui permettrait de sanctuariser le versement transport et d'augmenter les ressources de l'Agence de financement des infrastructures de France (Afitf) à hauteur de ses engagements. "Il nous faut une loi comme la loi de programmation militaire qui donne lieu à un débat au Parlement sur les objectifs et les moyens, fixés à un horizon de 5 ans minimum, pour pouvoir stopper la dégradation de nos infrastructures", a expliqué Louis Nègre. "Il est indispensable de trouver des ressources pérennes et fléchées pour les transports", a-t-il martelé. Autre urgence, selon les promoteurs des Etats généraux : revenir à une TVA à 5,5% pour les transports publics car "ce sont des services de première nécessité", a insisté le président du Gart. "Le relèvement du taux de TVA a coûté 300 millions d'euros aux autorités organisatrices des transports, a-t-il rappelé. Nous réclamons le même taux de TVA que celui appliqué dans des pays comme la Suède, la Norvège ou la Grande-Bretagne".

Ouverture à la concurrence des transports régionaux
 

Pour améliorer la qualité de service pour les usagers, deux propositions sont jugées prioritaires. La première est l'instauration d'un "véritable service minimum" associant les parties prenantes. "Aujourd'hui, malgré la loi, il n'existe pas vraiment", estime Louis Nègre. Selon lui, il faut travailler sur l'exercice du droit de grève et du droit de retrait. Car si le premier est un droit constitutionnel, la continuité du service public de transport l'est tout autant, soutient-il, il faut donc parvenir à un "équilibre". La deuxième mesure mise en avant pour améliorer la qualité de service est l'expérimentation de l'ouverture à la concurrence des transports régionaux. Louis Nègre a été chargé par le Sénat de préparer une proposition de loi à ce sujet qui devrait être déposée "avant la fin du premier semestre", a-t-il indiqué. Enfin, pour lutter contre la pollution, les acteurs des transports réclament des aides financières pour soutenir l'acquisition de véhicules de transport public à faibles émissions qui sont aujourd'hui 1,5 à 2 fois plus chers que les véhicules conventionnels, et un quatrième appel à projets pour des transports collectifs en site propre (TCSP) pour assurer la transition énergétique.

Les propositions pouvant être mises en œuvre à l'échelle locale
Une quarantaine de propositions issues des Etats généraux de la mobilité durable s'adressent aux autorités organisatrices des transports et aux exploitants à l'échelle locale. Pour sensibiliser le grand public à la mobilité durable, il a été proposé d'intégrer les problématiques de santé publique (lutte contre la pollution et la sédentarité) dans la planification de la mobilité. Trois propositions visent à mieux fédérer les acteurs et les politiques publiques autour de la mobilité : généraliser les instances de dialogue avec les acteurs locaux (employeurs, usagers, non usagers, acteurs sociaux…) pour assurer l'adhésion aux réseaux de transport ; intégrer la dimension "mobilité" dans toutes les politiques publiques en faveur de l'habitat, de l'urbanisme, du tourisme, de l'éducation...; engager des Etats généraux de la mobilité durable au niveau de l'agglomération ou de la région pour recueillir les attentes de l'ensemble des parties prenantes.
Dix propositions concernent l'amélioration de la qualité de service :
- Favoriser l'alarme et le dialogue social "afin de trouver des solutions constructives entre les parties prenantes sans dégrader les conditions de transport des voyageurs.
- Poursuivre le développement des systèmes d'information à l'échelon des bassins de vie et/ou des régions et les élargir à l'ensemble des chaînes de mobilité.
- Préserver la diversité des supports d'information pour s'adapter aux besoins des voyageurs.
- Simplifier les tarifs pour apporter plus de lisibilité aux gammes tarifaires.
- Construire des indicateurs de qualité cohérents avec les attentes des voyageurs.
- Renforcer les mécanismes d'intéressement à la qualité du service dans les processus contractuels.
- Favoriser le développement des couloirs de bus pour les transports urbains et des voies dédiées pour les autocars interurbains.
- Privilégier les postes de commande centralisés uniques pour les transports publics et le réseau routier (gestion des feux et des flux).
- Assurer la connectivité à bord des véhicules, en gare et aux arrêts.
- Poursuivre le développement du cadencement et l'articulation entre les offres des différents échelons territoriaux.
Huit propositions entendent faciliter l'intermodalité et la multimodalité :
- Encourager le développement de structures régionales de gouvernance pour favoriser l'intermodalité.
- Réfléchir à la pertinence économique des modes de transport lors des évolutions de réseaux et travailler sur les complémentarités modales.
- Tendre vers une harmonisation des règles tarifaires afin de les rendre plus compréhensibles et plus accessibles mais également plus interopérables y compris avec les initiatives privées.
- Favoriser le parcours client en proposant des solutions de paiement dématérialisées et multimodales.
- Développer des indicateurs de performance de tous les modes (transports collectifs, voiture particulière, vélo, marche…) en termes de temps de parcours, d'empreinte environnementale et prenant en compte la multimodalité.
- Favoriser l'articulation entre les initiatives privées telles que les autocars longue distance et le covoiturage avec les offres de transport public.
- Favoriser l'accès des modes actifs aux pôles d'échanges multimodaux.
- Développer les pôles d'échanges multimodaux, en améliorant la gestion des flux, des correspondances et la lisibilité de tous les services de mobilité.
La desserte des territoires peu denses, enjeu majeur pour les collectivités a paradoxalement donné lieu à peu de propositions, ont regretté les organisateurs des Etats généraux. Quatre d'entre elles tournent autour de la complémentarité et de la fluidification des échanges entre les modes : créer et développer de nouveaux lieux d'échanges multimodaux regroupant toutes les offres de mobilité ; diversifier l'offre de mobilité pour assurer des dessertes capillaires fines du territoire (autopartage, vélo à assistance électrique, covoiturage dynamique…) ; améliorer la complémentarité des transports publics et du vélo en développant des voies cyclables et des dispositifs de stationnement sécurisés, développer et sécuriser les cheminements piétons. D'autres visent à développer l'innovation et l'expérimentation : proposer des solutions de transport à la demande simples et souples en s'appuyant sur les possibilités offertes par les nouvelles technologies tout en assurant une maîtrise des coûts ; contribuer à faire émerger l'innovation en lançant des appels à projets permettant le développement de solutions de mobilité en zones peu denses ; exploiter le potentiel des vélos à assistance électrique en zones peu denses selon les territoires.
Une autre série de propositions tournent autour de la problématique de la transition énergétique et de la préservation de la santé publique : associer davantage les employeurs et les recruteurs à la définition des offres publiques de mobilité ; favoriser le maintien et l'accès dans l'emploi par la généralisation de conseils  en mobilité ; inciter au développement de schémas directeurs vélos pour en promouvoir la pratique ; poursuivre la réalisation de cheminements piétons avec des aménagements urbains adéquats ; réduire les vitesses en ville pour pacifier et mieux partager l'espace public ; rationaliser l'usage des différents modes de transport en ville en profitant des opportunités de la réforme de la décentralisation du stationnement. Enfin, concernant les stratégies tarifaires et l'optimisation des offres de transports publics, cinq propositions s'adressent aux autorités organisatrices et aux réseaux : reconsidérer le poids des différents contributeurs (voyageurs, contribuables, employeurs le cas échéant) dans le financement des transports publics ; indexer l'évolution des prix des titres de transport sur l'inflation et accompagner les évolutions quantitatives et qualitatives de l'offre d'une revalorisation tarifaire ; prendre en compte la capacité contributive des voyageurs dans l'élaboration des gammes tarifaires ; améliorer la productivité des réseaux (vitesses commerciales, couloirs réservés, priorités aux feux…) ; améliorer la productivité interne des opérateurs de transport.