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Economie mixte - Trois scénarios pour les Sem en 2015

Dans quel contexte s'exercera l'activité des Sem à l'horizon 2015 ? Comment anticiper les conséquences des évolutions législatives et d'une concurrence de plus en plus virulente ? C'est pour répondre à ces interrogations que la Fédération des Sem a décidé d'engager une réflexion prospective dont les résultats ont été présentés au Congrès national des Sem, à Strasbourg, qui s'est achevé le 12 octobre.

Lille, 1999 : un groupe de travail réuni à l'initiative de la Fédération des Sem avait mené pour la première fois une réflexion prospective en vue du Congrès "Construire l'économie  mixte de demain". Sept ans plus tard, le Congrès de Strasbourg a réitéré la démarche en se fixant pour horizon 2015. Pendant six mois, plus d'une centaine d'intervenants - élus, directeurs de Sem, fonctionnaires d'Etat et territoriaux, investisseurs et partenaires financiers et même concurrents privés - se sont livrés à un exercice d'anticipation, piloté par l'équipe de Michel Godet, professeur de prospective au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam). Les résultats de cette démarche, destinée à fournir aux dirigeants et aux partenaires des Sem des éléments pour alimenter leurs décisions stratégiques, ont été au coeur des débats à Strasbourg. Pour donner suite à cette démarche, la FNSEM a décidé de créer un comité de veille stratégique, présidé par Jean-Léonce Dupont, sénateur et premier vice-président du conseil général du Calvados, président de la société anonyme immobilière d'économie mixte de Bayeux.

Le poids croissant des décisions européennes

En moins d'une décennie, le paysage des Sem a été profondément bouleversé et les prévisions de 1999 ont été largement dépassées. Alors que les décisions prises au niveau européen revêtent désormais une importance vitale pour leur activité, les Sem n'ont pas toujours suffisamment anticipé l'irruption du droit communautaire et la complexification des législations. Elles doivent aujourd'hui faire face à la montée des risques juridiques. Pour les appels d'offre, elles craignent notamment une décision de la Cour de justice européenne exigeant la séparation entre le dirigeant de la société et le décideur de l'appel d'offre.
Les liens entre les Sem et les collectivités locales ont dans le même temps été sensiblement modifiés, "passant d'une relation de confiance à un rapport de complémentarité et dans certains cas de rivalité", relèvent Pierre Chapuy et Régine Monti, directeurs d'études au Gerpa (Groupe d'études ressources prospectives aménagement), qui ont animé la démarche de prospective avec Michel Godet. "L'intensification des conséquences de l'intercommunalité a entraîné une concurrence plus forte dans le secteur du logement, provoquant la concentration de certaines Sem et la disparition d'autres au profit d'acteurs plus importants. Quelle est la probabilité d'extension de cette dynamique au secteur de l'aménagement ?", s'interrogent-ils.
Les participants à la démarche prospective dressent aussi un constat sévère à l'encontre de l'Etat, qui impose d'un côté - en accord avec les décisions européennes - la mise en concurrence des Sem tout en multipliant les réglementations, voire en freinant  les évolutions, estiment certains. Les règles concernant le capital des Sem, inchangées depuis 1983, font aujourd'hui débat : faut-il, par exemple, faire sauter le verrou des 50% de participation obligatoire des collectivités locales au capital pour permettre aux Sem de développer de vrais partenariats public-privé ? Comment expliquer que la participation de l'Etat ou des établissements publics au capital des Sem soit assimilée à celle des investisseurs privés ? Pourquoi maintenir à 85% le montant maximum de participation des collectivités locales ? Autre contrainte considérée comme un frein à la croissance des nouvelles Sem : l'obligation pour les collectivités d'enchaîner deux processus de mise en concurrence en amont lors de l'attribution de la mission et en aval pour les contrats passés avec des tiers.
Les Sem subissent aussi directement les effets de la transformation profonde de la société (vieillissement de la population, montée des difficultés sociales, des préoccupations environnementales, explosion des nouveaux moyens de communication...) qui leur ouvrent la perspective de nouveaux marchés, dans le domaine des services notamment, mais qui exigent de fortes adaptations de leur part. Enfin, la concurrence du secteur privé, déjà très prégnante, sur les marchés traditionnels de l'économie mixte, risque encore de s'intensifier avec le développement des partenariats public-privé institutionnels (PPPI) en Europe.

Vers un grignotage des Sem ?

Au vu de ces évolutions, trois scénarios probables se dessinent pour les Sem d'ici à 2015. Le plus pessimiste laisse présager une disparition progressive des Sem, prises en étau entre une concurrence libérale totale et un statut anachronique qui les empêche de lutter à armes égales sur leurs marchés. Confrontées à d'importantes difficultés financières, les Sem pourraient alors connaître différentes évolutions : reprise par la collectivité de certains services clés, absorption des activités les plus rentables par des groupes privés, constitution de groupe multi-métiers ou multi-territoires pour les Sem les plus performantes et innovantes.
A l'opposé, un scénario optimiste table sur un renouveau des Sem qui serait favorisé par un consensus européen sur le statut des entreprises publiques locales (EPL). Confortées juridiquement, les Sem devenues EPL pourraient mettre en avant le dynamisme de leurs réseaux d'échange, leur ancrage dans les territoires et leur comportement entrepreneurial pour investir de nouveaux champs d'intervention - le domaine de l'eau, par exemple - et se positionner auprès des collectivités comme des opérateurs de premier choix, capables d'intervenir en amont de la décision publique.
Entre ces deux scénarios extrêmes, un troisième - considéré aujourd'hui comme le plus réaliste - prévoit un grignotage des Sem. Sous l'effet des tiraillements, au niveau européen, entre les positions libérales et les attentes sociales, auxquels s'ajoutent les contraintes très fortes pesant sur les budgets des collectivités locales, les Sem devront continuer à gérer une situation inconfortable. Certaines tireront leur épingle du jeu mais leur nombre devrait progressivement diminuer, voire disparaître sur certains créneaux d'activité. "C'est à la fois l'arbitrage et la volonté politique à différents niveaux, la puissance des concurrents privés mais aussi la performance des Sem dans des marchés plus concurrentiels qui expliqueront en l'an 2015 le nombre de Sem et leurs parts de marché", conclut le groupe de travail prospective.

Anne Lenormand

 

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